Premier League - Chelsea : les fous auraient-ils pris le pouvoir à l'asile ?
Chelsea a encore décidé de se séparer de son entraîneur en écartant Mauricio Pochettino, qui n'a pourtant pas été aidé cette saison tant dans la construction de son effectif qu'avec les nombreuses blessures. Mais Todd Boehly, Bedad Eghbali et José Feliciano, qui sont à la tête du club londonien, restent droits de leurs bottes, même si rien ne fait sens depuis leur arrivée.
Todd Boehly, prospective buyer of Chelsea FC looks on during the Premier League match between Chelsea and Wolverhampton Wanderers at Stamford Bridge on May 07, 2022 in London, England
Crédit: Getty Images
Si seulement il était aussi facile de changer de propriétaire que d'entraîneur, les supporters de Chelsea se sentiraient plus rassurés quant à l'avenir de leur club. Car le plus étonnant dans l'annonce du licenciement déguisé en "départ par consentement mutuel" de Mauricio Pochettino est qu'il n'a finalement étonné personne. Le bruit circulait depuis un certain temps, tout comme les noms de possibles successeurs. Et puis Chelsea reste Chelsea, cette machine à dévorer les coachs, qui a encore plus d'appétit depuis que Todd Boehly et ses amis du fond Clearlake ont pris la place de Roman Abramovitch, qui avait pourtant les crocs bien aiguisés.
Autant dresser de suite la liste des victimes du régime en place depuis le 30 mai 2022 à Stamford Bridge, en laissant de côté le brévissime intérim de Bruno Saltor, l'adjoint de Graham Potter qui ne resta que le temps de préparer un 0-0 contre Liverpool en avril 2023 avant de s'en aller. Thomas Tuchel, champion d'Europe avec les Blues un an et deux mois plus tôt, dura 100 jours. Graham Potter survécut un peu plus du double, remercié un mois après avoir guidé Chelsea en quarts de finale de la Ligue des champions, dix jours avant la demi-finale aller contre le Real Madrid. Magnifique timing.
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Mauricio Pochettino
Crédit: AFP
Pochettino, un non-sens sur le plan sportif
Frank Lampard, rappelé en catastrophe pour clôturer la saison 2022-23, finit avec le pire pourcentage de victoires de l'histoire du club (9,09%, soit un succès en onze matches). Pochettino, lui, aura donc tenu 325 jours. Tous nos voeux accompagnent donc le probable successeur de l'Argentin, Enzo Maresca, l'ancien assistant de Pep Guardiola à Manchester City qui orchestra le retour de Leicester City en Premier League, titre du Championship à la clé.
Que la décision de se séparer de Pochettino n'aie pas le moindre sens sur le plan sportif, tout le monde en convient, sauf Boehly et consorts, bien sûr. Ses premiers mois à Stamford Bridge avaient été délicats à gérer, et Chelsea avait si vite perdu le contact avec les clubs faisant la course en tête que tout espoir de se qualifier pour la Ligue des champions s'était évanoui avant Noël. Cela ne constituait pas une surprise en soi, dans la mesure où l'effectif des Blues était passé par un bouleversement - voulu et exécuté par leurs propriétaires, pas par leur coach - sans équivalent et sans précédent dans l'histoire du football anglais.
De plus, si, au début, les résultats n'étaient pas ceux qu'on était en droit d'attendre d'un club habitué aux sommets et qui avait dépensé un milliard sur le marché des transferts, les performances, elles, se caractérisaient par leur inconstance, pas par leur médiocrité. Il arrivait que Chelsea déçoive, mais il arrivait aussi que Chelsea séduise. Chelsea pouvait s'incliner chez lui face à Nottingham Forest, mais Chelsea pouvait aussi finir la saison invaincu contre le champion Manchester City - et en lui ayant passé cinq buts.
