Bryan Mbeumo (Brentford), le buteur anti-star qui chasse Erling Haaland (Manchester City) et Mo Salah (Liverpool)

Pour sa sixième saison à Brentford, Bryan Mbeumo affole les compteurs : il est le troisième meilleur buteur de Premier League derrière Erling Haaland et Mohamed Salah, avant d'affronter Manchester City ce mardi soir. Apprécié de tous et ouvert à d'autres passions que le simple ballon rond, l'attaquant franco-camerounais, passé par Troyes, s'est fait un nom.

Bryan Mbeumo (Brentford)

Crédit: Getty Images

Par Jérémy Docteur
"Je suis convaincu qu'un jour, il jouera pour un plus grand club. Clairement, si j'étais dans cette situation, je l'achèterais", déclarait avec un brin de malice Thomas Frank il y a quelques semaines. Depuis, le coach de Brentford a ajusté le tir, en référence au mercato hivernal : "On adore Bryan. Il adore jouer ici. Il fait une saison fantastique, donc il ne se passera rien." Manchester United, Liverpool, Newcastle voire Arsenal… Les prétendants seraient nombreux pour Mbeumo.
Il faut dire que le natif d'Avallon, dans l'Yonne, réalise un exercice brillant : 13 buts en 20 rencontres de Premier League. Seuls Erling Haaland et Mohamed Salah ont mis plus de pions que lui (il est à égalité avec Alexander Isak et Cole Palmer). Son précédent record était de neuf, il lui reste 18 journées pour le bonifier davantage.
En mai dernier déjà, il avouait dans L'Equipe son envie "de jouer les plus grandes compétitions, dans les meilleurs clubs". Mais Mbeumo, sous contrat jusqu'en 2026 avec une année en option, est resté dans l'ouest de Londres, à la grande satisfaction des Bees. Il y a quelques jours, il confirmait : "C'est gratifiant. Mais pour l'instant, je suis impliqué à 100% avec Brentford. Je veux faire le maximum pour élever le club le plus haut possible."
Je pourrais écouter jouer du piano pendant des heures
Loin du bling-bling de "l'industry" du foot et de ses nombreux clichés, l'ancien Bleuet, qui a disputé le Mondial 2022 avec le Cameroun, détonne quelque peu. Il s'est pris de passion pour le piano qu'il a appris à manier tout seul, avec par exemple des vidéos pour maîtriser le placement des doigts. Il y a quelques années, il s'est acheté son propre clavier, et s'entraîne régulièrement depuis cet été. Dans The Telegraph, il racontait : "Je suis allé dîner chez un ami et sa copine savait jouer. C'était incroyable. Je pourrais me poser sur une chaise et juste écouter pendant deux heures. Je ressens beaucoup de liberté, je suis extrêmement détendu, apaisé."
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Brentford a même fait installer un piano au centre d'entraînement. Le morceau le mieux maîtrisé ? D'après lui, "Nuvole Bianche", du compositeur italien Ludovico Einaudi. La musique, un moyen de "s'évader un peu", mais qui reste une source de stress parfois. "Je n'étais pas très à l'aise devant mes coéquipiers. Je ressens plus de pression à jouer devant deux personnes qu'à disputer un match de Premier League. Le foot, je sais faire, mais le piano, je ne suis qu'un débutant…", glissait-il à L'Equipe.
Et puis, il y a l'autre "hobby", les échecs. Là-encore, merci les tutos YouTube. Il confiait : "Cette année, dans le vestiaire j'ai pris l'habitude avant chaque match de faire des parties contre des inconnus. Généralement, ça dure une vingtaine de minutes, je gagne, et je suis en confiance."
Dans The Telegraph, il jurait que dans la manière de se déplacer tactiquement sur l'échiquier, il y a des similarités avec le foot : "Tu bouges, tu attends que l'adversaire réagisse, tu attaques, tu défends. Tu peux changer de côté pour créer des espaces", quitte à être parfois "direct et agressif". Une discipline qui sert aussi sa carrière principale, et sa volonté de "maximiser les à-côtés" explicitée dans L'Equipe : "J'utilise une appli pour améliorer mes capacités cognitives. Un chef me prépare des plats en lien avec les nutritionnistes du club. Un kiné vient régulièrement, un spécialiste de la posture aussi, ainsi qu'un autre pour la préparation mentale."

Le départ d'Ivan Toney, une libération ?

