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Interview - Benoît Costil (Salernitana) se confie sur son parcours et son avenir en exclusivité pour Eurosport

Clément Lemaître

Mis à jour 04/01/2024 à 19:35 GMT+1

Arrivé l'été dernier à la Salernitana dans un rôle de doublure, Benoît Costil enchaîne les matches de Serie A depuis novembre et a retrouvé le plaisir de jouer. Dans un entretien exclusif accordé à Eurosport, le gardien international français de 36 ans se confie sur son parcours, sa nouvelle vie en Italie mais également sur son avenir qui pourrait s'écrire loin du football professionnel.

Benoît Costil a retrouvé le plaisir avec la Salernitana.

Crédit: Imago

Quel regard portez-vous sur vos six premiers mois à la Salernitana ?
Benoît Costil : Mon premier bilan est hyper positif. Depuis de nombreuses années, j'avais envie de découvrir une autre culture dans un nouveau pays. A un moment donné, j'ai cru que cette opportunité n'arriverait pas. Je l'ai régulièrement eue, notamment en Italie, mais cela n'a jamais pu aboutir. J'ai toujours été attiré par ce pays. Cet été, j'ai eu un contact avec Paulo Sousa qui était sur le banc de la Salernitana. Je l'avais côtoyé pendant deux ans à Bordeaux et ça s'était vraiment bien passé entre nous. J'ai une profonde estime pour l'entraîneur et l'homme. Lui avait besoin d'un gardien de but numéro deux. Moi, j'avais envie de retravailler avec lui. Cela me permettait de vivre une nouvelle expérience. Pour l'instant, c'est hyper positif car j'ai pu jouer neuf matches qui se sont très bien passés sur le plan personnel. Malheureusement, pour l'équipe, c'est plus compliqué car on est derniers et nous avons connu un changement d'entraîneur (Filippo Inzaghi a remplacé Paulo Sousa en octobre).
On ne parle pas spécialement de moi en France et c'est tant mieux
Est-ce que vos débuts sont conformes à vos attentes initiales ?
B.C. : Il y a un changement radical par rapport à ce que j'avais connu auparavant. Je suis dans le sud de l'Italie. Déjà, il fait quasiment beau tout le temps. Il y a une passion qui est impressionnante autour de la Salernitana, qui vit sa troisième saison consécutive en Série A. Cette passion, on la sent au stade mais aussi dans la ville, qui vit au rythme des résultats de la Salernitana. Quand ça va bien, c'est le feu, c'est extraordinaire. Mais lorsque les résultats ne sont pas là, c'est plus difficile et on doit un petit peu se cacher (rires). Notre victoire sur le terrain de l'Hellas Vérone (0-1, le 30 décembre) nous a fait du bien et nous a redonné de l'espoir. Mes parents étaient à l'appartement samedi dernier. Ils m'ont dit : 'Ben', après le coup de sifflet final, il y a eu des feux d'artifice partout dans la ville, est-ce que c'est lié au match ?'. Je me suis renseigné auprès de mes coéquipiers le lendemain et c'était bien lié à notre victoire. Cela montre à quel point la passion est intense ici.
Guillermo Ochoa s'est blessé au mois de novembre et depuis vous enchaînez les bonnes prestations dans les buts de la Salernitana...
B.C. : La saison dernière, lors des six premiers mois à Auxerre, je n'étais clairement pas bien mentalement par rapport à ce qu'il s'était passé auparavant. Ensuite, les six derniers mois à Lille m'ont fait beaucoup de bien. Cela m'a permis de me reprendre psychologiquement et mentalement. J'ai pu retrouver une structure de très haut niveau avec des joueurs de qualité. Personnellement, je n'étais pas dans la lumière, on ne parlait pas de moi. Ça m'a requinqué sportivement et mentalement. Cette période a été bénéfique. Après, je me suis retrouvé libre cet été et dans le football, on vous oublie vite. Le téléphone n'a pas beaucoup sonné. Avant que Paulo Sousa ne me sollicite, je pensais même que c'était bientôt la fin pour moi dans le football professionnel. J'étais en Bretagne avec des amis, et on buvait des verres. Un jour, j'étais à Trébeurden dans les Côtes d'Armor et on m'a appelé pour me dire : 'il faut que tu sois à Rome ce soir'. Paulo Sousa m'a exposé le projet. Il m'a annoncé que dans un premier temps, c'était pour être numéro deux mais qu'il fallait que je me tienne prêt au cas où. Il m'a fallu quinze jours pour me remettre dans le bain. Par chance, j'ai pu jouer très vite. J'ai participé à un match de préparation contre Augsbourg (2-1) et à une rencontre de Coupe d'Italie (victoire contre Ternana le 13 août, 1-0). Au début de la saison de Série A, j'ai commencé sur le banc puis Mémo s'est blessé en sélection. Moi, ça m'a permis d'enchaîner et de montrer que je n'étais pas mort. Certains le pensaient et ils ont le droit. Mais je suis toujours là, je m'accroche. En toute humilité. Je bosse encore comme un fou et je me bats. J'ai encore envie de montrer des choses si on fait appel à moi. Au quotidien, dans l'intérêt du club et pour mon intérêt personnel, je donnerai le meilleur de moi-même.
Vous semblez avoir retrouvé le sourire depuis votre arrivée à la Salernitana...
B.C. : Oui, je suis bien. C'était mon ambition. Après de très longs mois en grande difficulté, en étant très, très bas moralement, j'ai eu ce déclic en me disant qu'il fallait que je pense à moi, à mon bien-être et à retrouver le sourire. Mes proches ont également souffert. Aujourd'hui, je suis bien, dans un environnement différent. On ne parle pas spécialement de moi en France et c'est tant mieux. A la Salernitana, il semblerait qu'on soit satisfait de mon travail donc c'est bien.
Qu'est-ce qui vous a le plus surpris en arrivant en Italie ?
B.C. : Au quotidien, il n'y a pas eu trop de surprises car je connaissais le fonctionnement de Paulo Sousa. Aujourd'hui, on est avec un staff italien, c'est un peu différent. On a une journée voire deux dans la semaine à plein temps au club. C'est assez intense. Après, la différence, c'est par rapport à la passion. Les gens aiment le foot. Ils sont très, très passionnés. Je ne peux pas parler des autres villes mais à Salerne, tous les 20 mètres, il y a un drapeau de la Salernitana. Je vois aussi plein de jeunes ou de personnes âgées avec des survêtements ou le maillot du club. Dans les rues, c'est impossible de se balader discrètement. Il y a une vraie ferveur. Du point de vue de la compétition, la Série A est vraiment relevée et ça joue bien au ballon. Regardez les six ou sept premières équipes du championnat, il n'y a que des grands noms. Il y a aussi des équipes comme l'Atalanta Bergame ou Bologne qui jouent extrêmement bien.
Quel type de coach est Filippo Inzaghi ?
B.C. : Je trouve qu'il est un peu à l'image du joueur qu'il a été. C'est un soldat, c'est quelqu'un qui a la grinta. On sent qu'il vit les matches. Il est à 200% comme quand il était le numéro 9 de l'AC Milan.
Est-ce qu'il vous fait penser à un entraîneur que vous avez côtoyé auparavant en France ?
B.C. : Non, je ne vois pas de similitudes par rapport à des entraîneurs que j'ai connus auparavant. Il a son style à lui. Sur le plan du jeu, il a ses schémas qui peuvent être modifiés. Humainement, il est hyper dynamique.
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Benoît Costil a été précieux lors de la victoire de la Salernitana sur le terrain de l'Hellas Vérone.

