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Boullier : "Là pour gagner

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 05/07/2010 à 19:23 GMT+2

Au cours d'un entretien exceptionnel qu'il nous a accordé, Eric Boullier, directeur de Renault F1, nous a expliqué comment l'équipe avait retrouvé la confiance et des résultats en piste, concrétisés par l'excellent Robert Kubica. En attendant que Vitaly Petrov puisse vite scorer régulièrement.

2010 GP de Chine Renault Boullier

Crédit: Renault F1 Limited - LAT

Un peu plus de six mois après l'arrivée de Genii, Renault F1 est redevenue une équipe performante et sans histoire. Dès le départ, votre discours a été très valorisant pour les employés...
Eric Boullier : Le premier constat a été le suivant : une équipe capable d'être deux fois championne du monde et huitième trois ans plus tard ne peut avoir perdu son savoir-faire. On peut deviner là-dessous un problème de management, de confiance, d'organisation tout simplement. Il s'est avéré qu'à 90% c'était ça. L'écurie a été laissée en jachère, elle s'est donc organisée. Mais à un moment, elle a peut-être perdu la motivation, ou l'attention de ses leaders.
Votre profil de technicien, de formateur de jeunes pilotes, chez DAMS puis chez Gravity, vous a sans doute aidé à établir un diagnostic au niveau technique, à écouter les pilotes, tous les membres pour commencer à remettre la machine en route...
E.B. : C'est globalement ça, et c'est même plus large. Il a fallu réconforter, rassurer puis recréer un vrai dialogue, une vraie communication qui partait des pilotes, que l'équipe pouvait écouter, et surtout comprendre pour lui donner toute sa confiance. Il s'est agit ensuite de faire remonter ça dans les bureaux techniques et au niveau de la direction technique. Ça c'est sur ma partie, directement. Ensuite, il y a eu le fait qu'un pilote, très professionnel, très motivé, très travailleur comme Rober, s'est avéré être un vrai boost. Il a poussé très fort dans le sens de ce que nous étions en train d'étalonner. Il a apporté une nouvelle fraîcheur, une nouvelle motivation pour tout le monde. Et puis, l'équipe s'était déjà un peu ressaisie, un peu restructurée. La touche finale a été d'avoir des actionnaires, Genii et Renault, s'exprimant d'une seule voix pour dire aujourd'hui : "Nous sommes là pour du long terme, pour investir, pour gagner des courses." C'est le seul discours que les gens compétents d'Enstone et Viry voulaient entendre.
Genii et Renault se sont bien trouvés dans ce partenariat mais les sponsors ne se bousculaient pas sur la voiture. Quand est arrivé HP, qui a été vu comme un signal fort de confiance dans le projet...
E.B. : Les constructeurs sont plutôt binaires : ils restent ou ils s'en vont. Renault a eu l'intelligence de comprendre qu'il fallait rester en Formule 1, avec un business modèle différent. Le schéma avec Genii permettait de remplir - en tous cas sur le papier -  les conditions imposées par Carlos Ghosn de réduire les coûts et de retrouver une écurie performante. En fait, le schéma s'est avéré beaucoup plus efficace, principalement parce que Renault et Genii ont trouvé des synergies ensemble et se sont parfaitement complétés. L'arrivée de Genii permet d'avoir accès à un porte-feuille complètement différent de celui de Renault, et aussi une communication commerciale complètement différente. Ainsi, Genii peut démarcher des sponsors en proposant d'autres dormes d'accord du sponsorship simple à l'activation de réseaux plus larges que Renault, en incluant Renault.
Robert Kubica a décrit un changement de méthode de travail par rapport aux deux années précédentes.
E.B. : La communication qui s'est instaurée entre Robert et l'équipe technique a forcément formaté légèrement l'approche des week-ends. De nouvelles idées ont été émises, aussi bien par le pilote que par l'équipe technique. Et puis, le fait de progresser a changé l'approche. L'année dernière, l'équipe n'avait pas forcément le matériel pour aller chercher une pole. A présent, nous l'avons, ce qui oblige à verrouiller certaines choses sur la voiture.
L'équiperelève souvent que Robert Kubica a une "éthique de travail". Il fait aussi très peu de fautes en piste...
E.B. : C'est sur ce point là qu'il m'a impressionné le plus. Il n'en commet jamais. Et puis, il est extrêmement "commited" (impliqué) comme disent les Anglais. Il passe beaucoup de temps avec ses ingénieurs. Quand il est présent à Enstone ou sur les circuits, il fait partie intégrante de l'équipe technique. Il est tout le temps avec les ingénieurs, il est présent sur toutes les décisions et il ne lâche pas. Il est impliqué dans toutes les décisions ; c'est ce qui est le plus impressionnant. Quand il met son casque et qu'il sort des stands, nous avons une réponse instantanée sur ce qui a été fait car il est tout de suite dans le rythme, sans commettre d'erreur.
Il ne paraît pas frustré de ne pas avoir le F-duct… Il ne paraît pas se plaindre. Il reste toujours très positif...
E.B. : Il n'est forcément toujours positif ; il n'est pas non plus négatif. En fait, c'est un éternel insatisfait. Même si on avait le F-duct, les pièces dernier cri et qu'on était en pole avec une marge confortable, il pourrait encore avoir à redire après sa performance.
