Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Série d'été sur le mercato 2003 - David Beckham au Real Madrid, bien plus qu'un transfert

Cyril Morin

Mis à jour 31/07/2023 à 15:55 GMT+2

A l'été 2003, David Beckham prenait une dimension encore supérieure en quittant Manchester United pour rejoindre les Galactiques du Real Madrid. L'Anglais deviendra le symbole des superstars du football en devenir, celles qui dépassent assez largement le cadre du sport. La plus grosse star planétaire qui rejoint le plus grand club du monde, la logique est évidente. Et pourtant…

Série d'été sur le mercato 2003 - David Beckham au Real Madrid, plus qu'un transfert

Crédit: Marko Popovic

Cette semaine, Eurosport vous fait revivre l'été où le football a changé d'ère. 2003 marque un tournant pour les Galactiques du Real Madrid, pour le FC Barcelone renaissant d'un certain Ronaldinho, pour le nouveau riche Chelsea ou pour le transfert d'un prodige, Cristiano Ronaldo. Ce lundi, premier épisode de notre série avec le transfert de David Beckham au Real Madrid.
Il ne faut jamais croire Florentino Pérez sur parole. C'est le charme des plus grands politiciens : il manie le mensonge avec une forme d'art qu'il convient parfois d'admirer. Arrivé à la tête du Real Madrid en 2000, le magnat de l'immobilier avait déjà fait campagne sur un transfert loin d'être bouclé : celui de Luis Figo. La suite de l'histoire lui donnera raison à force d'obstination plus que de réelle prévision. Pourtant, en avril 2003, tout le monde (re)tombe dans le panneau.
Quelques jours avant, David Beckham, star de Manchester United laissée sur le banc pour le quart de finale retour de C1 mythique face au Real Madrid (4-3), répond aux questions des journalistes. L'une d'entre elles : "pourriez-vous rejoindre le Real Madrid un jour ?". "Never say never", répond Becks. Littéralement : "ne jamais dire jamais". Une semaine plus tard, après un communiqué très offensif publié sur le site du Real démentant tout contact, le président madrilène est relancé sur le sujet par quelques journalistes. "Never, never, never", sera sa réponse. Jamais de la vie ? C'est mal connaître l'animal.
Le 2 juillet 2003, c'est dans un costume gris clair impeccable, chevelure blonde soignée et boucles d'oreilles iconiques que l'Anglais est présenté comme nouveau joueur du Real Madrid dans un amphithéâtre bondé de la capitale espagnole, entouré par Alfredo Di Stefano et Florentino Pérez. Le président madrilène a réussi son coup : compléter son effectif du dernier Galactique qui manquait à sa collection, celui où l'aura marketing égale au moins, si ce n'est plus, l'apport footballistique. Beckham au Real Madrid, c'est bien plus qu'un transfert. Et dire que la Casa Blanca a voulu faire croire que tout ceci n'arriverait jamais…
picture

David Beckham et Alfredo Di Stefano lors de la présentation de l'Anglais en 2003

Crédit: Getty Images

"Fergie Decks Becks"

S'il fallait choisir une date de départ à ce transfert révolutionnaire, par l'ampleur de ses retombées en dehors des terrains en tout cas, il faudrait sans doute remonter au 4 juillet 1999. Ce jour-là, près de Dublin, David, le gamin au pied droit d'or qui sort d'une saison qui le verra terminer second du Ballon d'Or devient Beckham la star internationale en se mariant avec Victoria Adams, membre des Spice Girls. Le début des emmerdes pour Sir Alex Ferguson, le père footballistique de Becks.
"À l'âge de 12 ans quand je l'ai eu sous mon aile, son plus grand rêve était de jouer le meilleur football possible, retracera l'Ecossais en 2013. C'était un gros travailleur, il s'entraînait sans relâche. Mais ensuite, sa vie a changé, quand il s'est marié avec cette fille [Victoria Adams] des Spice Girls. Et son envie a aussi changé. [...] Il a été happé par son statut de personnage public, vous savez. Il a perdu sa concentration".
Beckham devient une icône, un symbole de la mondialisation du football que sa Coupe du monde 2002 en Asie viendra confirmer dans des proportions inimaginées : biographie vendue à 300 000 exemplaires au Japon (50 000 étaient prévues à la base, NDLR), Une de Marie Claire, crête copiée de partout, projet d'une statue du Spice Boy à Tsuna, camp de base des Three Lions sur ce Mondial.
A Manchester, malgré les efforts de Fergie, ses aventures hors-terrain agacent. La marmite va finir par déborder. 15 février 2003, lendemain de la Saint-Valentin, Manchester United reçoit Arsenal. Les Red Devils n'y sont pas, David Beckham non plus mais c'est la star qui va prendre pour le groupe une fois la défaite actée (0-2).
Ferguson rentre dans le lard de Beckham, lui reproche son manque d'investissement et de leadership. Dans une colère noire, il en vient à frapper dans un tas de vêtements. Dans le lot, un crampon qui vient éclater l'arcade du Spice Boy. Le mythe de la chaussure volante est né et ne met pas longtemps à faire le bonheur des tabloïds. "Fergie Decks Becks", soit "Fergie cogne Becks", s'affiche en Une de The Sun et la machine médiatique s'emballe.
picture

