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Serie A | Affaire des paris illicites en Italie : Un scandale en 5 questions

Guillaume Maillard-Pacini

Mis à jour 13/10/2023 à 19:17 GMT+2

C'est un véritable tsunami qui s'abat sur le football italien depuis mercredi. Dans le cadre d'une vaste enquête sur des paris sportifs illicites, plusieurs joueurs sont actuellement dans le viseur des autorités, qui ont fait irruption jeudi soir dans le rassemblement de la Nazionale. Si les noms de Fagioli, Tonali, et Zaniolo ont rapidement fuité, des dizaines d'autres seraient concernés.

Nicolò Zaniolo

Crédit: Getty Images

Nous y revoilà. Comme trop souvent. Alors que le football italien, dans son histoire, a régulièrement été entaché d'affaires bien sombres, du "Totonero" des années 80 au scandale "Calciopoli" de 2006, le Calcio pourrait faire face à un nouveau séisme. Tout a démarré mercredi, du moins publiquement, lorsque la Fédération italienne de football (FIGC) a annoncé qu'elle avait ouvert en août une enquête contre Nicolò Fagioli, grand espoir de la Juve et sélectionné à une reprise en équipe d'Italie. Le motif ? Le milieu de terrain de 21 ans est soupçonné d'avoir utilisé plusieurs profils différents pour faire des paris sportifs sur des plateformes clandestines. Mais il n'est vraisemblablement que la partie émergée de l'iceberg.
Si l'international italien, qui a contacté en premier le parquet fédéral et dont les avocats ont assuré qu'il a "abordé cette affaire de manière responsable", notamment "dans un souci de transparence maximale et de coopération avec les justices sportive et ordinaire", des dizaines d'autres joueurs, voire peut-être même plus, seraient concernés. Selon La Repubblica, c'est en tout cas ce que les enquêteurs ont découvert en fouillant le téléphone de Fagioli, à travers notamment "des discussions" avec certains de ses pairs. Pour tenter d'y voir plus clair, voici ce qu'il faut retenir, pour l'instant, de cette affaire qui secoue toute l'Italie du football.

Que s'est-il passé, jeudi, à Coverciano ?

Avant que cette affaire de paris sportifs ne prenne cette ampleur, la Nazionale s'est retrouvée en début de semaine du côté de Coverciano, le centre d'entraînement de la sélection italienne qui se trouve près de Florence. Avec, en ligne de mire, des échéances capitales pour la suite des qualifications à l'Euro 2024, face à Malte (samedi) mais surtout l'Angleterre (mardi). Jusque-là, du classique. Mais jeudi, sur les coups de 19h, tout bascule. Mandatés par le parquet de Turin, des enquêteurs en civil viennent notifier à Sandro Tonali, 24 ans, et Nicolò Zaniolo, 23 ans, qu'ils font l'objet d'une enquête sur des paris sportifs illicites. Les deux joueurs sont alors accompagnés par Gianluigi Buffon, le chef de la délégation transalpine, dans une pièce où personne ne peut entrer, sauf les personnes autorisées. Leurs téléphones portables et une tablette sont saisis dans la foulée, avant un interrogatoire de deux heures.
Peu après, la FIGC annonce, dans un communiqué, qu'ils sont renvoyés chez eux. "Les deux joueurs ne sont pas en état de faire face aux engagements des jours à venir", est-il indiqué. Selon Fabrizio Corona, l'ex-roi des paparazzi devenu lanceur d'alertes (nous y reviendrons), Zaniolo, désormais à Aston Villa, aurait même parié sur une rencontre de son équipe pour un match où il était remplaçant. La presse transalpine, elle, a révélé que les deux intéressés se sont justifiés, les larmes aux yeux, en évoquant des mises uniquement sur des jeux tels que le poker ou le blackjack.

Qu'est-il reproché aux joueurs concernés ?

Tout d'abord, il est important de rappeler que les joueurs concernés par cette affaire sont présumés innocents. Selon La Gazzetta dello Sport, l'enquête, qui englobe des paris en ligne en tous genres, pas uniquement sur le sport, a été ouverte en 2022. Les enquêteurs se sont penchés sur des sites de paris illicites, qui n'ont pas la licence autorisée pour faire pratiquer cette activité. Les jeux de hasard ne sont pas interdits en Italie, même pour des footballeurs, mais à la condition sine qua none de le faire sur des sites légaux et ne pas miser sur le sport pratiqué, en l'occurrence le football, même s'il s'agit de catégories différentes. Pour faire simple, les trois joueurs auraient pu parier, par exemple, sur du basket ou du tennis, mais sur des plateformes autorisées.
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Sandro Tonali, Nicolò Zaniolo, Getty Images

Crédit: Getty Images

Tonali, Zaniolo et Fagioli (les seuls noms confirmés pour l'instant) sont ainsi soupçonnés d'avoir utilisé des plateformes clandestines de paris sportifs, ce que proscrit l'article 24 du code de la justice sportive de la FIGC. Il mentionne notamment "l'interdiction d'effectuer ou accepter des paris sur des matches organisés par la FIGC, l'UEFA et la FIFA". Depuis plusieurs mois, les enquêteurs, basés à Turin, ont recueilli de nombreuses informations et soupçonnent un vaste réseau de criminalité, qui pourrait être derrière ces paris clandestins. "Le doute est que la mafia soit derrière tout ça (...) En séquestrant les téléphones des joueurs, les enquêteurs espèrent trouver qui pariait uniquement et qui organisait ce grand tour de paris clandestins", écrit La Gazzetta dello Sport dans son édition de vendredi.

