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Real Madrid - 2009, les Galactiques II : Le sauveur Pérez, l’arme secrète Zidane

Cyril Morin

Mis à jour 22/07/2019 à 13:27 GMT+2

Hazard, Jovic, Mendy, Militao avant Pogba ou Mbappé ? Cet été, le Real Madrid est le grand animateur du mercato. Il y a dix ans, en 2009, la Casa Blanca avait déjà sorti la planche à billets pour remettre le plus grand club du monde sur le devant de la scène. Retour en cinq volets sur le mercato le plus marquant de l’histoire du Real Madrid. Episode 2.

Florentino Perez et Zinedine Zidane

Crédit: Eurosport

"Le retour fait aimer l'adieu", écrivait Alfred de Musset. Combien d’hommes politiques ont pris pour argent comptant l’expression ? Combien ont fait mine de partir pour revenir ? Pas toujours en mieux, certes. Mais la stratégie de l’exode est une ficelle vieille comme le monde. Quand le torrent médiatique est trop fort, éloignez-vous du tumulte. Restez tapi dans l’ombre. Et attendez que la nostalgie fasse tranquillement le reste. Souvent, si vous avez marqué votre époque, on vous réclamera en recours. En un temps record.
27 février 2006 - 1er juin 2009. Trois ans. C’est tout ce dont aura eu besoin Florentino Pérez pour retrouver son poste de président du Real Madrid. Et pourtant, pour "aimer l’adieu" du même Pérez en 2006, il fallait se lever de bonne heure. Aux aurores même. Les sauveurs sont ainsi, ils apparaissent toujours au moment opportun. Pour l’Espagnol, c’est arrivé bien plus vite qu’il n’aurait pu l’imaginer.
Homme d’affaires, entrepreneur, ingénieur civil ou milliardaire. Il y aurait tant de mots pour désigner Florentino Pérez. Mais une constante n’a jamais varié chez lui : son appétence politique. Pérez, c’est d’abord ça, une bête de stratégie électorale et un négociateur qui aurait été un personnage parfait de "Game of Thrones", à n’en pas douter. Ajoutez-y une capacité à rebondir hors du commun et vous aurez un spectre d’analyse plus complet du bonhomme.
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Florentino Perez, tête basse, lors de sa démission en février 2006

Crédit: Getty Images

D’échec en échec jusqu’aux Galactiques

"Pérez est tellement malin qu’il pourrait même se faire des amis en enfer. D’ailleurs, si le diable décidait de construire une route vers le purgatoire, il lui confierait sûrement le projet". Les mots sont de Juan Carlos Escudier, biographe du président madrilène. Le vrai mot-clé ici, c’est "projet".
Un fonceur. Voilà peut-être le désignatif qui résumerait le mieux l’actuel président du Real. Un homme qui se fixe un objectif et part tête baissée vers la quête, sans regarder derrière. Quitte à chuter. 1986 : après avoir gravité dans divers partis centristes dès les années 70, il subit un revers fracassant aux élections législatives. Adieu la politique dans sa forme la plus basique. C’est en tant qu’entrepreneur qu’il connaîtra la gloire.
Pour se lancer avec succès dans le bâtiment, il faut être bien introduit auprès des décideurs publics. De son échec en politique, Pérez fera une force, raflant les marchés publics à tour de bras grâce à son réseau construit préalablement. Après avoir fait son trou et grimpé les échelons, il prend les rênes du groupe ACS en 1997. C’est de là qu’il va lancer sa grande conquête et son vrai projet : le Real Madrid.
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Depuis son bureau à ACS, Florentino Pérez contemple Madrid avant de lancer sa campagne victorieuse en 2000

Crédit: Getty Images

Après un premier échec en 1995, il retente sa chance en 2000 et fait dans le tapage médiatique. A bas la mauvaise gestion financière de Lorenzo Sanz, alors en poste, et bonjour aux millions à gogo et aux stars planétaires. Pour marquer le coup, c’est Luis Figo, alors chez l’ennemi barcelonais, qui fait figure de promesse électorale. Du clinquant, déjà. Et du clivant, aussi, avec ce "caso Figo" qui fera couler beaucoup d’encre.
Le 17 juillet 2000, le voilà tout en haut. Son Graal à lui pour un poste bien plus politique que simple député : élu par les socios du Real Madrid, Pérez lance les Galactiques. Figo la première année donc, Zinédine Zidane en 2001, Ronaldo en 2002, David Beckham en 2003, Michael Owen en 2004 et Robinho en 2005. Des superstars en pagaille et un club mythique qui devient une marque internationale. Problème, les contrats marketing ne font pas gagner de titres.