Le visage de David Beckham quatre jours après l'affaire des "crampons volants"

Crédit: Getty Images

Le tour de passe-passe de Laporta

Beckham à Manchester United, ça sent la fin de l'histoire. La destination semble écrite d'avance : le Real Madrid et ses Galactiques. Le mariage serait parfait en termes de fusion de marques, pas forcément en termes footballistiques mais Florentino Pérez ne veut pas songer à ça. Elu en 2000, il récupère un club criblé de 280 millions de dettes. Sa politique avant l'heure d'entertainment doit permettre à sa Casa Blanca de se refaire la cerise. Mais l'Espagnol va se faire chiper la vedette par un autre politique. Pire, par un Catalan : Joan Laporta, candidat à la présidence du FC Barcelone en 2003.
C'est simple, le jeune avocat barcelonais veut refaire un coup à la Figo : promettre la signature d'un grand nom en échange de son élection. Il saute sur l'occasion Beckham et la presse catalane embraye. Oui, le Spice Boy est sous contrat avec Adidas, sponsor surpuissant du Real Madrid. Mais il est aussi figure de proue de Vodafone, concurrent direct de Siemens, alors inscrit sur le maillot blanc madrilène. Dans ce dossier, le football aura été relégué au second plan. Dans ce dossier, c'est un poker menteur qui se met en place.
Le Barça n'a plus le standing nécessaire pour attirer l'Anglais, ni les appuis financiers suffisants mais le nom de Beckham permet à Laporta d'exister médiatiquement avant l'élection. Le coup de poker devient génial le 10 juin : Manchester United publie un communiqué annonçant un accord pour le transfert de David Beckham au FC Barcelone l'été qui vient si Joan Laporta est élu. Les observateurs avisés de l'élection ne voyaient pas Laporta comme un favori ? C'est lui qui remporte la timbale le 15 juin avec 52,57% des voix.
picture

Les Unes des quotidiens catalans annonçant un accord avec Beckham le 11 juin 2003 avant l'élection de Laporta

Crédit: Getty Images

Le tour de passe-passe est exceptionnel : le nouveau boss barcelonais sait pertinemment qu'il n'a aucune chance d'attirer Becks. D'ailleurs, l'agent de l'Anglais monte au créneau dans la foulée du communiqué de MU. "David est très déçu et surpris de cette annonce. Il a l'impression d'avoir été utilisé comme un pion politique dans l'élection au Barça", écrit-il dans un autre communiqué. Alors, comment Laporta a-t-il fait ? Il a simplement promis à Ferguson d'engager un joueur issu de l'agence de son fils une fois au sommet de la hiérarchie culé. Bingo : Rüştü Reçber, dont l'agent n'est autre que… Jason Ferguson, rejoint le Barça à l'été 2003.