Pour comprendre l'histoire de Bryan Mbeumo, il faut rembobiner. Formé à Troyes, il remporte la Coupe Gambardella en 2018. La saison suivante, sa première en pro, il se fait remarquer en Ligue 2 alors que Troyes termine troisième : 35 matchs, 10 buts, 3 passes décisives. A l'été 2019, Brentford flaire la bonne affaire. Les coulisses du transfert sont atypiques.
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Le directeur technique, Lee Dykes, convainc Thomas Frank, le propriétaire Matthew Benham et Rasmus Ankersen, alors directeur sportif, de filer en France, relate Sky Sports. Ce jour-là, une chaleur intense et des discussions rudes. Mais le vol retour, en raison de conditions météo dantesques, l'est encore plus. Dykes s'en est amusé : "Les fans doivent savoir que j'ai risqué ma vie pour le signer !" Quelques jours plus tard, l'affaire est pliée. "Quand j'ai rencontré Thomas Frank, il savait où je souhaitais aller. Ils avaient regardé 28 de mes matchs de Ligue 2. Ils me voulaient vraiment", dira-t-il au Telegraph.
A 20 ans, il débarque en Championship avec quelques bases d'anglais et une soif d'aventure. Pour sa première année, il marque 15 buts et délivre 7 assists. Les Bees échouent d'abord en play-offs, avant d'atteindre l'élite en 2021. A l'époque, c'est la "BMW", Benrahma-Mbeumo-Watkins, qui conduit la ligne d'attaque. Déjà, le Franco-Camerounais, plus en retrait, n'était pas le plus médiatisé. Pour autant, Pontons Jansson, ex-défenseur de Brentford, martelait dès 2020 : "Ces trois-là sont fantastiques mais […] Bryan est probablement le plus grand talent." Ces dernières années, Brentford a eu du beau monde devant : Ollie Watkins est parti à Aston Villa et Saïd Benrahma à West Ham. La saison passée, Mbeumo a endossé le costume de sauveur en l'absence d'Ivan Toney (suspendu huit mois).
Son importance significative est ressortie lorsque son absence pendant 4 mois (une opération à la cheville) a coïncidé avec une période dramatique pour le club : 13 matchs, 10 défaites. Depuis, Ivan Toney a signé en Arabie saoudite et c'est bien lui qui mène la danse. Peut-être libéré du poids et de l'influence des autres attaquants "vedettes", il a passé un palier. "Mes coéquipiers me cherchent désormais un peu plus", se réjouissait l'attaquant.
Il y a quelques mois, le club est aussi rentré dans l'histoire en marquant un but dans la première minute lors de trois matches de suite, dont deux par Mbeumo contre West Ham et Tottenham. Pour Thomas Frank, sa polyvalence est un atout solide, que ce soit sur l'aile droite ou en doublette avec Yoane Wissa devant (10 buts). Les deux se trouvant les yeux fermés.

Travail cognitif et lecture

En octobre, il affirmait au Telegraph : "Je suis là depuis cinq ans maintenant, [je] dois être un leader. Je ne ressens pas de pression après le départ de Toney. Il y a peut-être plus d'attentes, mais si tu veux franchir les étapes, tu dois l'accepter." Il se réjouissait d'ailleurs de ses progrès dans L'Equipe : "J'ai mis en place des programmes avec un coach sportif [pour être plus tueur]. J'en ai un autre de réalité virtuelle qui me permet d'améliorer mes capacités cognitives." Toujours ce pas de côté, ce recul qui lui permet de progresser. Comme quand un loupé en présaison le frustre. "J'ai énormément répété le geste de finition adapté, afin qu'il s'inscrive dans ma mémoire pour que le jour où ce type d'occasion se représente, je sois le plus relâché possible."
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Au-delà de ses buts, il ne rechigne pas dans le travail sans ballon et ses efforts ne passent pas inaperçus. Mais à 25 ans, ce mélomane et fan de jeux vidéo, qui célèbre ses buts mimant la lecture d'un livre – en référence au manga "Death Note" ou "Les Quatre accords toltèques" de Miguel Ruiz sur le développement personnel – n'a pas d'égo, ni d'arrogance. Discret, il séduit en Angleterre. Personne n'a de mot négatif pour lui. Dans la presse, on dresse régulièrement ses louanges. Le meilleur est probablement à venir pour l'ex-Troyen, que ce soit ailleurs ou toujours à Brentford, où il est devenu essentiel.
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