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Ils se disent impartiaux mais pour qui roulent les médias sportifs italiens ?
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Publié 05/10/2018 à 11:23 GMT+2
Il y a le rose dominant de la Gazzetta dello Sport, mais il y a surtout des couleurs de maillots plus ou moins liées à chaque grand journal ou télé transalpin. Et pourtant, tous se prétendent impartiaux.
Francesco Totti qui regarde La Gazzetta dello Sport
Crédit: Getty Images
"La presse, la presse on t’e****** ", hurlait un militant aux cheveux roux un soir d’élection présidentielle. En sept lettres, embrasse, "e", "m", "b", "r", "a", "s", "s", "e". Ding, ding, ding, ding, ding, ding, dong. Motus ? Non, pas là non. Sans pleurer sur notre sort, il faut avouer qu’on ne pratique pas le métier le plus populaire au monde, ce n’est pas toujours simple... ni volé non plus. En Italie, l’actualité footballistique baigne dans un environnement médiatique très clivant, qui fait indéniablement parti du folklore, c’est vrai, mais usant à la longue. A qui la faute ? Aux joueurs ? Dirigeants ? Supporters ? Journalistes ? L’oeuf, la poule, on ne sait plus. Ce qui est, est. Et ça ne changera pas de sitôt.
Des journalistes-tifosi mais pas de journaux partisans
En fait, contrairement à ce qu’on pourrait penser il n’y a pas de presse nationale ouvertement partisane et qui assume rouler pour tel ou tel club. La seule exception est le quotidien Il Romanista, unique au monde à être dédié à une équipe, mais vendu dans la capitale et pas autre part. En revanche, il y a la figure du journaliste-tifoso, en soi, un oxymore. Il s’agit d’un électron libre qui va de média en média parler de son club, le défendre contre les autres sans pour autant épargner le sien.
Je ne connais pas la nature de leurs rapports avec les clubs d’appartenance mais j'imagine qu'ils apprécient cette démarche tout en restant prudents afin d’éviter d’être associé à d’éventuels dérapages. On peut y joindre les commentateurs des matches des chaînes officiels des clubs dont les envolées lyriques ont marqué plusieurs générations. Tout ce beau monde constitue de véritables points de repères pour les supporters, mais sont-ils sincères dans leur démarche ? On va dire qu’il y a une part de bluff, le rôle est parfois surjoué. Aux italianisants, je conseille l’Interiste Fabrizio Biasin, le Juventino Massimo Zampini et le Milaniste Luca Serafini.
La Gazzetta, rose aux reflets grenats noirs et bleus
Malgrè la pluralité, la Gazzetta dello Sport domine largement le marché. Sa couleur rose, son association au Tour d’Italie, sa longévité. Je n'ai pas grandi avec car je ne l’ai lu assidûment qu'à partir de la fac, section LLCE Italien, bien m'en a pris, cela m'a permis d'effectuer bien de progrès en la dépiautant quotidiennement plutôt qu’en écoutant mes professeurs. C’est un monument, mais elle ne possède malheureusement pas cette autorité et impartialité qu’elle tend à s’auto-décerner. Ce quotidien basé à Milan se consacre prioritairement aux formations locales, jusque-là pas de problèmes, mais il y a une tendance historique à aller à contre de la Juve et pour l’Inter.
Calciopoli a définitivement statué cet été de fait, aujourd’hui, ça se lit entre les lignes et il y a même eu un gênant coming-out lorsque Franck De Boer a fini en une avec le maillot de l’Inter floqué "10, Gazzetta dello Sport". Du jamais vu, une drôle d'idée, même les Interistes en conviendront. Surtout, depuis deux ans, RCS Media, groupe qui détient le journal, a été racheté par un certain Urbano Cairo, président du Torino. Il possède 60 % des parts et ça s'est répercuté sur la ligne éditoriale avec quelques articles commandés d’en haut. A noter que Diego Della Valle, propriétaire de la Fiorentina est actionnaire à hauteur de 7% et fait partie du conseil d'administration tout comme Marco Tronchetti Provera, historique administrateur délégué de Pirelli...historique sponsor de l’Inter. Business is business, certes, mais quand même.
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Dybala, Bonucci, Mandzukic
Crédit: Getty Images
Des conflits d’intérêts partout
La situation est identique à Mediaset, trois chaînes de télés, du satellite, des émissions foot et des droits jusqu’à cet été. Silvio Berlusconi en est le grand patron, inutile de s'attarder. Toujours concernant la petite lucarne, le groupe Sky est de loin le plus moderne et souffre d’une réputation pro-Juve via une méthode prenant en compte le passé - ou passif, c’est selon - des consultants. On a du Del Piero, Marocchi (Juventus) comme du Bergomi, Cambiasso, Adani (Inter) et du Costacurta, Ambrosini (Milan). Pirlo et Capello sont inclassables. Niveau présentatrices, on y trouve Mesdames Buffon et Leonardo. Dommage, car ce petit jeu fait passer au second plan leurs indéniables compétences. Reste l’immortelle RAI, la télé publique, des studios dans la Ville éternelle, une mini Curva Sud de la Roma dit-on, mais il s’agit là aussi d’une réputation. DAZN, le petit nouveau, n’a pas encore d’étiquette, mais ça ne saurait tarder.Enfin, pour revenir à la presse papier, n’occultons pas celle généraliste qui compte sur des services des sports, ou plutôt du football, costauds. Le milanais Corriere della Sera (détenu également par RCS), le romain La Repubblica et le turinois La Stampa. Je me réfère aux villes et non aux clubs, en effet, les deux derniers journaux appartiennent à GEDI dont la famille Agnelli, et la Juve, détient des parts. Plus en retrait, Il Giornale, dans la galaxie Berlusconi. Surtout, il y a deux autres quotidiens sportifs en Italie, l’un, Tuttosport, est basé à Turin et roule pour la Juve, l’autre, le Corriere dello Sport, est de Rome et s’adresse au centre/sud, Napoli, Lazio mais surtout Roma. Là, comme ça, on se dit que tout les oppose ou presque, or, ils ont le même éditeur, la famille Amodei, et il n’est pas rare de les voir s’échanger leurs rédacteurs en chef. En 11 lettres, "d" "e" "o" "n" "t" "o" "l" "o" "g" "i" "e". Motus ? Toujours pas.
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