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Ruffier, Mandanda, Lloris : pourquoi le marché des gardiens ne bouge pas d'un pouce

Martin Mosnier

Mis à jour 13/02/2015 à 13:17 GMT+1

Plusieurs gardiens de Ligue 1 et d’ailleurs ont la bougeotte depuis des mois mais ne parviennent pas à trouver le club qui sied à leurs ambitions. Pourquoi ? Parce que le marché des portiers est saturé. Explications.

Steve Mandanda et Hugo Lloris en position d'attente

Crédit: Panoramic

Ces dernières années, l'AS Saint-Etienne fut un sublime vivier pour les gros clubs européens. Elle a fait exploser un attaquant aux jambes de feu et Dortmund lui a chipé Pierre-Emerick Aubameyang, elle a couvé l'un des plus grands espoirs français au poste de défenseur central et Chelsea s'est empressé de lui acheter Kurt Zouma, elle a fait du milieu de terrain Josuha Guilavogui un international français et l'Atlético Madrid n'a pas laissé passer l'occasion. Ces dernières années, Stéphane Ruffier s'est imposé comme l'un des trois meilleurs gardiens français mais, lui, n'a pas quitté l'ASSE.
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Hugo Lloris trop court sur un tir de Dzemaili lors de France - Suisse

Crédit: AFP

L'exemple du troisième gardien des Bleus est symptomatique et loin d'être isolé. Sur le terrain comme sur le marché des transferts, le poste de gardien de but est particulier. Il a ses propres règles. Autant le dire tout de suite, si Stéphane Ruffier avait eu autant de talent pour empiler les buts que pour multiplier les arrêts, voilà bien longtemps qu'il aurait monnayé ses talents loin de Saint-Etienne. Il est loin d'être le seul en Ligue 1 et en Europe. Steve Mandanda cherche un nouveau point de chute depuis trois ans, l'excellent Vincent Enyeama est le dernier joueur de classe internationale qu'il reste à Lille, Benoît Costil pourrait rêver d'un club plus ambitieux que Rennes, Hugo Lloris devrait jouer la Ligue des champions chaque saison. Mais ces gardiens, aussi talentueux et décisifs soient-ils, se heurtent à une règle du mercato qui s'étend saison après saison : le marché des gardiens est saturé. Stéphane Courbis, qui s'occupe des intérêts de trois gardiens titulaires de L1 (les frères Carrasso à Bordeaux et Metz, Hassen à Nice), connaît bien le sujet et nous la résume : 
C'est beaucoup plus difficile de finaliser une transaction avec un gardien de but qu'avec n'importe quel autre joueur.
Voici pourquoi. 

1. Un titulaire, c'est tout

D'abord, et c'est mathématique, un club n'a besoin que d'un seul gardien de très haut niveau voire deux quand il possède quatre défenseurs centraux et autant de milieux défensifs et attaquants. "Arsenal se permet d'empiler les attaquants avec Wellbeck, Giroud, Walcott, Alexis Sanchez, Oxlade-Chamberlain mais ne possède que deux gardiens de niveau Premier League", note ainsi Damien Comolli, ancien directeur sportif de Liverpool et Tottenham. Fatalement, les places sont chères pour les bons gardiens de but. L'exemple de l'effectif du PSG est révélateur. Paris possède :
  • Un seul gardien international : Sirigu
  • Quatre défenseurs centraux internationaux : Thiago Silva, Marquinhos, Camara et David Luiz.
  • Quatre défenseurs latéraux internationaux : Maxwell, Aurier, Digne, van der Wiel
  • Cinq milieux défensifs ou relayeurs internationaux : Cabaye, Thiago Motta, Matuidi, Verratti, Pastore
  • Quatre attaquants internationaux : Lucas, Cavani, Ibrahimovic, Lavezzi
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Sirigu en compagnie de Sissoko et Leonardo lors de sa présentation à Paris