Crédit: Imago

Je ne me projette pas spécialement parce que je n'écarte aucune possibilité
Filippo Inzaghi a été un renard des surfaces reconnu en Italie. Est-ce qu'il vous donne des conseils sur la manière d'aborder les face-à-face avec les différents attaquants de Série A ?
B.C. : Lui, non. Mais l'entraîneur des gardiens et Vincenzo Fiorillo (troisième gardien), oui. Après, pour être honnête, je ne cherche pas à me renseigner plus que ça en amont. J'ai envie d'être dans cette découverte en permanence. Je n'ai pas envie de me prendre la tête, je veux vivre le moment présent sans faire le match avant de le jouer. J'ai envie de vivre chaque match comme si c'était le dernier à chaque fois. Quand on est compétiteur, on a toujours envie de plus : jouer, rejouer, gagner et être performant. Ça, je l'aurai toujours en moi, même après.
En tant que gardien de but, est-ce qu'il y a des aspects du jeu que vous avez particulièrement travaillé depuis votre arrivée en Italie ?
B.C. : Par rapport à la France, je trouve que c'est moins axé sur l'aspect technique pur du gardien de but. Par contre, ils insistent beaucoup sur les jambes : le travail de renforcement, la vitesse...
Vous êtes sous contrat avec la Salernitana jusqu'en juin 2024. Comment voyez-vous votre avenir ?
B.C. : Je ne me projette pas spécialement parce que je n'écarte aucune possibilité. Ce qui est sûr, c'est que je veux continuer dans un endroit où j'ai envie d'être. L'aspect humain est primordial, tout comme l'environnement de travail. Très sincèrement, je kiffe l'Italie (il insiste). Je ne me projette pas et je ne sais pas ce qu'il se passera. Je peux très bien tout arrêter en fin de saison pour aller faire ma petite vie avec mes potes dans le Morbihan, sur un chaland à retourner nos poches à huitres, ou bien continuer parce qu'il y a un projet qui me fait kiffer. J'ai envie de savourer chaque instant avec passion sans me prendre la tête. Ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas ambitieux et que je n'ai pas la dalle. Les aspects géographiques et humains priment avant tout le reste. Aujourd'hui, je suis toujours là, je suis compétiteur et je sais encore faire quelques petites choses sympas. Je peux encore durer si j'en ai envie.
Franck Ribéry ? Je découvre l'homme et c'est quelqu'un de formidable
Quand on évoque la Salernitana, on pense également à Franck Ribéry. Est-ce qu'il a été important dans votre intégration ?
B.C. : Je ne saurais pas trop définir le rôle actuel de Franck dans le club. On l'a beaucoup vu à l'arrivée de Filippo Inzaghi. Quand je suis arrivé, il était en train de passer ses diplômes d'entraîneur. On est un petit groupe de Français à la Salernitana : Boulaye Dia, Lassana Coulibaly, Junior Sambia, Dylann Bronn sans oublier les joueurs qui parlent français. Mais c'est vrai qu'on parle pas mal avec Franck. Il donne plein de petits conseils. Il est plein de bonnes intentions. C'est quelqu'un de franc et honnête. Il maîtrise l'italien, l'allemand et l'anglais. Il est cash. Moi, je découvre l'homme. C'est quelqu'un de formidable. Il travaille aussi beaucoup en salle et on a pu discuter avant et après nos séries. J'ai un grand respect pour le joueur, l'homme et l'entraîneur qu'il sera un jour. C'est quelqu'un qui a beaucoup à donner.
Concernant votre passage en équipe de France (2014-2021), quel est votre meilleur moment : votre première convocation, votre unique sélection contre la Côte d'Ivoire en 2016 (0-0) ou l'aventure Euro 2016 même s'il y a la défaite en finale ?
B.C. : Franchement, l'Euro restera un moment gravé. Vivre 58 jours ensemble, ça reste une aventure extraordinaire. Concernant ma sélection face à la Côte d'Ivoire, ça restera mon petit trophée à moi. L'équipe de France a été le summum de ma carrière. Le petit regret est qu'il n'y a pas eu une ou deux sélections en plus. Mais je suis très fier d'avoir fait sept saisons et demie en Bleu, en y allant très régulièrement, et d'avoir été dans le groupe qui a soulevé la Ligue des nations en 2021. C'était il y a deux ans, donc ce n'est pas loin. Outre mon passage en équipe de France, j'ai eu la chance de vivre des bons moments à Bordeaux où j'ai fait de belles rencontres : Paulo Sousa, avec qui j'ai tellement été en phase humainement et sportivement, Gustavo Poyet, qui est exceptionnel, ou Ricardo qui est un homme remarquable (il insiste). A Rennes, j'ai eu la chance de travailler avec un monsieur comme Christian Gourcuff, qui est pour moi exceptionnel. Avant ça, il y a eu Sedan (2009-2011) où j'ai kiffé le club et la région. Je suis bien triste qu'ils soient descendus si bas mais j'espère qu'ils vont remonter progressivement car il y a tellement de gens remarquables. Il y a aussi ce passage marquant à Vannes (2008-09). Il y a également Caen où j'ai été formé mais il n'y a pas eu de suite. Il aurait pu y en avoir une en 2022, mais ça ne s'est pas fait. Personnellement, je suis tombé amoureux de la région bretonne et d'un club, à savoir le Stade Rennais. Rennes restera toujours en moi même si je suis Normand. J'ai obtenu le passeport breton, je suis un pur Breton d'adoption. Ce lien fort ne partira jamais.
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Benoît Costil (en jaune) lors de sa sélection en Bleu à l'occasion du match France-Côte d'Ivoire.