10 millions d'euros pour une tournée asiatique

A Madrid, on s'amuse presque de ce théâtre. Parce qu'en coulisses, tout est déjà bouclé. Fin avril, Jose Angel Sanchez, directeur marketing du Real, rencontre Peter Kenyon, le CEO de MU, lors d'un sommet européen en Belgique. Le cas Beckham est déjà sur la table et les positions se rapprochent. En juin, une réunion secrète est organisée en Sardaigne et un accord est trouvé pour 35 millions d'euros. Une bouchée de pain au vu de la suite.
Le 17, le transfert est officialisé et Madrid prend un malin plaisir à célébrer le transfert de la star. "Florentino Perez a gagné, Laporta se rend ridicule", titre ainsi La Razon au lendemain de la signature. "Le rêve continue", insiste Marca qui célèbre "la plus grande constellation d'étoiles de l'histoire du football" avec Ronaldo, Zinedine Zidane, Luis Figo et Raul dans la même équipe. Jorge Valdano, alors directeur sportif, préfère lui aussi balayer les doutes tactiques. "Beckham était un objectif stratégique, explique-t-il à l'AFP en englobant football et marketing. Et puis, il y a toujours de la place pour un crack".
De terrain, on parlera finalement assez peu dans les premiers mois de l'Anglais. Fin juillet, c'est une tournée en Asie qui confirme que plus rien ne sera jamais vraiment comme avant dans la mondialisation du football. Beckham au Real, c'est d'abord une machine à cash complètement folle. Pour sa tournée à Hong Kong, Bangkok, Pékin et au Japon, le Real Madrid récupère 10 millions d'euros. Une somme dingue, même vingt ans après.
picture

Fernando Morientes, Ronaldo, David Beckham et Raul en conférence de presse à Hong Kong

Crédit: Getty Images

Fidèle à sa stratégie, le Real récupère au passage 50% des droits d'image du joueur. Une niche exceptionnelle. Fin 2003, un audit demandé par le club montre que les curseurs économiques sont boostés de manière folle par l'Anglais. Adidas, Pepsi, Vodafone, BrylCreem, Marks and Spencer : l'empire Beckham est venu compléter celui du Real. Plus personne ne fait le poids sur ce terrain-là. "Mettre le nom de Beckham sur n'importe quel produit du Real et vous avez des ventes qui ne s'arrêtent jamais", ose même un porte-parole de l'équipementier allemand dont le Becks est la figure de proue.

Echec sportif rapidement visible

Février 2006, c'est officiel : le Real Madrid dépasse Manchester United et devient le club qui génère le plus de revenus au monde, comme le confirme le cabinet Deloitte. En 2001, l'écosystème madrilène permettait au club de récupérer presque 110 millions d'euros par an. En 2005, le chiffre passe à 215 millions. Forbes chiffrera finalement à plus de 600 millions les revenus merchandising du Real sur les quatre années de son passage à Madrid. Révolution, encore et toujours.
Et le sportif, dans tout ça ? C'est à Carlos Queiroz, nouveau coach merengue, de se débrouiller. Figo solidement implanté sur l'aile droite, Beckham se retrouve à remplacer Claude Makélélé au milieu de terrain. Pas le même profil, pas le même apport. "David est né pour courir, veut pourtant croire le coach portugais. C'est un footballeur qui ne se fatigue jamais et qui travaille sans cesse pour être plus fort. J'adore cet état d'esprit".
picture

David Beckham au Real Madrid

Crédit: Getty Images

Il ne suffira à masquer les carences prédictibles et rapidement évidentes de ce Real Madrid. Ses transversales hypnotiques offriront certains buts marquants à ces Merengue mais l'arrivée de Beckham acte finalement le déclassement sportif du Real. En quatre saisons, l'Anglais ne remportera qu'une seule Liga et une seule Supercoupe d'Espagne. Sa dernière saison est finalement la plus réussie, avec une fin en boulet de canon et le titre au bout de la ligne. Capello l'adore, au point d'aller contre sa direction et, un temps, l'hypothèse de le prolonger est évoquée.
Finalement, c'est suivant une certaine logique que Beckham actera son départ vers la MLS, là aussi bien plus qu'un simple transfert, en 2007. Le Real tente de sauver la face et jette publiquement l'héritage Beckham à la poubelle . "Nous avons eu raison de ne pas prolonger son contrat. Preuve en est que personne ne le voulait à part le Los Angeles Galaxy", lance ainsi Ramon Calderon, qui a pris le fauteuil de Pérez entretemps.
C'est pourtant avec Beckham que les Galactiques prendront le virage avant les autres de la globalisation du football. Précurseur, Florentino Pérez l'aura été dans des proportions inimaginables. Alors, à son retour à la tête du Real en 2009, il refera le coup. Et, comme toujours, tout le monde (re)tombera dans le panneau.
  • A suivre mardi : L'épisode 2 consacré au transfert de Ronaldinho au FC Barcelone
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité