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Fernando Santos arrive pour sauver le Portugal, bon courage à lui…

Nicolas Vilas

Mis à jour 03/10/2014 à 16:53 GMT+2

Les explications de Paulo Bento après son départ de la Seleção doivent faire écho dans l’esprit de Fernando Santos. Le nouveau sélectionneur va devoir esquiver les pièges qui ont fait chuter ses prédécesseurs et va devoir innover pour reconstruire. Et ça commence dans quelques jours contre la France…

Fernando Santos

Crédit: Reuters

Pour ceux qui se demandent en quoi Fernando Santos sera différent de Paulo Bento, le nouveau sélectionneur du Portugal l'a expliqué lors de sa première conférence de presse en tant que salarié de la FPF : "Tous les entraîneurs sont différents. Paulo voulait gagner et je veux aussi gagner. Et il ne le voulait pas plus que moi. J’ai eu le plaisir de recevoir un message de lui me souhaitant la meilleure chance du monde". Derrière ce SMS - dont la sincérité n’est pas à remettre en question - se cache un homme blessé. Déçu. Et déchu.
Le 11 septembre dernier, dans la foulée de la défaite contre l’Albanie (0-1), la fédé portugaise annonçait le départ de Bento : "Une décision prise conjointement" entre les deux parties. Depuis, l’ancien entraîneur n’a de cesse d’annoncer qu’il n’a "pas voulu partir". "La décision n’est pas venue de moi", a-t-il assuré devant les caméras de la RTP. "Paulo Bento m’a dit qu’il n’avait pas les conditions pour poursuivre", a rétorqué Fernando Gomes, le président de la FPF. "Je lui ai simplement dit que les conditions n’étaient plus les mêmes (…) Mais je ne permettrai pas qu’en interprétant ou pas mes mots, on me fasse dire ce que je n’ai pas dit", martèle Paulo dans Record. Les Portugais divorcent dans la douleur avec leur sélectionneur. Une fois de plus…

Ça finit toujours mal

Devant les caméras du service public, Bento affirmait encore : "S’il n’en était que de la volonté de Fernando Gomes, je serais probablement encore le sélectionneur". Il se murmurait, depuis de nombreuses semaines, que les rapports entre le seleccionador et Humberto Coelho, l’un des vice-présidents de la fédé, étaient compliqués. Sans livrer de nom, sans régler ouvertement ses comptes, le néo-ex-sélectionneur met en lumière plusieurs les disfonctionnement du foot portugais. Plus que ses derniers résultats, les circonstances de son licenciement sont un révélateur de ces nombreux problèmes.
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Greece's coach Fernando Santos gestures in front of fourth official Nawaf Shukralla of Bahrain during their 2014 World Cup round of 16 game against Costa Rica at the Pernambuco arena in Recife June 29, 2014 (Reuters)

Crédit: Reuters

"Je n’ai été consensuel que jusqu’au match contre l’Argentine (1-2, 9 février 2011), quand est venue la première défaite". Bento a vite appris à cohabiter avec la critique. "Celui qui accepte ce poste sait ce qui l’attend", sentence-t-il. Ses prédécesseurs en Seleção ont finalement connu le même traitement. "Nous avons eu un sélectionneur qui, indépendamment de ce qu’on peut dire, a été finaliste d’un Euro, demi-finaliste d’un Mondial et demi-finaliste d’un autre Euro et qui n’a pas été consensuel, même en ayant obtenu les meilleurs résultats du football portugais. Alors pourquoi, moi, je devrais l’être ?", lance-t-il, en faisant référence à Scolari. Comme Carlos Queiroz ou Antonio Oliveira avant eux, Felipão et Bento ont vu leur fado virer au drame. "Tous les entraîneurs qui passent par la sélection en sortent dépréciés", déplore Jorge Jesus, depuis la Luz. Fatalement victimes des résultats. Inlassablement en proie aux guerres intestines.
La continuité de PB qui avait été scellée avant le Mondial (il avait prolongé jusqu’en 2016 avant la Coupe du monde au Brésil) n’était donc pas le choix de tous au sein de la fédé. Il en coûtera près d’un million d’euros d’indemnités à cette dernière. Et sans la bienveillance de Paulo Bento, l’instance aurait pu avoir à débourser le triple. Echaudée, la FPF n’a fait signer Santos que jusqu’au prochain Euro. Connu pour son franc-parler, l’ancien sélectionneur de la Grèce qui approche des 60 ans sait ce qui l’attend : "Nous devons y être préparé à la critique parce qu’il s’agit d’un pays. Je sais que je vais être critiqué".