Scandale et promesses, le cocktail de retrouvailles enflammées

Petit à petit, par des choix sportifs contestables - ah si Claude Makélélé avait été prolongé comme le réclamait l’ensemble de l’effectif merengue -, l’édifice bâti par Pérez s’étiole à mesure que l’armoire à trophées reste désespérément vide de 2003 à 2006. Le tout avec une dette de 450 millions d’euros à son départ. Que n’aurait pas dit Jorge Tebas face à une telle somme ? Poussé dans ses retranchements, il décide à la surprise générale de quitter le bateau le 27 février 2006. C’est la première fois qu’un président élu du Real Madrid choisit de ne pas achever son mandat.
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Florentino Pérez

Crédit: Eurosport

La fin d’une époque assurément mais aussi d’une stratégie que l’on croit bonne pour la casse. Les stars, c’est bien mais ça ne fait pas le travail de l’ombre nécessaire à toute grande équipe. On pense Madrid au bout du gouffre, entre rivalités espagnoles et brésiliennes dans le vestiaire, fin de cycle des stars du projet Galactiques et nécessité de repenser son modèle. La crise arrivera bien. Mais trois ans plus tard. Quand les conditions d’un retour sont devenues parfaites pour lui.
Car son successeur s’est pris les pieds dans le tapis. Ancien directeur sportif de Pérez, Ramón Calderón a repris les rênes en 2006. Avec succès pour commencer, en atteste le sacre national de 2007. Mais les difficultés s’accumulent, surtout en C1, où la Casa Blanca n’arrive plus à faire régner l’ordre. Il n’empêche, Calderón poursuit son bonhomme de chemin. Jusqu’au 7 décembre 2008.
Ce jour-là, c’est l'assemblée générale du Real Madrid. L’objectif ? Approuver les comptes du club le plus riche du monde, avec un budget record de 400 millions d’euros. Sur le papier, tout se déroule sans accroc et Calderón est conforté dans sa présidence. Mais, en coulisses, des doutes quant à l’authenticité de certains documents ainsi qu’à l’identité des votants émergent.
"Calderón a volé l’assemblée". C’est ainsi que Marca révèle le pot-aux-roses en une le 13 janvier 2009. Le tout avec photos à l’appui des faux votants. Le coup est rude. Trois jours plus tard, le président n’a plus d’autre choix que de laisser place nette. A la crise sportive symbolisée par la saison cauchemar de 2009 (voir l’épisode précédent) s’ajoute une crise de gouvernance majeure. Madrid ne répond plus. Florentino si.
La Une de Marca du 13 janvier 2009, mettant en cause Ramón Calderón
Le passé est vite oublié quand le présent est chaotique. Instantanément, tous les regards se tournent vers Pérez, encore très au fait des affaires madrilènes. Et, rapidement, un consensus se dégage : c’est à lui que doit incomber la reconstruction XXL du Real Madrid. Jouant de son statut nouveau, l’Espagnol se fait désirer, ménage un faux suspense qui l’emmène jusqu’au 14 mai 2009 où il se déclare officiellement candidat. Le tout avec un projet "spectaculaire" à l’écouter.