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Des fans de Chelsea se plaignent auprès de Todd Boehly
Crédit: Getty Images
20 blessés et 1 745 jours d'absence qui ont plombé la saison
Comment aurait-il été possible de faire preuve de régularité quand Pochettino devait non seulement intégrer les douze (!) joueurs arrivés au club entre le 1er juillet et le 1er septembre 2023, la plupart encore bien tendres, mais aussi composer avec les blessures qui n'en finirent pas d'affecter des éléments sur lesquels il espérait pouvoir compter, comme Reece James, Ben Chilwell ou Christopher Nkunku? Férus de statistiques comme ils le sont, Boehly et les siens auraient peut-être pu se demander si, tout compte fait, l'irrégularité de leur équipe n'était pas aussi à mettre en rapport avec les vingt joueurs qui furent blessés au cours de la saison, manquant 1 745 jours de compétition au total (*)?
Malgré cela, Chelsea avait redressé la tête depuis la mi-février, n'enregistrant qu'une seule défaite en championnat après cette date, battant Newcastle, Manchester United et Tottenham pendant cette période, et livrant un superbe sprint dans la dernière ligne droite - cinq matches, cinq victoires - pour décrocher la septième place qui leur permettra de retrouver l'Europe la saison à venir. Oh - Chelsea parvint aussi en finale de la League Cup et en demi-finale de la FA Cup, ne s'inclinant qu'après avoir donné des frayeurs à Liverpool et Manchester City.
Boehly, Eghbali et Feliciano convaincus de tout savoir mieux que tout le monde
Cela n'aura donc pas suffi à Todd Boehly, Bedad Eghbali et José Feliciano, le triumvirat de têtes qu'on n'ose qualifier de 'pensantes' de Chelsea Football Club. Pas plus que l'explosion de Cole Palmer au premier plan, lui qui finit deuxième du classement des goal scorers de la Premier League avec 22 buts, ou l'épanouissement de Conor Gallagher, titularisé 37 fois sur 38 en championnat, ou le fait que Mudryk, Fernandez et Caicedo ressemblent aujourd'hui aux joueurs que Chelsea croyait avoir achetés. Peut-être que Pochettino ne correspond pas à l'idée qu'ils se font d'un head coach à l'américaine. Peut-être est-il trop proche de ses joueurs (*). Allez savoir.
C'est que Boehly, Eghbali et Feliciano sont convaincus de tout savoir mieux que tout le monde et ne se gênent pas pour l'affirmer avec une arrogance à couper le souffle lors des conférences d'investisseurs auxquelles ils sont régulièrement invités. Voici ce qu'avait à dire Eghbali au sommet "Invest In Sports" d'octobre 2022, et qui se passe de commentaire. "Nous avons pensé que Chelsea était un avoir, un business qui n'était pas si bien géré que ça, que ce soit pour le football, le sportif ou le promotionnel (sic) [et représentait] une opportunité significative pour nous, qui avions besoin d'une tête de pont pour ensuite considérer [un modèle de] multi-propriété de clubs. Nous avons regardé ça, et nous pensons que les sports européens ont probablement un retard de vingt ans sur les sports US en termes de sophistication sur le plan commercial et sur le plan des data". Tout est dit.
Autant laisser les mots de la fin à Jürgen Klopp, qui les a dit lors d'une réception organisée en son honneur mardi soir à Liverpool. "Nous devrions vraiment être heureux d'avoir ces propriétaires [ndlr: John W. Henry et FSG] et pas les gars qui ont acheté des clubs à Londres et d'autres trucs", dit-il. Tout le monde avait compris l'allusion. "Avec eux en charge, je n'aurais pas tenu un an à Liverpool. "De grands progrès, mais qui ne suffisent pas, virez-le!" Un an plus tard: "virez-le". Les voilà qui finalement, jouent le genre de football qui fait penser aux gens qu'ils sont de retour - et ils virent le manager de toute façon!"
Oui, vraiment, bonne chance, Enzo Maresca.
(*) Seul Manchester United souffrit davantage des blessures de ses joueurs durant la saison 2023-24, selon une étuderéalisée par le site spécialisé Premier League Injuries.
(*) Deux exemples de réactions suscitées au sein des Blues par l'annonce du départ de Pochettino: "Coach, je t'aime, et j'aurais souhaité que nous restions ensemble plus longtemps", s'est épanché Nicolas Jackson sur Instagram. "Quelle personne, quel coach!", a renchéri Moises Caicedo.
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