Crédit: Panoramic

2. Les clubs ne changent pas de gardien quand tout se passe bien

C'est un principe : lorsqu'il est installé, surtout dans un gros club, un gardien ne bouge plus car il est l'élément stabilisateur. Le poste est trop spécifique, son rôle trop important pour multiplier les mouvements. Une fois qu'un grand club européen a trouvé son gardien, il l'amène jusqu'à sa fin de cycle et comme il a tendance à se bonifier en vieillissant, les places sont rapidement verrouillées parmi la crème de la crème. Les gardiens sont les seuls à pouvoir jouer jusqu'à 38 voire 40 ans sans que leur niveau de jeu n'en soit altéré. Alors, sauf à jouer les doublures, les excellents portiers ont parfois du mal à se faire une place parmi le gratin. Patrick Glanz, agent de Stéphane Ruffier, nous rappelle :
Un gardien doit toujours jouer. Stéphane Ruffier préfère être le roi à Saint-Etienne plutôt que la doublure au Barça.
Quelques exemples de gardiens éternels ou presque dans les grands clubs :
  • Gianluigi Buffon : titulaire à la Juventus depuis 2001.
  • Edwin van der Sar : gardien titulaire de Manchester United de 2005 à 2011.
  • Iker Casillas : gardien titulaire au Real Madrid de 1999 à 2012 et de nouveau cette saison.
  • Victor Valdes : gardien titulaire du FC Barcelone de 2002 à 2014.
  • Petr Cech : gardien titulaire à Chelsea de 2004 à 2014.
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Victor Valdes (barcelone) et Iker Casillas (Real Madrid)

Crédit: Panoramic

 3.Les grands clubs ont valorisé et stabilisé le rôle de gardien

Le poste de gardien de but a longtemps été snobé par les recruteurs. Aujourd'hui, les choses changent et les gros clubs ciblent davantage les profils, se trompent moins et, par conséquence, font confiance beaucoup plus longtemps aux gardiens qu'ils signent. "Les clubs ont pris conscience qu'un très bon gardien rapporte autant de points qu'un très bon attaquant", note Damien Comolli. "Aujourd'hui, les grosses écuries ont de plus en plus recours aux statistiques et l'effort est fait sur le poste de gardien." Les places se sont verrouillées ces dernières années à mesure que les clubs ont pris conscience de l'importance du rôle de dernier rempart et le turnover s'est encore réduit.
  • L'exemple d'Hugo Lloris
Lorsqu'il était directeur sportif de Tottenham, Damien Comolli a tenté de récupérer Hugo Lloris dès 2008. "Nous avions fait des projections par rapport à notre gardien d'alors, Paul Robinson", nous détaille-t-il. "Si nous avions recruté Hugo, il nous aurait rapporté 18 points de plus que Robinson sur une saison. C'est monstrueux." Quatre ans plus tard, les Spurs arrivent à leurs fins. "Aujourd'hui, Tottenham sait que, sans Lloris, il naviguerait au milieu de tableau entre la 8e et la 10e place." Pas question de s'en séparer donc et les Spurs ont prolongé Lloris à un salaire mirobolant qui fait du Français l'un des trois joueurs les mieux rémunérés du club. Une situation rare pour un poste qui reste sous-payé.
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Hugo Lloris lors de Tottenham-Fulham en Premier League 2013/2014

Crédit: AFP

 4.Les clubs prennent moins de risque au poste de gardien

"Quand un attaquant rate une occasion, ça peut faire 0-0, quand un gardien se troue, c'est beaucoup plus embêtant." Le constat est signé Pierre Dréossi. Pour l'ancien directeur sportif de Rennes, il est clair que les clubs ont tendance à moins prendre de risque pour le poste de gardien de but, un poste beaucoup trop exposé pour avoir recours aux expérimentations. "On sécurise le poste de gardien car c'est la base de l'épine dorsale", nous a confié l'ancien patron du secteur sportif en Bretagne. "On ne peut pas le remplacer sauf par une doublure qui, par définition, est moins performante. C'est souvent un jeune du centre de formation, moins expérimenté. Ce poste requiert de la stabilité, il faut du temps pour s'installer. C'est pour cela qu'on préfère toujours faire confiance à son gardien plutôt que de changer." Qui dit poste plus délicat à pourvoir, dit aussi plus délicat à revendre. Un détail qui n'en est pas un pour des clubs de L1 aux finances serrées et un attaquant se revendra toujours beaucoup plus facilement qu'un gardien. Dréossi, qui a recruté Cech, Isaksson et Douchez, conclut :
Quand j'ai recruté Costil qui venait de Ligue 2, on m'a pris pour un fou. C'est complètement inhabituel à ce poste de recruter un joueur peu exposé.
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Pierre Dréossi et Guy Lacombe lors de la présentation de Nicolas Douchez

Crédit: Panoramic

Conclusion :

En clair, un gardien de but ne bouge pas si un autre ne lui a pas laissé sa place dans un autre club. Le marché des portiers est un jeu de chaises musicales et comme les cadors sont bien pourvus et que la fidélité et l'expérience sont des valeurs essentielles à ce poste, Ruffier, Mandanda et tous les autres auront bien du mal à trouver preneurs dans les mois qui viennent.
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