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"Le problème majeur de la Bulgarie, c’est qu’elle ne produit plus de grands joueurs"

Alexis Billebault

Publié 07/10/2016 à 00:13 GMT+2

QUALIFICATIONS MONDIAL 2018 - Alexandre Barthe, le défenseur des Grasshoper Zürich, a passé huit ans en Bulgarie, à Litex Lovech d’abord, à Ludogorets ensuite. L’ex joueur de Rodez, s’il reconnaît que le football bulgare, souvent soupçonné d’être corrompu, a vécu des années difficiles, est convaincu que l’avenir s’annonce moins sombre.

Les joueurs de la Bulgarie après leur but face au Portugal - mars 2016

Crédit: Panoramic

On connaît quelques footballeurs français, aujourd’hui retraités, soudainement tourmentés quand les tirages au sort imposaient aux clubs ou aux Bleus le court mais délicat voyage à Sofia. Rien n’avait jamais été simple pour eux dans ces stades souvent remplis d’un public hostile et de représentants forces de l’ordre sagement assis et reconnaissables à leurs uniformes verts. Surtout jusqu’au mitan des années quatre-vingt et à la douloureuse élimination des Bleus à la dernière minute du dernier match qualificatif pour la Coupe du Monde 1994 aux Etats-Unis à cause d’un but d’Emil Kostadinov un soir de novembre 1993 (1-2). La Bulgarie, qui terminera quatrième de l’édition américaine après avoir envoyé l’Allemagne dans les cordes quarts de finale (2-1), avait encore une dizaine d’années devant elle à tutoyer le gratin du football international, avec deux participations à l’Euro (1996, 2004) et une à la Coupe du Monde 1998, trois tentatives toutes sanctionnées par une élimination au premier tour.
L’ultime décennie du vingtième siècle avait permis à la Bulgarie d’exposer la plus belle génération de son histoire, avec Hristo Stoichkov, Lyuboslav Penev et Krassimir Balakov comme têtes de gondole et Daniel Borimirov, Trifon Ivanov et les deux Emil, Kostadinov et Kremenliev, comme seconds rôles. "Le problème majeur de la Bulgarie, c’est qu’elle ne produit plus de grands joueurs. Dans les années 2000, il y a eu bien sûr Dimitar Berbatov (qui a mis un terme à sa carrière internationale en 2010, à 30 ans), et Martin Petrov (aujourd’hui retraité, après avoir évolué notamment à l’Atletico Madrid et à Manchester City). Mais par rapport au passé, avec la génération Stoïchkov, cela n’est pas comparable. D’après ce que j’ai appris quand j’étais en Bulgarie, les clubs, dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, misaient beaucoup sur la formation", explique Alexandre Barthe. "Cela est ensuite devenu secondaire. Depuis quelques années, ils ont décidé de remettre l’accent dessus. L’idée, c’est de les garder un peu en Bulgarie avant de les vendre à l’étranger. Il y aurait donc un intérêt sportif et un intérêt économique."
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Hristo Stoichkov

Crédit: Imago

La formation redevient une priorité

Le championnat bulgare, où l’arrivée des joueurs étrangers s’est accélérée après 2005, voyait au contraire beaucoup de nationaux s’exiler très jeunes. "Si vous consultez les listes des dernières sélections, vous constaterez qu’un certain nombres d’internationaux sont partis très jeunes à l’étranger." C’est effectivement le cas d’Andreï Galabinov, de Georgi Milanov, d’Aleksandar Tonev, d’Ivailo Chochev, d’Ivelin Popov ou encore de Simeon Slavchev, qui ont tous quitté leur pays entre 16 et 21 ans. "En Bulgarie, les étrangers sont mieux payés. Et certains clubs, comme le CSKA Sofia, ont connu de grosses difficultés financières. Cela a favorisé les départs des jeunes, et pas forcément dans des championnats de premier plan. Désormais, les clubs bulgares sont beaucoup plus structurés. Le CSKA Sofia a fusionné avec Litex, mon ancienne formation, et le Levski, l’autre grand club de la capitale, se donne davantage les moyens. Mais entre les deux ou trois premiers du championnat et ceux du bas du classement, il y a un monde d’écart", résume Barthe.
En Bulgarie, les deux géants sofiotes, qui cumulent à eux deux cinquante-sept titres de champion (trente-et-un pour le CSKA, vingt-six pour le Levski) ont vu à la fin des années 2000 leur suprématie brutalement remise en cause, par Litex Lovech d’abord, puis par Ludogorets Razgrad, qui s’est installé au somment de la pyramide nationale depuis le premier de ses cinq sacres consécutifs (2011). "Ludogorets, où j’ai joué de 2011 à 2015, a apporté un nouveau souffle. Aujourd’hui, c’est un club qui compte certes beaucoup d’étrangers, mais qui est un des principaux fournisseurs d’internationaux pour la sélectio. Le propriétaire, Kiril Domuschiev, est un homme d’affaires avisé. Et comme il obtient des résultats, cela stimule la concurrence des autres grosses écuries. Ceux qui décident de mettre de l’argent dans le foot ne font pas n’importe quoi. Ils ne vont pas partir du jour au lendemain. Il y a une volonté d’améliorer le fonctionnement des clubs : on demande aux joueurs d’être plus professionnels, plus rigoureux. Le joueur bulgare est globalement doué. Mais on en se repose plus sur le talent pur. Les mentalités ont évolué, car ils observent ce qui se passe à l’étranger. Ludogorets, qui est un club stable et bien géré, se comporte plutôt bien sur la scène internationale. Même si, pour l’instant, c’est le seul à émerger à ce niveau…"
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Georgi Terziev (Ludogorets) après son but contre Liverpool

Crédit: Eurosport

La mauvaise réputation

La Bulgarie doit aussi composer avec la mauvaise réputation qui colle à la peau de certains de ses dirigeants. La chute du mur de Berlin, en 1989, a bouleversé l’économie des pays de l’Est, et le football n’y a pas échappé. Les clubs bulgares étaient souvent la propriété de la police, de l’armée, de la compagnie nationale des chemins de fer ou même des municipalités, avant d’être cédés à des individus parfois liés à la mafia. En 2011, l’organisation non gouvernementale WikiLeaks avait publié des documents accablants pour le football bulgare, laissant supposer une corruption à grande échelle organisée par des mafieux se servant de ce sport essentiellement pour blanchir l’argent de leurs différents trafics.
"C’est quelque chose dont on entendait parler, mais personnellement, je n’ai jamais rien vu. On ne m’a jamais approché pour laisser filer un match", reprend Barthe. Lequel se souvient toutefois d’une anecdote assez révélatrice des mœurs locales. "Un jour, nous avions effectué le déplacement de Razgrad à Sofia, soit environ 350 kilomètres, où nous devions affronter le CSKA. Dans notre bus, il y avait plusieurs gardes du corps. Et notre boss, Kiril Domuschiev, était souvent escorté par plusieurs hommes chargés de le protéger. Bon, c’est vrai que parfois, on croisait des mecs, sans doute des dirigeants, que tu n’avais pas spécialement envie d’aller emmerder (rires)…"
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Les joueurs bulgares contre le Luxembourg

Crédit: Panoramic

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