Grosjean grâce à Boullier

L'exercice du pouvoir dans une équipe britannique n'est pas pour un Français un long fleuve tranquille. Eric Boullier en fait l'expérience depuis qu'il a pris la suite du sulfureux Flavio Briatore, fin 2009, à la tête d'une écurie Renault moribonde, empêtrée dans le scandale du Grand Prix de Singapour 2008. Venu remettre l'équipe en ordre de marche, lui redonner moral et lui tracer un avenir, il a surtout dû convaincre un staff très british qu'un Frenchie pouvait faire le job. Prouver qu'il avait la légitimité technique et la carrure managériale. L'œuvre de persuasion tout juste commencée, il a affronté le scepticisme, la défiance, et finalement quelques frondes dont celle menée par le directeur technique Bob Bell qui ne fut pas la moins violente. Il l'a parmi d'autres invité à exercer ses méthodes ailleurs.

Après de bons résultats en 2010 (une cinquième place au Mondial Constructeurs), 2011 a été marquée par l'accident de Robert Kubica, le recours de moins en moins concluant à Nick Heidlfeld et l'impasse du projet technique d'échappements frontaux, qu'il avait validé. Et puis, il nous l'apprend ce samedi dans L'Equipe, il avait mené dans le même temps un lobbying pour imposer Romain Grosjean. "Il y a tout juste un an, l'équipe était contre mon choix d'éventuellement le remettre dans la voiture", confie-t-il. Le "remettre", car l'espoir tricolore avait eu une expérience aux allures d'improvisation sur les sept derniers Grands Prix de 2009, au sein de l'équipe Renault ; devenue cette année l'équipe Lotus.

Il confirme que la page était "déjà tournée". "Cela s'est finalement joué sur quelques rencontres et sur la chance d'avoir été au bon endroit au bon moment", ajoute l'ex-ingénieur et directeur technique de GP2. Sur la piste, Romain Grosjean a rempli sa part du contrat sportif en survolant le GP2 sous les couleurs de DAMS, et moral en devenant un professionnel organisé et à l'écoute. Ce fut son travail. "Je suis particulièrement exigeant avec Romain et, lors du processus qui a conduit à son retour en F1, j'ai même parfois été très dur avec lui pour m'assurer de sa détermination, car je savais qu'on allait devoir se battre contre des montagnes pour le faire accepter de nouveau dans la discipline. Aujourd'hui, quand je vois ce qu'il réalise en piste et quelle est sa marge de progression, je me dis qu'il a de beaux jours devant lui."

Ouvertement "déçu" du double podium à Bahreïn, Eric Boullier compte sur son champion du monde 2007 Kimi Räikkönen, 2e à Sakhir, pour guider l'équipe. "Cela enlève un peu de pression des épaules de Romain, qui doit encore grandir et passer le cap de la première année, avant d'exploser dans le futur."