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Zidane et le Brésil, polémiques en cascade... Mais pourquoi l'Etat ne peut pas pousser Noël Le Graët dehors

Loris Belin

Mis à jour 09/01/2023 à 23:22 GMT+1

Amélie Oudéa-Castéra a beau avoir appelé à demi-mot au départ de Noël Le Graët, la ministre des Sports pourra difficilement obtenir plus d'elle-même. En dépit des dérapages à répétition du président de la FFF, le dernier en date au sujet de Zinedine Zidane dimanche, l'Etat n'a pas les pleins pouvoirs en ce qui concerne les affaires des instances du football français. En voici les raisons.

Le Graët, dérapages incontrôlés : florilège des phrases polémiques

Réaction, action. Amélie Oudéa-Castéra a obtenu ce qu'elle souhaitait, tout du moins en partie. La ministre des Sports avait appelé de ses vœux des excuses de la part de Noël Le Graët, le président de la Fédération française de football auteur de propos nauséabonds, dimanche, à l'encontre de Zinédine Zidane, à l'antenne de RMC. Le dirigeant s'est exécuté, lundi matin, face au torrent de réactions du monde du sport et politique. Le mea culpa est passé. Pour la tempête, c'est une autre histoire. Au point de pousser la ministre à aller plus loin et à conduire Le Graët vers la sortie ? C'est ce qu'elle a souhaité sans véritablement l'affirmer durant sa conférence de presse lundi après-midi. Mais pourquoi Oudéa-Castéra, si offensive par ses propos, ne peut réellement passer à l'acte ?

Quels sont les liens entre la Fédération française de football et l'Etat ?

La FFF est à la fois indépendante et reliée à l'Etat français. Elle est une "association chargée d'une mission de service public déléguée par l'État", une collaboration fixée dans le cadre d'une convention. En clair, l'Etat confère à la fédération française de football des responsabilités pour la bonne gestion du football hexagonal, ses compétitions, ou encore l'équipe de France. La 3F doit de son côté participer aux missions de service public de l'Etat comme la réduction des inégalités, ou encore le "rayonnement de la France".
Comme le rappelait le ministère des Sports lui-même le 16 septembre dernier, après la réception par Amélie Oudéa-Castéra de Noël Le Graët et de la directrice générale de la fédération Florence Hardouin, "plus encore que les autres, la FFF, première Fédération de France avec ses deux millions de licenciés, investie par l’Etat d’une mission de service public pour un sport pratiqué à tous les âges et dans tous les territoires avec ses 15 000 clubs, a un devoir d’exemplarité en matière d’éthique et d’intégrité sportive et sociétale." "Plus encore que les autres", mais pas avec moins de frasques.

Pourquoi la ministre des Sports ne force pas dans ce cas Noël Le Graët à quitter ses fonctions ?

Parce que l'Etat a un droit de regard sur la FFF, pas de vie ou de mort. Amélie Oudéa-Castéra ne dispose pas d'un bouton magique pour déclencher le siège éjectable sur lequel s'est assis tout seul Noël Le Graët. Comme la ministre des Sports l'a exprimé durant sa conférence de presse ce lundi après-midi, elle souhaite et pousse pour un départ du dirigeant de la FFF, mais ne peut l'exiger.
Mettre la pression, c'est le principal levier dont dispose le pouvoir politique sur des dirigeants sportifs. Et l'exemple d'Amélie Oudéa-Castéra est tout sauf isolé. Elle avait déjà dû faire face à une situation similaire il y a tout juste quelques semaines, autour de la Fédération française de rugby, suite à la condamnation de son président Bernard Laporte pour corruption. Son action, entre communiqués et réception de l'intéressé, avait participé à la mise à l'écart de l'ancien sélectionneur du XV de France.
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Affaire Laporte : "Restons unis jusqu’à la CDM... après, on s’étripera en famille"

La dernière crise d'envergure au sein du football français autour de la Coupe du monde 2010 et du fiasco de Knysna avait aussi vu le pouvoir monter au créneau, quand les joueurs de l'équipe de France avaient, eux refusé de descendre de leur bus. Avant que la FIFA ne calme le jeu, notamment auprès de Roselyne Bachelot, alors ministre des Sports.

