Serie A - AC Milan : Théo Hernandez et Rafael Leão, la pause fraîcheur de la discorde
Relégués sur le banc samedi soir lors du match face à la Lazio Rome (2-2), Théo Hernandez et Rafael Leão n'ont pas participé à la pause fraîcheur de leur équipe en deuxième mi-temps. Tout juste entrés, les deux joueurs de l'AC Milan ont en effet estimé qu'ils n'en avaient pas besoin. Une scène d'apparence anodine, mais qui continue pourtant de faire parler toute l'Italie du football.
Rafael Leao e Theo Hernandez durante Lazio-Milan, Serie A 2024-2025
Crédit: Getty Images
Si la machine à remonter le temps existait, et qu'elle ne disposait que d'un seul crédit par personne, Rafael Leão et Théo Hernandez s'en serviraient très probablement pour revenir au même moment. Qui n'est pas très lointain, d'ailleurs. Le jour ? Le samedi 31 août 2024. Le lieu ? Le Stadio Olimpico de Rome. L'heure ? Aux alentours de 22h20. C'est à ce moment précis que l'arbitre du match entre la Lazio et l'AC Milan décide d'envoyer les vingt-deux acteurs prendre le fameux "cooling break", soit la pause fraîcheur, prévu lors de la deuxième mi-temps. Au vu des fortes chaleurs, la Ligue de Serie A en a prévu un par période, et ce pour les trois premières journées. Alors que tous les joueurs se dirigent vers leur banc, les deux Milanais, eux, restent de l'autre côté du terrain.
À peine entrés en jeu, ils estiment ne pas avoir besoin de faire une pause. Tammy Abraham, qui vient également de faire son apparition sur la pelouse, tente de les convaincre. En vain. Tout juste prennent-ils le temps d'avaler quelques gorgées d'eau dans une bouteille qui traîne à proximité de leur couloir gauche. Le Portugais, qui vient de remettre son équipe sur les rails en égalisant au terme d'une action magnifique, échange quelques mots avec son coéquipier. Le tout pendant que leurs coéquipiers, eux, écoutent les conseils de leur entraîneur Paulo Fonseca. Le match reprendra ses droits quelques minutes plus tard et se terminera finalement sur ce score de parité (2-2). Mais ce qui va retenir l'attention, ce n'est pas tant ce troisième match sans victoire pour les Rossoneri (deux nuls, une défaite). Ni même le fait que Paulo Fonseca, tout juste débarqué sur le banc milanais, réalise le pire début de saison du club des quarante dernières années. Mais bien cette "rébellion" - comme l'écrivait La Gazzetta dello Sport dimanche - de la paire Théo-Leao.
Pas une punition
Pour bien comprendre les raisons de tout cette clameur médiatique, il faut se replonger dans le contexte morose et négatif qui a entouré l'avant-match de ce Lazio-Milan. Un nul in extremis face au Torino (2-2) lors de la première journée, mais surtout une défaite sans appel à Parme (2-1) pendant la deuxième : le club lombard broie du noir en ce début de saison. Les tifosi, eux, ont encore dans les yeux la célébration du vingtième titre de l'Inter Milan la saison passée, et en plus dans le derby. L'affront suprême. Et c'est un euphémisme de dire qu'ils n'ont pas vraiment été emballés par le choix de miser sur l'ex-entraîneur du LOSC, un profil pas assez huppé selon eux. Bref, autant dire que ces premières sorties officielles ont rapidement effacé les belles choses entrevues lors de la pré-saison et l'emballement suscité par le mercato. Lors de la défaite face au promu parmesan, deux joueurs ont été pointés du doigt dans ce qui ressemblait à un naufrage collectif : Théo Hernandez et Rafael Leão. Dans le mille. Les deux joueurs majeurs de l'effectif lombard. Au premier, il était reproché son attitude passive, presque sans envie, sur les deux buts encaissés. Quant au deuxième, son flegme légendaire passe plus difficilement lorsque les choses tournent mal. Et une passe manquée a fini par précipiter la chute des siens au Stadio Ennio-Tardini.
Après la rencontre, Paolo Fonseca refuse d'accabler ses deux joueurs ou une quelconque individualité. Le problème, selon lui, est "l'attitude générale" de son équipe, qui continue d'encaisser une moyenne de deux buts par match lors des douze derniers, entre cette saison et la précédente sous Stefano Pioli. "On ne défend pas ensemble, il faut une prise de conscience collective", peste le Portugais, qui martèlera cette phrase aux siens durant la semaine suivante à Milanello. Jusqu'au vendredi après-midi, rien ne filtre sur le onze attendu à Rome le lendemain. Puis dans la soirée, la bombe : Fonseca a décidé de mettre Théo Hernandez et Rafael Leão sur le banc. Deux choix forts et totalement inattendus. Ils sont largement commentés dans la presse et sur les réseaux sociaux le lendemain.