Vitaly Petrov a amassé six points en neuf GP en ayant montré des séquences intéressantes, en étant parfois victime de son inexpérience ou de sa jeunesse. On sent qu'il a du potentiel, mais qu'il doit franchir un dernier palier.
E.B. : C'est exactement ça. Son début de saison n'a pas été mauvais, simplement il faut remettre les choses en perspective : avant le mois de février, il n'avait jamais piloté une F1. Il un vrai statut de rookie, comparé à des garçons comme Hülkenberg ou Kobayashi, qui avaient fait des dizaines de milliers de kilomètres. Sans chercher de fausses excuses, il a roulé sous la pluie lors de cinq de ses sept premiers jours d'essais, et il a été perturbé par des pannes à l'occasion des trois premiers GP. Mine de rien, ça l'a privé d'un kilométrage important. De là, on comprend qu'il n'avait pas tous les atouts en main. Cela étant dit, j'attendais de le voir à Istanbul. A Montréal, il a bien appris la piste puis ça s'est un peu compliqué. A Valence, une difficulté supplémentaire l'attendait puisque nous avions introduit le nouveau fond plat soufflé. Robert a mis le vendredi pour s'adapter, Vitaly le vendredi et le samedi matin. On attend de lui qu'il fasse des week-ends sans faute. C'est primordial. A la régulière, il est capable d'aller chercher un top 10 à chaque qualif. Ensuite, l'expérience fait qu'il est plus ou moins loin de Robert. Je rapprochais son cas de celui de Sutil. Il y a trois ans, ce n'était pas ça. Aujourd'hui, il a atteint une maturité et une vitesse de pointe assez impressionnante et il ne commet plus de fautes. Mais il a mis quelques années pour être au point.
Petrov a surpris en livrant un mano a mano à Hamilton en Malaisie, en doublant Schumacher et Webber en Chine.
E.B. : Avec une bonne voiture, il est parfaitement capable de faire aussi bien qu'un autre. Cependant, il avait peut-être sous-estimé la montée en pression d'un week-end, la quantité d'implication, de concentration et de travail requis peut-être aussi. C'est la raison pour laquelle on va le faire venir habiter en Angleterre, à Enstone, la semaine prochaine (entretien réalisé le 30 juin).
Il a fait de bons départs cette saison mais il a un peu fait une bêtise en tentant de passer De la Rossa dans l'herbe, à Montréal.
E.B. : Vitaly est un compétiteur, il a tenté mais ce n'est pas passé. Effectivement, ce n'était pas une bonne idée.
Renault a progressé de façon méthodiquecomme McLaren et Red Bull, alors que Ferrari s'est laissée distraire par le F-duct et que Mercedes s'est carrément perdue en développement.
E.B. : Quand le F-duct est apparu, tout le monde a regardé ce concept révolutionnaire qui m'inspire le plus grand respect pour McLaren. Mais à cette époque, la voiture la plus rapide en piste n'était pas la McLaren mais la Red Bull, qui n'en avait pas. Nous nous sommes vite aperçus que le concept était difficile à mettre en place. S'il n'est pas pensé dès le design de la voiture, il est très compliqué à réinstaller et, surtout, il n'aura jamais l'efficacité de la McLaren. Avant de se perdre là-dedans, on a décidé de se concentrer sur d'autres moyens et prioritaires.
La R30 est devenue bien mieux équilibrée avec la greffe d'un nouvel aileron avant, lors des derniers essais de pré-saison. Vous avez alors bonifié une base saine en menant un développement agressif...
E.B. : L'an dernier, j'avais été absolument bluffé par la capacité de réaction de McLaren, qui s'était qualifiée 18e avec Hamilton au premier GP et avait fini la saison en pole. C'était assez incroyable. C'est devenu la clé en F1. Comme on ne sait jamais à quoi va ressembler la monoplace de la  saison suivante, il faut développer la monoplace de la saison en cours sur un rythme extrêmement soutenu. D'ailleurs, il ne faut plus parler de rythme "agressif" mais de rythme "normal".
L'objectif est de resigner Kubica…
E.B. : Robert est content d'être chez Renault. Du moins, il a trouvé l'atmosphère qu'il n'y avait pas chez BMW : celle d'un vrai team de course, avec une mentalité de team de course, et en gros ça lui convient parfaitement car sa vie ne tourne qu'autour de la course. Dans un objectif de carrière il souhaite devenir champion du monde, et ça tombe bien car nous aussi. Des rumeurs circulent donc, pour moitié fausses, pour moitié vraies, car nous lui avons donné une exposition maximale cette année, et de ce fait il est devenu convoité. Il ne s'agit pas d'une histoire d'argent ou de signer un contrat de deux ou trois ans, peu importe d'ailleurs. Il s'agit de mettre en place une relation constructive. e l'ai dit plusieurs fois : si Robert veut partir, qu'il parte ! On ne veut pas d'un pilote qui n'a pas envie de rouler pour nous, aussi bon soit-il. Si le pilote a la tête ailleurs, d'autres envies, d'autres ambitions, nous n'en tirerons pas la quintessence. L'intérêt est de construire une vraie relation. L'équipe doit se remettre en cause en permanence -et c'est ce qu'elle fait déjà mais elle doit progresser- et donner à Robert une voiture capable d'aller chercher des poles, et construite autour une équipe d'exploitation en mesure de gagner. De là, nous aurons atteint nos objectifs de remporter le championnat du monde avec Robert ; où avec le pilote N.2. A partir du moment où nous aurons une voiture pour le faire, nos pilotes resteront.
Potentiellement, Räikkönen est sur le marché…