L’influence de Cristiano

Si Fernando Santos est celui qui a succédé à Paulo Bento, c’est aussi parce qu’il était le candidat "favori" de Cristiano Ronaldo. Dans ce changement de sélectionneur, il est aussi question de l’influence du capitão. Pour son premier voyage en tant que sélectionneur du Portugal, Santos s’est rendu à Madrid. "S’il a eu une confrontation avec moi ? Je réponds non. S’il en a eu une avec les éléments de la FPF. Seuls eux peuvent le dire mais je ne veux pas y croire", commente Paulo Bento. Son discours sur CR7 est loin d’être sans intérêt. Il y a les éloges : "Il est le meilleur joueur que j’ai entraîné, sans l’ombre d’un doute" ; "un joueur aux qualités terribles, un excellent professionnel". "Malgré tout, si je devais choisir, même en étant injuste, un joueur qui en terme de professionnalisme est le plus complet, je choisirais João Moutinho". L’ancien technicien du Sporting connait bien l’actuel milieu de Monaco. Et il l’apprécie. Une relation qui va au-delà du "normal" qui laisse deviner les rapports qu’il entretient avec le Ballon d’Or. "Je ne lui ai pas reparlé et je n’attendais rien de lui", a-t-il précisé.
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Ronaldo

Crédit: Eurosport

Quelques jours plus tôt, José Mourinho adressait une nouvelle dédicace, acidulée, à son ex, Cris : "Je ne garde pas de souvenir de notre relation parce qu’elle n’existe pas. Le plus important est le souvenir. Et j’essaie toujours de garder les bons souvenirs". Bento repart lui aussi avec les siens. Et tous ne sont pas agréables. Il a encore en mémoire les prises de position de Cristiano devant les journalistes au Brésil. "Avec le temps, il saura mieux gérer les nombreuses fois où il sera incapable de d'atteindre ses objectifs". Ce pourrait être déjà demain… Santos a déjà fait savoir que Ronaldo resterait capitaine. Et qu’il est incontournable : "Il y a des joueurs qui, même à 80% de leurs capacités, continuent d’être les meilleurs…" Malmené cette semaine ("comme dans un match de rugby") contre le Ludogorets (2-1), la star du Real est plus qu’attendue. Avec le Portugal, cette fois-ci. Avec 14 buts en 10 matches depuis la reprise, il compte plus de réalisations que l’ensemble de ses 23 autres collègues appelés par Santos (13 buts) !

La question du renouvellement

Au lendemain d’un Mondial raté, les suiveurs de la Seleção attendaient un renouveau. Mais face à l’Albanie, seul un des titulaires (André Gomes) n’était pas au Brésil. "Je crois qu’il y avait l’espoir que le renouvellement soit plus important que celui que je prétendais", analyse Bento qui projetait cette régénération "dans un cycle de deux ans et pas dès le match avec l’Albanie". La décision de la FPF de se séparer de Bento a une part d’incohérence. Son propre renouvellement pose question. Pourquoi l’avoir prolongé jusqu’en 2016 juste avant de partir au Brésil ? "Nous n’avions pas étudié la possibilité que les choses se passent mal pendant le Mondial", confiait le technicien. Une omission qui coûte cher à son ex-employeur. Pourquoi avoir élargi ses responsabilités en tant que coordinateur technique national après la Coupe du monde que la fédé s’est accordée à qualifier "d’échec" ? Afin qu’il soit "plus près de la formation", justifiaient les patrons. Gomes parlait d’un homme "compétent". Un match plus tard, il le vire. La place des jeunes portugais demeure une question centrale au Portugal. Bento est l’un des sélectionneurs ayant lancé le plus de joueurs en équipe nationale. Mais sur les 23 baptisés, seuls Rui Patricio et João Pereira ont conquis une place. A la décharge de PB, les Portugais titulaires dans les clubs de premier plan peinent à se renouveler.
Dans sa première liste (contre la France et le Danemark), Santos tente donc de faire du neuf avec du vieux. Douze changements par rapport au dernier match. Il avait prévenu : "Je n’aime pas parler de rénovation parce que ça voudrait dire que certains vont à la poubelle et que d’autres viennent". Sa liste affiche une moyenne d’âge de 27,62 ans. Un groupe plus âgé que celui que Bento avait convoqué contre l’Albanie (26,2 ans). Mais il a une excuse : les U21 ont un playoff important contre les Pays-Bas et Santos n’a privé Rui Jorge que des "joueurs ayant plus de 50% de chances de jouer avec la sélection principale"?
"L’Ingénieur" mise sur beaucoup de retours. "Personne n’est mis de côté", avait-il lancé. Et voilà pourquoi Ricardo Carvalho (36 ans), Danny (31), Quaresma (31), tricards sous Bento sont là. Il a même réussi à convaincre Tiago (32) de revenir sur sa retraite internationale. Trois nouveaux font leur apparition et tous ne sont pas jeunots : João Mario (Sporting, 21), Ivo Pinto (D. Zagreb, 24) et, surtout, José Fonte (30). A 30 ans, le défenseur de Southampton célèbre son baptême en Seleção.
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Carvalho (Monaco) et Ibrahimovic (PSG)