Quelles sanctions sportives sont prévues ?

Tout dépend. Les joueurs soupçonnés d'avoir fait des paris sur des plateformes clandestines s'exposent à une suspension d'au moins trois années et à une amende de 25.000 euros. En parallèle du parquet de Turin, la FIGC mène son enquête pour savoir si l'article 24 a été enfreint. Dans ce sens, Nicolò Fagioli a d'ores et déjà été interrogé.
En cas de collaboration du joueur sous enquête, comme dans le cas du milieu de la Juve, les articles 126 et 127 définissent trois possibilités : la première précède l'acte de la fermeture des investigations et comporte une réduction de peine de 50% ; la deuxième est relative à un accord successif, entre le renvoi et la première audience, et peut diminuer la sanction d'un tiers : la troisième est celle d'une réduction importante de la peine en cas d'apport d'informations utiles à l'enquête de la part des joueurs concernés. Exemple : en 2011, le parquet fédéral avait demandé une suspension de "seulement" 14 mois pour Vittorio Micolucci, qui évoluait à Ascoli. Les éventuelles sanctions s'appliqueront à l'international et aux compétitions autorisées par la FIFA et l'UEFA.

Qui est Fabrizio Corona ?

Son nom, vous le retrouverez un peu partout dans cette affaire. Fabrizio Corona est la personne qui balance, un par un, les noms des joueurs concernés. Dès le 2 août dernier, il affirmait que celui de Nicolò Fagioli était impliqué. Jeudi, quelques heures avant l'intervention des forces de l'ordre à Coverciano, il évoquait ceux de Tonali et Zaniolo sur son site Dilingernews.it.
L'ancien "roi des paparazzi", qui vient de passer dix ans en prison pour extorsion de fonds, notamment au détriment de l'ex-joueur français David Trezeguet, distille donc les informations sur l'addiction de certains joueurs aux paris sportifs. Fabrizio Corona est connu de tous en Italie, tant pour ses relations sulfureuses que sa place dans le "showbiz". D'après La Gazzetta dello Sport, qui rapporte l'opinion des enquêteurs turinois, sa source se trouverait "dans l'environnement romain". Ce jeudi après-midi, Corona a lancé un quatrième nom. Celui de Nicola Zalewski, joueur de l'AS Rome. "Il nie et ses avocats sont déjà au travail", précise la Repubblica. En outre, ses révélations contraindraient les autorités à intevenir assez rapidement, notamment pour éviter aux joueurs, dont les noms sont probablement déjà connus des enquêteurs, d'effacer de possibles preuves.

Est-ce le début d'un énorme scandale ?

Pas certain. Mais fort possible. Selon les médias italiens, plusieurs autres joueurs de Serie A (et pas que) seraient concernés par cette affaire de paris sportifs illicites. La Repubblica évoque un autre élément de l'effectif de la Juventus, mais "de second rang". S'il venait à être révélé qu'un joueur a parié sur son propre match, notamment dans le but d'altérer un résultat, cela donnerait alors une autre dimension à ce scandale.
"Cela a été des heures difficiles, nous sommes proches de Zaniolo et de Tonali d'un point de vue humain et sportif", a déclaré Gianluigi Donnarumma sur la chaîne de télévision Sky Sport. "Cela nous fait mal au cœur de perdre deux garçons qui peuvent nous apporter beaucoup. On est en train de créer un bon groupe, mais on reste proches d'eux. Ce qui s'est passé ne doit pas nous impacter, il faut rester concentrés sur ce qui se passe sur le terrain. Nous sommes professionnels, il va falloir tout donner", a-t-il poursuivi.
Le sélectionneur italien Luciano Spalletti a confirmé que son équipe avait mal vécu l'arrivée des policiers et le départ de Tonali et de Zaniolo. "Toute l'équipe n'a pas aimé ces événements, mais elle continue de penser à ses deux coéquipiers (...) Il est juste de les aider si on peut les aider", a-t-il ajouté. "Mais la justice doit faire son travail. S'il y a eu des infractions commises, il faut en payer les conséquences", a conclu l'ancien entraîneur de Naples.
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Nicolò Fagioli (Juventus)

Crédit: Getty Images

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