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Michael Schumacher, un géant toujours une source d'inspiration

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 03/01/2019 à 12:01 GMT+1

Michael Schumacher a 50 ans ce jeudi. Retraité de la Formule 1 en 2012, un an avant un accident de ski qui l'a laissé très diminué, le champion allemand continue d'exercer une fascination par la somme de ses accomplissements et le professionnalisme dont il faisait preuve.

Michael Schumacher.

Crédit: Eurosport

"Bats-toi encore, exactement comme nous avions l'habitude de le faire sur la piste. Fais-moi plaisir, cette fois, n'essaie pas d'arriver le premier. Tu n'as pas besoin de réaliser le meilleur temps sur cette course, prends le temps qu'il te faudra." Cinq ans après, les mots de Mika Häkkinen, dans une lettre ouverte à son plus grand rival quelques jours après son terrible accident de ski dans la station de Courchevel, résonnent toujours comme un message d'espoir.
Quinze ans après le dernier de ses sept titres, six ans après sa retraite, le champion demeure un repère inaltérable, un exemple pour les jeunes en karting comme les plus grands de la Formule 1 qui cherchent à le côtoyer dans le livre des records. "Michael était un tel génie dans sa façon de faire corps avec Ferrari. Je resterai toujours un fan", a récemment déclaré Lewis Hamilton, Britannique au palmarès cinq étoiles qui lui a succédé chez Mercedes en 2013.
Michael Schumacher et Lewis Hamilton
Michael Schumacher était unique par ses qualités de pilote féru de technique, et le restera par sa réussite hors-normes ; il était sans doute aussi doué qu'Ayrton Senna pour les questions de moteur et qu'Alain Prost pour sa sensibilité au comportement du châssis. Né dans une famille modeste où le karting tenait une place importante, il aura su forcer le destin, accompagner son immense talent d'un insatiable besoin d'apprendre, de maîtriser par le travail les facettes de son métier pour assouvir son ambition. Lewis Hamilton a presque tout dit en évoquant son art du vivre ensemble chez Ferrari, dont il épousa la cause dès son arrivée en 1996. Jamais il ne critiqua la Scuderia en public. Pas mal de pilotes pourraient en prendre exemple aujourd'hui.

Un fédérateur

"Ça commence à faire beaucoup", avait-il simplement lâché après la casse de son V10 dans le tour de formation du Grand Prix de France, en plein développement d'un moteur qui représentait une révolution culturelle et beaucoup d'inconnues techniques pour Maranello. Il n'avait pas choisi la facilité en signant pour les Rouges. McLaren et son motoriste Mercedes lui avaient proposé plus que 25 millions de dollars mais Jean Todt, le patron de la Scuderia, avait su se montrer persuasif. Le double champion du monde savait pour quoi il était là et dans le secret de sa nouvelle équipe, il ne se permettait pas plus de remarques acides. Il avait fait de son approche constructive, en échange de l'engagement total de son équipe, un mode de fonctionnement intangible. Un credo sincère qui le faisait décrire comme un fédérateur.
Après les années d'apprentissage en Endurance chez Mercedes, qui envisageait de débarquer en Formule 1 avec sa propre équipe, il avait gravi tous les échelons chez Benetton à partir des derniers Grands Prix de 1991. Il venait d'écraser le championnat 1995 et il était assuré d'avoir encore avec lui Ross Brawn à la technique et le moteur Renault en 1996. "Je ne comprends pas Michael", avait regretté Bernard Dudot, motoriste en chef chez Renault, en apprenant son ralliement à l'Italie. L'as réclamait juste la reconnaissance de sa valeur et un plan à long terme. Autant de choses que Flavio Briatore était incapable de lui offrir.
Michael Schumacher (Benetton) au Grand Prix de Monaco 1994
Après avoir ouvert le palmarès de Benetton, il aura donc réveillé en 2000 la légende émilienne endormie depuis 1979. Toujours avec la détermination d'un hyper-professionnel. En Angleterre, il avait par exemple obtenu de Technogym, un sponsor de l'équipe, la mise à disposition d'une semi-remorque équipée en bancs de musculation pour s'entraîner à tout moment. Il fallait le voir se précipiter dans le camion technique pour parfaire sa condition physique au moindre temps mort en piste.
Un jour, Damon Hill, sorti en nage d'un Grand Prix, était resté estomaqué devant sa mine aussi fraîche - il ne transpirait pas - qu'au départ. Ça arrivait tout le temps en fait. "Le fitness aide à rester concentré et calme", expliquait Schumi. "Si je peux garder mon rythme cardiaque à 140 pulsations pendant une course, au lieu des 180 des autres pilotes, alors j'ai un net avantage. C'est pourquoi je m'entraîne quatre à six heures par jour. Même si parfois je me sens bien seul dans ma salle de musculation."

