Equipe de France - Les nouveaux devoirs du capitaine Kylian Mbappé

Il a eu beau répéter maintes fois qu’il n’avait pas décidé, on se doutait qu’il avait déjà tranché. Jeudi, lors de la divulgation de la liste, comme lundi, à l’occasion de la première conférence de presse du rassemblement, Didier Deschamps assurait vouloir en "discuter avec les joueurs concernés", sans jamais citer leur nom, sauf un, celui de l’heureux élu. Il l’a fait dans la soirée, mais plus pour leur annoncer sa décision que prendre leur pouls. Le nouveau capitaine des Bleus se nomme Kylian Mbappé et c’est tout sauf une surprise.

Dans la foulée d’un hiver qui l’a vu encore un peu plus déployer ses ailes, lors d’une Coupe du monde à huit réalisations et d’une finale à trois buts, au détour également de sorties médiatiques assez directes et déflagratoires, Kylian Mbappé a pris le relais d’Hugo Lloris, chef de file des Bleus depuis une décennie et intronisé comme tel par Laurent Blanc, alors que l’Euro 2012 pointait le bout de son nez et que les Bleus avaient besoin d’une personnalité apaisante et apaisée comme celle du portier lyonnais.

Lloris parti à la retraite, accompagné par Raphaël Varane, le brassard s’est retrouvé orphelin et Didier Deschamps avait deux options devant lui : Antoine Griezmann, leader silencieux par l’exemple et par le vécu. Ou Kylian Mbappé, leader technique, vocal et plus clivant. Il a choisi le second et ses 24 ans, au grand dam du premier.

Vingt-quatre ans, c’est jeune. Mais c’est l’avenir. Et on rappellera au passage que c’était l’âge qu’avait Michel Platini lorsque la fonction lui a été confiée. C’était une évidence. Mbappé n’est pas loin d’en être une. On ne serait d’ailleurs pas tellement étonné que l'ère Mbappé ressemble à celle de Platoche, avec un chef de route à qui l’on peut accoler le qualificatif de "meilleur joueur du monde" et qui s’assume comme tel, conscient de ses qualités et de son pouvoir, ballon au pied et à côté du terrain. Mbappé entre dans la catégorie des capitaines stars des Bleus, comme Platini, donc, Papin, Cantona, Henry ou, évidemment, Zidane, qui a fini par le devenir, par la force des choses et du symbole.

Didier Deschamps, qui est à ranger dans l’autre catégorie, celle des leaders collectifs, comme Manuel Amoros ou Hugo Lloris justement, pourra distiller quelques conseils à son lointain successeur. Parce que le brassard n’est pas qu’un ornement, un grade ou une distinction qui vous range dans une case à part, mais il vous donne des devoirs et des responsabilités auxquelles Mbappé, 66 sélections et 36 réalisations, va bien devoir se plier.

Vis-à-vis de ses partenaires, déjà. Devenus entraîneurs, les grands joueurs ont parfois le défaut de ne pas comprendre que leurs ouailles ne sont pas capables de réaliser des choses qu’ils faisaient, eux, les yeux fermés. Mbappé, qui possède un statut à part sur le terrain, de par son poste et son profil, va vivre cette expérience sans avoir rangé ses crampons. Jusqu’ici, son langage corporel et son rapport aux autres ne laissent pas toujours entrevoir une magnanimité excessive, au PSG notamment. Il devra apprendre à composer avec ses partenaires et encore plus se tourner vers eux, savoir les entraîner dans son sillage, au-delà de ses exploits et de son immense talent individuel.

Vis-à-vis de l’extérieur, ensuite. Si cela n’a jamais été une obligation contractuelle, les conférences de presse d’avant-match des Bleus sont habituellement dévolues au capitaine des Bleus. Kylian Mbappé, qui n’a parlé qu’une fois durant le Mondial 2022 (ndlr : il n’était pas toujours très prolixe en 2018), évitant les micros pour rester focus, devra bien faire évoluer son mode de fonctionnement. Et ne pas seulement venir s’exprimer quand il l’a choisi, ou quand ça l’arrange. Mbappé va devoir revêtir ces nouveaux habits, aussi. Il en a la capacité et manie suffisamment bien le verbe - on l’a notamment vu avec le PSG récemment - pour s’acquitter de cette tâche.

Si Didier Deschamps l’a choisi, on peut penser qu’il en a l’envie, aussi. Et que DD ne craint pas que le patron Mbappé déborde. "S’il a une qualité, c’est qu’il est plutôt très bon dans sa communication. Il n’y a pas de problème de ce côté-là." Avec Mbappé, il n’y a pas beaucoup de problèmes, de toute manière. Il n’empêche, une nouvelle vie commence pour lui. Et elle ne se résume pas à un morceau de tissu plaqué sur le biceps.