Serie A I AC Milan - Atalanta Bergame | Retegui, le buteur retrouvé qui va manquer à l'Italie

Mars 2023. À la surprise générale, Roberto Mancini, alors sélectionneur de l'Italie, décidé de convoquer un certain Mateo Retegui, un attaquant inconnu au bataillon et dont la presse italienne ne sait rien ou presque. Alors direction internet, forcément, pour fouiller sur ce nouveau profil débusqué... en Argentine. À l'époque, le natif de San Fernando (Argentine) évolue du côté du Club Atlético Tigre, après des passages à l'Estudiantes puis au Club Atlético Talleres. À son CV, on note également une formation à River Plate, quand même, avant une suite chez le grand rival Boca Juniors.

Une grande question surgit alors : mais comment cet attaquant peut-il être sélectionné/sélectionnable avec la Nazionale ? La réponse arrive rapidement : son grand-père maternel arrivant tout droit de Sicile (et plus précisément de la ville de Canicattì), le joueur possède un passeport italien. Sans oublier que son arrière-grand-père paternel est originaire de Sestri Levante, en province de Gênes. C'est dire si Mancini a dû puiser loin pour tenter de trouver enfin un remède au mal d'attaquants de l'Italie. Mais convaincu par les vidéos du joueur et les dires de son staff, il a décidé de tenter la carte de l'oriundo (un terme italien qui désigne un immigré d'origine italienne et qui a grandi hors du pays, très souvent en Amérique du Sud).

"Mateo n'a pas hésité une seconde quand il a reçu cet appel, confiera un peu plus tard son père, véritable star du hockey sur gazon au pays, ancien joueur puis champion olympique comme sélectionneur. Il a également contacté Juan Sebastian Veron, qui le connaît très bien. Il est fier de représenter l'Italie, un pays très beau et avec des supporters chaleureux. Nous sommes reconnaissants envers la Fédération italienne et Robert Mancini, qui a décidé de le convoquer. Ce moment est tout simplement magique." Et il ne va pas s'arrêter là.

Lancé contre l'Angleterre à la fin mars 2023, le buteur italo-argentin frappe fort en inscrivant son premier but à Wembley. De quoi forcément marquer les esprits. Confronté à une pénurie d'attaquants, Roberto Mancini remporte son pari. Et peu importe si son nouveau buteur répondra aux questions d'après-match... en espagnol. L'essentiel est ailleurs. "Il est jeune et ça fait seulement trois jours qu'il est avec nous, mais nous croyons en lui, confiait alors l'ex-sélectionneur italien. Il a de la qualité, et a besoin de connaître le football européen et italien. En première mi-temps, il a eu quelques difficultés, comme toute l'équipe, car il a eu peu de ballons. Mais c'était beaucoup mieux en seconde période. Il est resté positif et a marqué." "Malgré la défaite, je suis quand même content de mes débuts et de ce but. Il y avait un peu de nervosité au début, mais je suis heureux d'avoir débloqué la situation. J'attendais avec impatience cette convocation et quand Mancini m'a appelé, je me suis senti excité et fier. Je suis heureux d'être ici et de représenter l'Italie", réagissait le principal intéressé. Trois jours plus tard, rebelote avec une nouvelle réalisation face à Malte.

Mais de l'autre côté des Alpes, où l'on a parfois un peu trop tendance à s'enflammer, interdiction cette fois se projeter trop loin. Les désillusions des dernières années ont quand même servi de leçon. Comment oublier, par exemple, l'espoir envolé autour de Mario Balotelli, longtemps espéré comme le sauveur de la partie ? Et Ciro Immobile, alors, capable de battre record sur record en championnat mais méconnaissable une fois le maillot de la sélection sur le dos ? Qu'il semble loin le temps des "Gigi" Riva et Paolo Rossi, des Luca Toni et Gianluca Vialli... "C'est un problème qu'on traîne depuis des années, reconnaissait à l'époque Mancini, bien conscient de la taille du chantier. Mais Retegui a toutes les capacités pour devenir un attaquant important de la sélection." Même sans lui. Car le "Mancio" claquera la porte en août 2023. De quoi faire tomber aux oubliettes sa trouvaille nommée Retegui ? Pas vraiment. Car un mois plus tôt, ce dernier avait été officiellement transféré au Genoa, qui décidait d'investir une quinzaine de millions d'euros pour le recruter. Une bonne nouvelle pour tout le monde. Le joueur, le championnat et la sélection.

Pour sa première saison sous les projecteurs de l'élite italienne, Retegui ne démérite pas. Bien au contraire. Régulièrement appelé en sélection par son nouveau sélectionneur Luciano Spalletti, qui apprécie grandement son profil de buteur de surface, il marque 9 buts (son premier après seulement 30 secondes sur le terrain) et délivre 3 passes décisives en 31 matches. De quoi convaincre l'Atalanta Bergame de le recruter l'été suivant. En quête d'un attaquant après la grave blessure de Gianluca Scamacca, le club lombard se jette alors sur lui et débourse 22 millions d'euros (plus bonus) pour l'arracher au Grifone en l'espace de quelques heures. Un tremplin qui va le faire basculer pour de bon dans une nouvelle dimension.

Avec la Dea, l'ancien avant-centre des U19 de l'Argentine (5 sélections) découvre les grandes soirées de Ligue des champions. Mais aussi les méthodes de son nouvel entraîneur Gian Piero Gasperini, connu et reconnu pour bonifier tout ce qu'il touche. Vrai terminal offensif de son équipe, Retegui carbure et prend rapidement la tête du classement des buteurs. Le voilà aujourd'hui avec 23 buts au compteur, dont 22 dans la surface (trois penalties, ndlr). Moise Kean, son dauphin et coéquipier en sélection, est relégué à six buts. Marcus Thuram, troisième, à neuf. "Mancini l'a découvert, Spalletti a cru en lui, Gasperini l'a transformé", résumait La Gazzetta dello Sport mercredi. Certaines de ses performances ont frappé les esprits cette saison : un triplé face au Genoa, un quadruplé contre l'Hellas Vérone, trois doublés au total...

"C'est un joueur extraordinaire quand on domine, reconnaissait Gian Piero Gasperini début février. Il a des statistiques extraordinaires. Il a un aimant pour attirer le ballon, il est toujours là où il faut. Un axe d'amélioration ? Quand nous ne dominons pas, il peut progresser." Et cela s'est confirmé récemment lors du choc perdu contre l'Inter Milan (0-2), où Retegui a été transparent. "Mais il marque des pieds, il marque de la tête, il marque dans les moments importants. On le suivait quand il était au Genoa et on espérait tous qu'il puisse progresser dans beaucoup de domaines, ce qu'il a fait", se félicitait le technicien bergamasque un peu plus tôt dans la saison, heureux de la mobilité et du sens du but de son attaquant, qui fêtera ses 26 ans fin avril.

"Il a encore une grande marge de progression", prévenait-il, rappelant son arrivée tardive en Europe. Entretemps, Retegui a continué de marquer avec la Nazionale : deux buts face au Venezuela (mars 2024), un contre la Belgique et un contre Israël lors du rassemblement de novembre, et le voilà désormais à six réalisations en dix-huit sélections. Avec son club aussi, comme lors du match face à Bologne dimanche dernier (un but et une passe décisive). Une habitude que l'Italie ne connaissait plus depuis bien des années.