"Parfois, c'était terrible d'être l'équipier de Michael Schumacher"

En Italie, on ne tarde pas non plus à constater cette boulimie phénoménale. Au bout d'une journée de test au Castellet, il fonce dans l'obscurité varoise pour boucler le programme de comparaison entre V10 et V12 sur des Ferrari 412 laboratoires (cf. les 15 dernières secondes de la vidéo ci-dessous).
De cette ardeur, il tirait un mental à toute épreuve qui lui faisait minimiser, cacher ses problèmes en course. Il faut bien le dire, il avait son lot comme les autres. Mais cela avait quelque chose de démoralisant pour l'adversaire de ne jamais l'entendre se plaindre. On s'en est rendu compte lors de ses années de partenariat avec Rubens Barrichello. Et avant le Brésilien, Eddie Irvine avait été usé encore plus vite par ce semblant d'immunité qui s'ajoutait à une rapidité insurpassable.
"Parfois, c'était terrible d'être l'équipier de Michael Schumacher, confia le Nord-Irlandais, en 2000. Pas à cause de l'homme, mais en raison de ce qu'il peut faire avec une voiture. Se retrouver face au meilleur pilote de la planète à chaque fois que l'on se met en piste est vraiment stressant. C'est comme partir au boulot en sachant qu'on va se prendre un coup de batte de baseball dans la tête en arrivant…"
Bien sûr, cette assurance à toute épreuve avait aussi de mauvais côtés, qui le conduisaient parfois à l'indifférence face à la critique de pilotes aussi pondérés que Mika Häkkinen. Il fallait sans doute y voir le côté obscur de la force qui sépare le champion du commun des pilotes.
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Michael Schumacher et Eddie Irvine sur le podium du GP de Malaisie en 1999.

Crédit: Getty Images

Hamilton, Verstappen, Vettel, autant d'héritiers

Si Lewis Hamilton clame son admiration pour Michael Schumacher, c'est Max Verstappen qui, d'évidence, fait le plus penser au champion allemand dans certaines de ses attitudes en piste. Schumi était dur, implacable dans ses manœuvres défensives. Les changements de ligne dont il abusait sous la pression avaient d'ailleurs poussé le législateur à intervenir, sans grand succès. Aujourd'hui, le talentueux néerlandais aime tout autant jouer avec la règle et la polémique.
Mais question héritage, Hamilton a peut-être pris le meilleur en faisant preuve du même esprit offensif que le septuple champion du monde dans la conduite de ses courses. Une même capacité à dépasser, une même envie de tenter des coups retentissants. Même si, pour ça, Schumi garde une longueur d'avance pour avoir illuminé le Grand Prix de Hongrie 1998 et le Grand Prix de France 2004.
Il y aurait tant à dire sur l'empreinte de Michael Schumacher dans l'histoire de la Formule 1 et l'épopée sans égale de la Scuderia des années 2000, dans la confiance absolue de Jean Todt pour qui il était presque devenu un fils. Au-delà de ses sept sacres et 91 victoires, il aura surtout tracé le chemin d'une Allemagne conquérante en Formule 1, meurtrie jusque-là par les drames de Wolfgang von Trips et Stefan Bellof. En cela, il fut un modèle puissant, une inspiration inépuisable pour Sebastian Vettel.
De tous les grands, on n'oublie pas Fernando Alonso, qui s'est lui aussi construit grâce à Michael Schumacher. Différemment, et plus par opposition pour tout dire. L'Espagnol était considéré en Formule 1 comme un redoutable "racer", mais il aura échoué au final chez Ferrari, sans avoir jamais su user du même esprit de groupe et de la même force de persuasion. Il restera celui qui aura résisté à l'as de Kerpen pour triompher à Imola 2005 au terme d'une bataille titanesque. Celui qui l'aura fait descendre de son piédestal après cinq titres, et c'est déjà beaucoup.
Avec la retraite de Fernando Alonso, c'est un peu de la Formule 1 des années Schumi qui s'en va. Mais Lewis Hamilton montre à quel point un champion en symbiose avec son équipe peut se couvrir de gloire. Max Verstappen est là pour bousculer l'ordre établi et les légendes, comme Michael Schumacher l'avait fait à ses débuts avec Ayrton Senna. Quant au patient Sebastian Vettel, il continue de vivre secrètement le même rêve que son idole, sacré dans sa cinquième saison avec Ferrari. Mais au-delà de ces pilotes emblématiques, chaque pilote cherche aujourd'hui à être un peu de ce qu'était Michael Schumacher en Formule 1. Et ça devrait durer encore longtemps.
Sebastian Vettel et Michael Schumacher
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