Fin d'une époque et vraie bascule : Luka Modric, plus qu'un adieu au Real Madrid

Des hommes qui comptaient, et qui comptent encore, Luka Modric était un peu le dernier des mohicans. Le dernier d'une époque bénie, l'une des plus fastes du Real Madrid sur la scène européenne. De 2014 à 2018, la Maison Blanche avait décroché quatre Ligue des champions en cinq saisons, prouesse avec laquelle seuls les cinq sacres de 1956 à 1960 pouvaient rivaliser. Iker Casillas, Sergio Ramos, Pepe, Marcelo Cristiano Ronaldo, Toni Kroos et même plus tard Karim Benzema, tous sont partis. Luka Modric va les imiter après n'avoir pas prolongé son contrat avec le plus grand club du monde.

Durant la décennie qui vient de s'écouler, Modric fut de tous les succès madrilènes. Il était là en 2014 quand il partageait encore le milieu de terrain avec Angel Di Maria et Sami Khedira. Deux ans plus tard, le trio qu'il formait avec Kroos et Casemiro s'était installé. Le Croate de 39 ans avait ensuite fait le pont entre deux "équipes" du Real quand celle des grognards de la décennie 2010 avait laissé peu à peu la place à celle de Benzema et les autres. Tout ou presque avait bougé autour de lui mais Modric, lui, était toujours là, assurant une sorte de continuité, se montrant le garant d'une identité, celle des "noches magicas", qui traduisait plus la haine de la défaite que la grandeur naturelle d'une institution.

Même avec Cristiano Ronaldo devant, le pouvoir était partagé dans ces équipes du Real Madrid, la puissance et l'importance du trio de milieu de terrain équilibraient d'un côté l'omniprésence du Portugais qui pesait très lourd de l'autre. Quand CR7 est parti, c'était d'ailleurs de cet entrejeu que naissait la magie madrilène, de là que les succès prenaient leur source. Petit à petit, avec la volonté de Florentino Pérez de renouer avec une forme de "galactisme", les choses ont bougé vers l'avant. Karim Benzema a pris en volume, devenant le 3e Ballon d'Or de cette ère avec Cristiano Ronaldo et… Luka Modric. Plus tard, Vinicius Jr. depuis 2018 et surtout Kylian Mbappé, arrivé en début de saison, ont toujours plus attiré la lumière. 

Le départ de Luka Modric va irrémédiablement accentuer ce phénomène. Si l'on ne sait pas encore de quoi sera fait le mercato du Real Madrid, qui a d'ailleurs d'ores et déjà acquis Trent Alexander-Arnold, on sait par avance que le centre névralgique du onze du futur entraîneur Xabi Alonso se situera en attaque autour du quatuor Mbappé-Vinicius-Rodrygo-Bellingham, avec les avantages et les inconvénients que l'on connaît. C'est une révolution que l'on avait vue venir mais qui va se confirmer avec le départ d'un joueur adulé, respecté, capitaine du club la saison passée.

Le manque de créativité du milieu de terrain madrilène fut criant tout au long de la saison et le départ du génie Modric ne va pas aider. Côté valeurs et héritage, il restera bien (peut-être) Dani Carvajal, lui aussi présent pour tous les succès du Real depuis plus de dix ans, mais le défenseur espagnol ne pèse pas autant que le milieu croate. Il faudra que d'autres, comme Vinicius ou Valverde prennent le relais dans le domaine. 

Le départ de Luka Modric s'accompagne qui plus est de celui de Carlo Ancelotti, l'un des deux entraîneurs avec Zinédine Zidane à avoir fait gagner le plus grand club du monde sur la scène européenne depuis 2014. Battu dès les quarts de finale en C1 cette saison, une première depuis 2020, le Real repartira l'an prochain sur un nouveau chapitre. Sans Modric et donc sans une grande partie de ce qui a fait sa grandeur depuis une bonne décennie.