Premier League - Manchester United, entre dépenses délirantes et comptes d'apothicaire, est en crise à tous les étages

Manchester United connaît la période la plus compliquée de son histoire récente. Sur le plan sportif, le club végète dans la deuxième partie de tableau de Premier League. Pour le reste, le management et la gestion de Jim Ratcliffe, partagé entre des dépenses colossales et des économies à la livre près, suscite de l'incompréhension, voire de la colère au sein du club.

Un panneau d'affichage conçu par Simon Gardner est visible à l'extérieur du stade Old Trafford de Manchester United. On y voit Sir Jim Ratcliffe, futur actionnaire de Manchester United, avec le slogan "Welcome To Manchester".

Crédit: Getty Images

Voilà une crise qu'un bon parcours en Ligue Europa et quelques points supplémentaires en Premier League n'effaceront pas. Manchester United, qui végète dans la deuxième partie du tableau en Championnat cette saison et qui se déplace à Everton ce samedi, semble s'éloigner chaque week-end un peu plus de son glorieux passé. Une mécanique que la reprise en main du club par Jim Ratcliffe des mains honnies des frères Glazer, il y a tout juste un an n'a rien changé.
Pourtant, la mise aux commandes de l'homme fort d'Inéos à la tête du club avait suscité en février dernier, après le rachat d'un tiers des parts du club pour un peu plus d'un milliard de livres (environ 1,2 milliard d'euros). Dans une enquête, The Telegraph rapporte même les mots d'un salarié qui assurait alors n'avoir "pas ressenti un tel dynamisme depuis le discours enthousiaste de l'ancien manager Sir Alex Ferguson devant le personnel peu avant la finale de la Ligue des champions contre Chelsea à Moscou en 2008." Une année plus tard, l'enthousiasme est largement retombé. Et les résultats sportifs n'y sont pas forcément pour grand-chose.

Des économies de bout de chandelle et un management en question

Dans son travail, The Telegraph fait surtout état des méthodes made in Ratcliffe. A commencer par ce que le média anglais qualifie d'"extraordinaire radinerie". En effet, le milliardaire, en arrivant aux commandes du mastodonte qu'est le club mancunien, a découvert une immense usine à gaz. Une machinerie capable d'engranger 776 milliards d'euros de chiffre d'affaires sur la saison 2023/2024 tout en se retrouvant structurellement déficitaire. Un sacré hic puisque les règles de profit et de durabilité (PSR) de la Premier League permettent des pertes de 105 millions de livres (124 millions d’euros) sur une période de trois ans. United en a perdu 313 sur les trois dernières saisons (378 millions d'euros).
Pour faire rentrer l'entreprise dans les clous, Jim Ratcliffe a serré la ceinture. Pas la sienne, mais celle du club et de ses salariés. Les cartes bancaires de l'entreprise ont été retirées aux collaborateurs, qui doivent désormais avancer les frais de fonctionnement du quotidien sur leurs fonds propres. Ces derniers, dont 250 ont vu leur poste supprimé, ont également rapporté des commandes de fournitures de bureau refusées, certaines primes d'ancienneté supprimées, des portions réduites à la cantine... Des mesures qui ont valu au club quelques blagues de la part de Paddy Power, une société irlandaise de jeux d'argent, moquant les économies de bout de chandelle des Red Devils.
Le tour de vis était inévitable après des années d'une politique sportive qui pourrait être qualifiée, au mieux, d'insensée, si ce n'est de calamiteuse. Des habitudes si dépensières qu'une expression a fleuri outre-Manche pour qualifier le prix des achats de joueurs par Manchester United : l'"United Tax". Antony, recruté pour 95 millions d'euros à l'été 2022 à l'Ajax Amsterdam alors qu'il était côté à 35 millions par Transfertmarkt, prêté cet hiver pour une tentative de rebond au Betis Séville après de longs mois médiocres en Angleterre, en est un des meilleurs exemples. Le tout avec une inflation des salaires incontrôlée, phénomène généralisé à l'Angleterre, ayant fait monter la masse salariale à 331 millions d'euros en 2023 selon le cabinet Deloitte.

Des décisions qui passent mal

Si un assainissement des comptes est urgent, la pilule passe mal en interne. Car en parallèle, la planche à billets continue de tourner. Le club planche sur le "Regeneration project", qui vise à redynamiser les alentours d'un Old Trafford vieillissant. Manchester United a annoncé fin janvier être soutenu par le gouvernement britannique dans sa démarche et doit encore trancher entre une rénovation profonde de son enceinte historique, pour porter sa capacité à 87 000 places (73 000 actuellement), ou la construction d'un nouvel écrin de 100 000 sièges. Dans les deux cas, le budget sera colossal.
Autre symbole difficile à digérer, la reconduction d'Erik Ten Hag à son poste d'entraîneur à l'été 2024, avec une promesse au technicien néerlandais d'un mercato à la hauteur des ambitions du club. Le même été, Manuel Ugarte, Leny Yoro, Joshua Zirkzee, Matthijs de Ligt et Noussair Mazraoui sont arrivés au club pour un total de 214,5 millions d'euros selon Transfermarkt. Trois mois et demi après sa prolongation, Ten Hag a été licencié et s'en est allé avec son staff contre un chèque de 17,5 millions d'euros. Assez d'argent pour ne pas supprimer la fête de Noël et économiser ainsi environ 300 000 euros... ou même servir plus de frites à la cantine des employés.
Nous ne savons même pas à qui la faute revient
Ces errances dans les choix sportifs et économiques se ressentent jusque dans le vestiaire. Raphaël Varane, aujourd'hui dirigeant du côté de Côme en Serie A, qui a expérimenté le système mancunien entre 2021 et 2024, en a témoigné dans les colonnes de The Athletic. Le champion du monde 2018 a évoqué le manque "de structure claire, c'est en tout cas ce que je ressentais quand j'y évoluais en tant que joueur. Pour savoir comment recruter, jouer et communiquer, ce n'était pas clair et défini."
Avant d'aller encore plus loin : "Nous ne savons même pas à qui la faute revient. Il y avait trop de personnes impliquées dans le processus décisionnel. (...) A United, ils peuvent recruter un jeune joueur très cher et le faire jouer immédiatement, avec toutes les responsabilités dans un championnat extrêmement difficile." Cela ne vous rappelle-t-il pas le cas Antony, arrivé au club à 22 ans ? Ou encore celui de son presque homonyme, un certain Anthony Martial ?
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"Manchester United, c'est le plus grand déclassement d'un club au XXIe siècle"

Video credit: Eurosport

Manchester United aurait donc perdu progressivement le nord, en même temps que son identité. The Telepraph rappelle dans son enquête la dimension familiale devenu surdimensionné. Le journal rapporte des témoignages d'employés qui déplorent la perte de"l'âme et du cœur" du club. Un enchaînement de bons résultats permettrait d'apaiser tout le monde, mais même sur le terrain, ou plutôt surtout sur le terrain, la sérénité n'est pas de mise.
L'arrivée de Ruben Amorim sur le banc des Red Devils, avec un style de jeu complètement différent de celui de Ten Hag, n'a pas suffi à redresser la barre. Sur les 10 derniers matches de Premier League, Manchester United n'a accumulé que 10 petits points, soit deux de plus qu'Ipswich, premier relégable. Si la descente en Championship reste mathématiquement assez lointaine, le déplacement à Everton (14e, 30 pts), relève du match important pour le classement en Championnat.
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