E.B. : Non. Räikkönen n'est pas sur le marché, il fait du WRC.
C'est un champion du monde qui souffre d'une image de pilote peu intéressé par la technique...
E.B. : Faire revenir un champion du monde est un bon moyen de faire parler de la F1. S'il est motivé pour piloter en Formule 1, motivé pour piloter pour Renault -et AUCUNE autre écurie- alors il devient un choix possible. S'il ne remplit pas ces deux conditions, ça ne nous intéresse pas.
Y a-t-il une deadline à propos de Kubica ?
E.B. : Nous n'avons pas de pression particulière. Robert sait ce que nous sommes en train de faire. Ça pourrait vernir rapidement car nous sommes bien avancés dans les discussions.
La réglementation moteur actuelle courre jusqu'à fin 2012. La logique serait que Red Bull en reprennent pour deux ans, d'autant que Mercedes a déclaré ne pouvoir fournir RBR.
E.B. : Il y affectivement une logique à un contrat de deux ans. Nous discutons. Renault est engagé pour le longtemps, et se prépare à la nouvelle motorisation qui entrera en vigueur en 2013. Et Renault a prouvé maîtriser le turbo.
Renault n'a jamais eu de simulateur. En quoi cet outil serait-il pertinent ?
E.B. : Il l'est à double titre. Nous nous en sommes aperçus récemment, en introduisant le fond plat soufflé, qui réclame un pilotage différent. Ce serait très utile pour nos pilotes de passer du temps sur un simulateur pour comprendre l'impact du pilotage avec un "blown floor". Du fait de la limitation des tests, ça peut aussi être intéressant de faire du développement avec le simulateur. Je pense par exemple au F-duct. Le pilote ne serait ainsi pas surpris en l'utilisant la première fois en piste. Et puis, le simulateur serait précieux pour notre programme de jeunes pilotes, qui va s'étoffer.
Pirelli va remplacer Bridgestone l'an prochain. Faut-il craindre une difficulté d'adaptation comme Renault l'a connu en passant des Michelin aux Bridgestone ?
E.B. : Un groupe de travail comprenant un membre de chaque équipe a été constitué pour travailler avec Pirelli. Je pense que, globalement, les caractéristiques vont être proches des Bridgestone. Le groupe a validé une définition technique auprès de Pirelli. Ça nous a donné un cadre de travail.
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2010 GP d'Europe Renault Kubica

Crédit: Renault F1 Limited - LAT

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