Certains votent pour, estimant que personne ne peut penser une place assurée dans le onze, qu'importe le nom ou le statut. D'autres sont plus froids, s'interrogeant sur le sens de se priver des deux meilleurs joueurs de l'effectif après seulement trois journées. Avec la peur de créer, déjà, une fracture dans le vestiaire. "Ce n'est pas une punition, mais c'est simplement pour le bien de l'équipe. J'ai expliqué mon choix à mes deux joueurs, et ils ont compris", se justifie le nouveau technicien milanais à DAZN peu avant le coup d'envoi. Pourtant, en interne, on explique que les deux joueurs se sont sentis traités comme les deux boucs émissaires de la défaite à Parme.
"Un manque de respect"
Nous voilà donc à samedi soir, peu avant 22h20. Après une première mi-temps plus ou moins réussie collectivement, conclue sur un petit but d'avance, Milan se fait renverser en cinq minutes par la Lazio. Les spectres ressurgissent. 70e minute : Fonseca se retourne vers son banc et appelle quatre joueurs : Yunus Musah, Tammy Abraham, Théo Hernandez et Rafael Leão. À peine entrés, les trois derniers réalisent la superbe action du 2-2. Buteur, l'international portugais ne prend pas le temps de célébrer. Il repart, bien décidé à en découdre, au centre du terrain. Tête basse, regard sombre : rien ne semble pouvoir l'arrêter. Sauf le "cooling break", qui intervient dans la foulée. Le cadre posé, voilà pourquoi l'image des deux joueurs en marge du reste de l'équipe, et surtout de leur entraîneur, est forte. Et elle fait rapidement grand bruit. Au point que le club décide d'envoyer l'international français devant la chaîne du club après la rencontre.
"La scène du cooling break ? Nous étions rentrés depuis deux minutes avec Rafa (Leão), nous n’en avions pas besoin. Nous étions prêts à aider l’équipe pour gagner ce match. Ce n’est rien contre l’équipe ou l’entraîneur. Nous sommes tous unis. Les gens parlent et disent des choses qui sont fausses. On veut toujours aider notre équipe, et c'est le plus important", déclare-t-il. Paulo Fonseca dédramatise aussi. "Il n'y a aucun problème avec eux, et vous le savez, je suis toujours sincère et honnête", explique-t-il en conférence de presse. Au sein du club milanais, on assure que les deux joueurs ne seront pas punis. Mais sur les plateaux comme dans les journaux, les critiques sont unanimes.
"C'est un manque de respect vers leurs coéquipiers, car cela veut dire que tu considères que les autres ne sont pas dignes de jouer et donc tu manques de respect, déplore Fabio Capello, ancien entraîneur du club, et désormais consultant du côté de Sky Italia. On parle toujours de groupe et d'équipe, mais si tu fais ça, c'est que tu penses : 'Moi je dois toujours jouer, et vous vous devez faire les remplaçants.' Cela ne va pas. Ils ne veulent pas être sur le banc, c'est ça le débat." "Ils doivent demander pardon à leurs coéquipiers, pas seulement à l'entraîneur. Ils doivent réfléchir à ce qu'ils ont fait. Ils ont regardé les deux premiers matches plutôt que de les jouer (...) A mon époque, ils auraient dû nous donner des explications à nous coéquipiers", lâchait Francesco "Ciccio" Graziani, ancien international italien puis entraîneur, à Mediaset. "C'est inutile de tourner autour du pot : le malaise est évident et s'est manifesté d'une manière assez forte. C'est une image pas belle à voir (...) Ils se justifient en disant qu'ils venaient d'entrer, mais Abraham et Musah aussi, et ils étaient pourtant avec leurs coéquipiers pour parler, les encourager, demande des informations. Pas eux. Le malaise est plus fort qu'une simple exclusion. Ce qu'on a vu, ce n'est pas beau et ce n'est pas justifiable pour une équipe comme Milan", constatait Massimo Ambrosini, passé au club entre 1995 et 2013.
Enfin, l'ex-attaquant Paolo Di Canio s'est montré encore plus virulent, déclarant sur le plateau de Sky Italia : "C'est une honte ! Tu n'es pas dans une équipe où tu vas jouer après le boulot, où tu es là et tu fais ce que tu veux. Tu es à l'AC Milan. On parle de Théo et Leao, avec le premier qui est régulièrement capitaine. Mais vous faites quoi ? Les autres ont dû se sentir déclassés face à cette attitude." En réponse, le Portugais a publié une photo sur X (ex-Twitter) montrant l'ancien buteur de la Lazio Rome faire le salut romain. Avec la légende : "............". S'ils pouvaient remonter le temps, nul ne doute que les deux compères du couloir gauche, probablement honnêtes dans leur version, opteraient quand même pour l'autre option : traverser le terrain, rejoindre leur équipe, remotiver les troupes et écouter leur entraîneur. Ce qui aurait évité toute la tempête médiatique qui a suivi. "Et dire qu'elle va durer quinze jours...", souffle-t-on au club.
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