Crédit: Getty Images

Au départ, mon souhait était de faire quinze ans en tant que professionnel à Caen
Cette saison, Rennes vit des débuts mitigés (10e de L1). Quel regard portez-vous sur les six premiers mois de votre ancien club en 2023-24 ?
B.C. : Depuis que je suis parti (rires), le Stade Rennais a quand même fait des saisons exceptionnelles. Il ne faut pas oublier que depuis cinq ans, le club joue l'Europe et se classe dans le Top 5 de la Ligue 1. En termes de jeu, ils nous font kiffer depuis trois ans. Quand on enchaîne autant de saisons de qualité, désormais on n'a limite plus le droit de vivre une saison un peu plus difficile. Ça arrive et ça ne peut pas toujours marcher facilement. Je ne suis pas inquiet car c'est un club qui travaille extrêmement bien. Il travaillait déjà très, très bien avant moi, lors de mon passage puis après 2017. Je pense qu'ils vont remonter progressivement. J'applaudis ce qu'ils font depuis des années. Il faut être dans le football pour savoir que les saisons peuvent être différentes.
Si on vous avait dit en 2004, à l'époque où vous étiez le troisième gardien de Caen derrière Steeve Elana et Vincent Planté, que vous feriez la carrière que vous avez accomplie. Est-ce que vous y auriez cru ?
B.C. : Il faut savoir qu'au moment de ma formation à Caen, j'avais pas mal de sollicitations. Mais moi, je ne faisais pas attention aux autres clubs. Avec mes parents, j'étais parti visiter les installations de Chelsea tout en sachant que je voulais rester à Caen. A ce moment-là, je ne rêvais pas de jouer dans un très grand club. Mon souhait était de faire quinze ans en tant que professionnel au Stade Malherbe. Ensuite, lors de mon prêt à Vannes, j'avais encore la tête à Caen. Le club m'avait fait croire que j'allais jouer à mon retour. Mais en fait, ils n'ont pas respecté leur parole en fin de saison. Donc, je suis parti à Sedan. Là-bas, j'ai fait le deuil de Caen. Je me suis fixé l'objectif de faire partie des meilleurs gardiens de L2 et de jouer en L1 avec le CSSA. Si le club était monté, je serais resté. Ça se passait tellement bien avec Pascal Urano et ce groupe de joueurs formidables. Ensuite, je voulais grandir en L1 et j'ai franchi un cap qui était au-delà de mon plan de carrière à ce moment-là en signant à Rennes. Christophe Revel, que j'avais connu à Vannes, s'était démené pour me faire venir, il avait même mis son poste en jeu à l'époque. Au moment où vous rejoignez un club de ce standing-là, ça va vite. A Rennes, ça s'est super bien passé très rapidement. Ça a lancé cette belle histoire d'amour avec ce club, cette ville et cette région.
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