Zidane, la figure de proue

"Une nouvelle illusion". Voilà le nom retenu par le candidat Pérez pour son clip de campagne. Effet noir et blanc, musique épique et voix-off digne d’un blockbuster. "Uno más al servicio de todos" : un de plus au service de tous. Le slogan est simple, presque populiste, mais terriblement efficace après le scandale de corruption qui a entaché une Casa Blanca qui se veut immaculée. Surtout, Pérez sollicite la fierté et l’orgueil, deux valeurs qui ont disparu du côté de Santiago-Bernabéu mais qui ne demandent qu’à réapparaître.
Mais là où l’entreprise de Pérez fait mouche, c’est qu’elle joue sur les sentiments. Et s’appuie sur des légendes. Dans son clip, les idoles madrilènes sont clairement mises en avant de Raúl à Di Stefano en passant, déjà, par Sergio Ramos. Mais un homme revient plus que tout : Zinédine Zidane. De son but mythique en finale de C1 face à Leverkusen à ses grigris magiques, ZZ est l’arme fatale de Pérez dans sa conquête. Jeu propre, talent et spectacle : le tryptique proposé par le revenant définit en creux les souvenirs laissés par l’éternel numéro 5 madrilène.
L’histoire est connue. Mais rappelle aussi le lien si fort qui unit le meilleur joueur français de l’histoire à son président. Entre eux, tout a débuté à Monaco. Août 2000, ils assistent ensemble à un gala de l’UEFA. ZZ est le meneur de jeu de la Juventus, Ballon d’Or 1998. Pérez vient d’arriver à la tête du club madrilène et veut à tout prix une nouvelle star après avoir raflé Figo l’été précédent. Pour lui, le champion du monde est l’homme de la situation. Il aura suffi d’une serviette et de ces quelques mots : "veux-tu jouer au Real ?" pour qu’une histoire d’amour qui dure encore dix-neuf ans plus tard débute.
"C’est lui qui m’a fait venir. Je lui dois tout", explique encore souvent ZZ à propos de son président. Pour sa bataille d’image, Pérez se tourne naturellement vers son "Sissou" comme il le prononce. "Un homme qui est né pour jouer au Real Madrid", l’a-t-il si maintes fois défini. A quel poste ? Celui qu’il choisira au fond. Mais l’idée du candidat Pérez est simple : donner tous les passe-droits au Français pour qu’un jour, il joue un rôle majeur au sein de la Casa Blanca. Visionnaire.
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Zinédine Zidane et Florentino Pérez

Crédit: Getty Images

Les idées n’ont pas changé, le timing si

À L’Equipe, le 8 mars, quand le nom Pérez circule déjà pour reprendre le pouvoir, Zidane se veut clair : le poste d’entraîneur, très peu pour lui. "Ce n'est pas parce que vous avez été un grand joueur que vous serez un grand entraîneur ou un grand dirigeant", lâche-t-il. La suite de l’histoire, vous la connaissez. Mais, en cette année 2009, Zidane choisit le poste de "conseiller du président". Notion fourre-tout qui permet à ZZ de faire le tour du magasin et voir quel poste lui correspond le mieux en rayon.
À Zidane le conseiller s’ajoute Jorge Valdano, le fidèle directeur sportif. L’Argentin est celui qui a mis en musique le projet des Galactiques de 2000 à 2006 et revient aussi pour un nouveau chapitre de l’histoire. Voilà le trio formé et les élections qui approchent. Le 1er juin, sans candidat face à lui, le sauveur Florentino Pérez est élu à nouveau au poste de président du Real Madrid.
Trois ans à peine après son départ par la petite porte, c’est donc avec les honneurs que le magnat de l’immobilier récupère son trône. Avec un objectif immédiat : reconquérir la Ligue des champions. D’autant que la finale de l’édition 2009-2010 se joue à Bernabéu. Du temps, le nouveau président en a finalement peu. Mais ses idées restent les mêmes : des stars à gogo.
Dès son retour, il fait de nouveau jouer son entregent pour obtenir des prêts bancaires. Résultat : 150 millions d’euros levés auprès de la Caja Madrid et de la banque Santander. Des millions qui choquent une opinion publique qui subit de plein fouet, surtout en Espagne, la crise financière mondiale en cours. Pérez n’en a cure : la construction de sa maison blanche se fera à grand frais. Et avec des grands noms. Avec Kaká comme premier coup d’éclat.
Rendez-vous mercredi pour le troisième épisode de notre série d’été sur le mercato XXL du Real Madrid en 2009.
Florentino Pérez lors de sa réelection en 2009
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