Y'a-t-il des risques sportifs à cette situation ?

Oui, et s'ils sont à ce stade très peu probables, ils ne sont pas négligeables. La FIFA prend ce type de situation très au sérieux, n'hésitant pas à faire planer au-dessus de l'Espagne d'exclusion de la Coupe du monde 2018, alors que le président de la Fédération espagnole Angel Maria Villar avait été mêlé à un scandale de corruption. Non pas pour les faits retenus eux-mêmes, mais pour l'intervention de l'Etat espagnol dans cette affaire.
Le règlement FIFA, article 14, (alinéa 1. i, pour être précis) mentionne que les associations membres, comme la FFF, ont pour obligation de "diriger leurs affaires en toute indépendance et veiller à ce qu’aucun tiers ne s’y immisce". "La violation de ses obligations par une association membre entraîne (d)es sanctions […] même si l’ingérence du tiers n’est pas imputable à l’association membre concernée." Et le grand pouvoir du football international ne passe pas par quatre chemins pour désigner les possibles responsables, dans son article 15, alinéa c : "garantir l’indépendance et éviter toute forme d’interférence politique".
Ces dernières années, ce point réglementaire a poussé la FIFA à suspendre le Koweït en 2015, ou plus récemment le Tchad et le Pakistan, en avril 2021, privant ainsi leurs sélections et leurs clubs de compétitions internationales.
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Noël Le Graët passe devant le logo de la FFF

Crédit: Getty Images

Qu'est-ce qui pourrait alors contraindre le départ de Noël Le Graët ?

Le cas le plus "évident" serait celui d'une démission de Noël Le Graët de son plein gré, face à la pression publique, mais aussi venant de l'intérieur à l'image de la prise de position de Kylian Mbappé. Face à cette option improbable tant le président de la FFF s'est jusque-là montré inamovible au fil des polémiques, reste encore l'hypothèse d'une prise de décision au sein même du petit monde des autorités du football français. Car si la FFF est indépendante, elle n'est pas non plus sans garde-fou face à d'éventuels problèmes de gestion, comme l'a rappelé Amélie Oudéa-Castéra. "Les fédérations ont des ressorts pour les crises de gouvernance. Le ministère des Sports met en priorité les instances de la Fédération."
Le président de la FFF peut être révoqué de deux manières, qui demandent toutefois plus que l'intervention du Comité exécutif, souhaitée par la ministre. L'assemblée fédérale de la fédération peut "mettre fin au mandat du Comité exécutif avant son terme normal" comme le prévoit l'article 12 des statuts de la FFF. Il faut pour cela qu'au moins "un quart de ses membres représentant au moins le quart des voix" ne convoque cette Assemblée, composée de représentants du football amateur (63% des voix) et des clubs professionnels (37% des voix).
Une procédure disciplinaire peut également être menée en interne et conduire à la radiation de la qualité de membre de la Fédération, comme l'indique l'article 3 de la section 2 des statuts de la FFF. Des poursuites peuvent notamment être menées selon le règlement disciplinaire de la FFF pour "tout comportement contraire à la morale, à l’éthique ou portant atteinte à l'honneur, à l’image ou à la considération de la FFF, de ses Ligues ou Districts, de la Ligue de football professionnel, d’un de leurs dirigeants, d’un assujetti ou d’un tiers, ou, plus généralement, du football français." Deux situations qui réclameraient que le dirigeant de 81 ans ne voit une partie de ses anciens soutiens se retourner contre lui, alors qu'il avait été élu avec 73% des voix à la tête de la FFF en 2021.
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