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Secrets de coaches

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 14/10/2011 à 17:44 GMT+2

Nous publions les bonnes feuilles d'un livre passionnant, d'entretiens avec les plus grands entraîneurs du monde, à paraître jeudi. Vous y trouverez la conception du foot de Capello, les secrets de Lemerre à l'Euro 2000 et le flegme de Del Bosque après son départ du Real. Bonne lecture.

Roger Lemerre Fabio Capello Vicente del Bosque

Crédit: Eurosport

C'est un livre né d'un questionnement inspiré par Michel Platini. "Un entraîneur n'a jamais fait gagner un match", prétend le président de l'UEFA. Provocante, cette interrogation a conduit les journalistes Daniel Riolo (ancien chroniqueur sur Eurosport.fr) et Christophe Paillet à sillonner l'Europe pour demander aux plus grands techniciens leur point de vue sur la question. Capello, Ancelotti, Del Bosque, Bianchi, Benitez, Hiddink... Ils ont presque tous accepté d'ouvrir le livre de leurs principes et de leurs expériences. Le résultat ? Une compilation foisonnante et passionnante, où les plus grandes éminences passent en revue les grandeurs et (rares) échecs de leur carrière. Nous vous en proposons cinq extraits.
CARLO ANCELOTTI témoigne de l'exceptionnelle finale de la Ligue des champions 2005 perdue contre Liverpool (3-3, 3-2 t.a.b.). Qu'il considère toujours comme l'un des matches les plus aboutis de sa carrière.
"On a battu Barcelone, Manchester deux fois, l’Inter deux fois. On a seulement vraiment souffert en demi-finale retour à Eindhoven. J’ai toujours considéré Guus Hiddink comme l’un des meilleurs entraîneurs au monde car il réussit à adapter le jeu de son équipe à celui de son adversaire de façon incroyable. (...) Après, on a eu beaucoup de temps pour préparer la finale. Si je devais retenir les deux matches les plus aboutis au niveau de la qualité de jeu, ce serait la finale de 2005 et la demi-finale retour de 2007 contre Manchester. Je crois que la meilleure équipe que j’ai eue au Milan AC était celle de 2005, quand nous avons perdu la finale à Istanbul contre Liverpool. Il y avait Crespo, Kaka, Stam. C’était une équipe incroyable et je pense même que le meilleur match que ce Milan ait joué est justement cette finale de Ligue des champions 2005. (A la mi-temps) J’ai dit que l’on devait continuer à jouer comme ça, que l’on ne devait leur donner aucune possibilité de revenir dans le match. J’ai demandé de maintenir la même intensité de jeu. (...) Énormément de bêtises ont été dites ou écrites sur ces quinze minutes de pause. Le vestiaire était très content, mais personne ne sautait de foie. Les joueurs se reposaient tranquillement, je parlais. (...) Je m’attendais à ce que Benitez mette un attaquant en plus parce qu’il avait Cissé sur le banc. Mais, il a fait entrer Hamann, un milieu de terrain, et a fait monter Gerrard d’un cran. Quand ils reviennent à 3-3 en six minutes, on doit tout recommencer. On s’est quand même très bien repris après ce coup du sort, on a eu trois ou quatre occasions de mener 4-3, surtout une, en fin de match, quand Shevchenko va marquer et que Dudek réalise une parade insensée. Aux tirs au but, c’est le destin qui a tout fait basculer. Les joueurs étaient complètements cuits. (...) J’ai fait énormément d’erreurs dans ma carrière, mais je ne me sens pas responsable sur ce match-là. Le destin a voulu qu’il en soit ainsi. Beaucoup m’ont accusé de ne pas avoir fait de changements quand nous avons encaissé ces trois buts en six minutes mais je n’ai pas eu le temps matériel pour le faire. Tout est arrivé en six minutes !"
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VICENTE DEL BOSQUE, le sélectionneur des Espagnols champions du monde, est aussi le dernier entraîneur du Real Madrid à avoir gagné la Ligue des champions, en 2002,avant d'être évincé en 2003 car pas assez "Galactico-compatible". Son témoignage plein de sagesse et de détachement est assez rare.
"Ronaldo, Beckham, sont des «Galactiques» qui n’ont pas été champions d’Europe. Au début, quand je suis arrivé, il n’y avait pas les «Galactiques». On avait des joueurs qu’on a ensuite appelés comme ça, Zidane, Figo, mais on gagnait non pas parce qu’on avait des «Galactiques» mais d’abord parce qu’on avait une équipe. (Ce mélange entre marketing et football) semble une évolution naturelle. Les intérêts dans le foot sont toujours plus grands et plus variés. Je comprends ça et je ne suis pas fondamentalement contre. Mais l’idée première doit rester le jeu. Les bases ne doivent pas être touchées. Comment construit-on une équipe, comme gère-t-on un vestiaire, ces problématiques restent les mêmes et ne doivent pas être perturbées par les éléments extérieurs dont on parlait. L’essence du foot, soit le vestiaire, doit être préservée. C’est fondamental à mes yeux."
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Vicente del Bosque Real Madrid