Crédit: AFP

L’influence de Jorge Mendes
C’est encore Bento qu’on va interroger sur la supposé influence de Jorge Mendes. Parce qu’il est son agent et "un ami". Il avait officialisé son mandat avec la Gestifute juste avant d’être annoncé sélectionneur. Certains y verront une condition de sa nomination. Et même ceux qui y voyaient un label tant le super-agent s’entoure de grands penchent maintenant vers la suspicion. Comme si celui qui a "osé" se passer de Ricardo Carvalho, Quaresma ou Danny (tous liés à Mendes) devait porter seul la responsabilité d’un copinage organisé. "L’Ingénieur", lui, prévient : "J’ai un grand respect pour les agents de joueurs mais jusqu’ici je n’ai jamais eu d’agent. Le jour où quelqu’un me dira qu’un tel ou un autre doit joueur, je partirai".

 La responsabilité de la fédé

Sélectionneur entre 2000 et 2002, Antonio Oliveira avait été remercié dans la douleur et la houle après le Mondial. Et selon lui : "Ce n’est pas le changement de sélectionneur qui va résoudre les problèmes de la Seleção et du football portugais". Le moustachu pointe la fédé du doigt : "Le Portugal a aujourd’hui une base de joueurs sélectionnables plus restreinte et cela se doit, en partie, au fait que le FPF ne respecte pas son rôle depuis plusieurs années dans l’évolution et l’accompagnement des joueurs qui quittent les Espoirs. Il ne fait pas attendre que ce soient les clubs qui aident au travail de formation". Il y a quelques semaines, Fernando Gomes tentait de sensibiliser ces derniers. Pourtant, aucune évolution dans les règlements, ni aucune mesure concrète, ne traduisent une volonté sincère de changement. Jamais les équipes les plus influentes n’ont été autant confortées dans leurs privilèges. André Gomes qui a dû quitter le Benfica pour Valence cet été pour trouver du temps de jeu vient de balancer sur les clubs portugais : "Un étranger avec le même âge a presque toujours un traitement plus favorable. Et c’est une mauvaise chose". La fédé fantasme sur le nationalisme de clubs qui gèrent, avant tout (et c’est logique), leurs propres intérêts. Et lorsque ceux de la FPF sont en jeu, c’est quand même Bento qui prend.
La tournée aux USA qui a précédé le voyage au Brésil, a rapporté une coquète somme à la fédération. Bento l’a payé au prix fort. Une demi-douzaine de blessés. Une "anormalité", dit-il qui a encouragé ses responsables à réorganiser ses staffs médicaux et techniques. Paulo qui venait de voir filer Pontes, son fidèle adjoint, n’en a été qu’un rescapé de courte durée. D’une certaine façon, la FPF poursuit dans l’anormalité avec Santos. Suspendu huit matches par la FIFA après son exclusion en huitième-de-finale de la Coupe du Monde au Brésil, il pourrait manquer tous les matches de qualification. Fernando Gomes aura à en répondre si l’objectif pilonné de "la qualification pour l’Euro 2016" échoue.
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Fernando Santos

Crédit: AFP

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