Crédit: AFP

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FABIO CAPELLO met les choses au clair sur sa réputation d'entraîneur trop peu regardant sur la "manière" en s'offrant le plaisir de quelques tacles glissés sur Johan Cruyff.
"Non, non, non ! On ne peut pas gagner en jouant mal ! C’est exclu ! On gagne avec des styles différents, des systèmes de jeu différents. Certains clubs jouent la contre-attaque de manière fantastique parce qu’ils ont des joueurs très rapides. D’autres, comme Barcelone, ont un jeu basé sur les passes car ils disposent de super joueurs capables d’inventer des choses incroyables dans la surface de réparation. Il y a plusieurs façons de gagner, mais le plus important est de savoir ce que tu as à disposition. Comme je le dis toujours, tu fais ton vin en fonction de tes raisins. Un entraîneur doit être en fait être un bon oenologue ! (Johan Cruyff dit que c’est la manière qui prévaut… donc vous n’êtes pas d’accord. Il a même déclaré que Mourinho n’est pas un entraîneur de foot et que même Fabio Capello n’aurait jamais osé jouer aussi défensivement.) C’est bien lui ça ! Selon moi, il n’a toujours pas digéré la défaite 4-0 en finale de la Ligue des champions (Milan-Barcelone en 1994). Moi, en deux années en Espagne, j’ai gagné deux championnats contre le Barça et ça, il ne l’a sûrement pas digéré. (ironique) Je jouais tellement défensivement que j’alignais Suker, Mijatovic, Raul, Seedorf et Victor. On était tellement défensifs qu’on jouait avec Roberto Carlos arrière gauche… qui était en fait un attaquant."
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DIDIER DESCHAMPS révèle une partie des coulisses du parcours de Monaco vers la finale de la Ligue des champions en 2003/2004, et notamment du fantastique exploit contre le Real Madrid (2-4, 3-1).
"J’aime m’appuyer sur ce que les joueurs disent. Sur ce match par exemple, je me souviens d’Édouard Cissé qui dit d’emblée : « Si on prend un but, c’est mort ! » J’ai répondu que justement, c’était tout le contraire et que j’étais même sûr qu’ils allaient marquer les premiers. Je crois que ça les a aidés de voir les choses comme ça. Mais les préparer à un scenario peut être dangereux. Difficile d’envisager à chaque fois comment va se dérouler un match. Il faut, je crois, que les joueurs pénètrent sur le terrain avec la conviction qu’ils vont gagner. Et je vais même plus loin, si j’ai des doutes, le but est qu’ils ne le sentent pas. Je vous laisse imaginer ce que ça a pu donner pour le match auquel vous faites référence. Je fais par ailleurs très attention à l’adéquation entre les mots choisis et mon attitude. Si je dis aux gars « Soyez tranquilles » et que j’ai une goutte de sueur sur le front, ça va être un problème."
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ROGER LEMERRE, avare de parole publique, se montre incroyablement disert au micro des auteurs et révèle tout ce qui lui est passé par la tête au moment de remplacer Bixente Lizarazu par Robert Pires en finale de l'Euro 2000.
"Vous pouvez gagner un match tactiquement. Je dis ça parce que contre l’Italie, ma réflexion se situe au niveau tactique. Si vous prenez un deuxième but contre les Italiens, vous pouvez dire à 100% que le match est plié. Il y avait deux idées dans ma réflexion. Premièrement, je ne devais pas prendre de but et deuxièmement, je devais trouver le moyen d’égaliser pour accrocher la prolongation. Mais contrairement à ce qu’on croit peut-être, ma première préoccupation a été défensive. (...) Si je fais entrer un attaquant, il y a risque que le coach en face réponde en mettant un défenseur. Je vais alors renforcer leur pouvoir défensif. Défendre, ils font ça très bien et en plus, ils mènent. Dans l’axe, ils sont toujours très forts. Ma réflexion tendait plus vers comment animer mes côtés. Ensuite, j’avais un défenseur, Laurent Blanc, capable de monter et de marquer. Il pouvait aisément apporter une supériorité numérique, avec en plus sa force sur les coups de pied arrêtés. J’ai sorti un arrière latéral. Et de deux défenseurs dans l’axe, je suis passé à trois. Eux n’avaient plus qu’un seul attaquant dans l’axe, et plus personne sur les côtés. J’ai donc sorti Lizarazu, et j’ai fait entrer Pirès côté gauche. J’avais déjà Wiltord de l’autre côté. J’avais des joueurs frais pour contourner leur bloc et derrière, j’étais béton dans l’axe avec Thuram, Desailly et Blanc. Et quand Blanc montait, Deschamps restait derrière. C’était mon idée et quand tout a été clair dans ma tête, j’ai fait le dernier changement, celui de Pirès pour Lizarazu. (...) J’aurais pu faire entrer un attaquant type Anelka, un 9. Mais avoir Anelka alors qu’il y avait Trezeguet et Henry sur le terrain, ça ne m’intéressait pas, surtout face à des Italiens très forts en défense centrale et sur les contres. Sortir mon latéral gauche pour mettre un milieu offensif, c’est vrai que certains ont pu penser que j’étais fou. Après cette réflexion, c’est aux joueurs d’exprimer leur talent sur le terrain. Je savais que Pirès était capable de bien déborder et de bien centrer. Avant de débuter la prolongation, j’ai expliqué aux joueurs qu’ils n’avaient plus rien à craindre. Après, il y a eu le débordement…"
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Roger Lemerre Didier Deschamps Euro 2000

Crédit: AFP

"Secrets de coaches", par Daniel Riolo et Christophe Paillet
285 pages, 17,95 euros, Editions Hugo&Cie
Sortie le 20 octobre.
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Secret de coaches

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