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Mélanie de Jesus dos Santos, l'Amérique comme second souffle

David Lortholary

Mis à jour 27/10/2022 à 18:31 GMT+2

Quadruple championne d'Europe, Mélanie de Jesus dos Santos vient de retrouver la compétition, lors des Internationaux de France, à Bercy. Même si le résultat n'a pas été exactement au rendez-vous, la Française, qui s'entraîne désormais aux Etats-Unis, s'est servie de cette participation comme d'un tremplin en vue des Mondiaux de Liverpool, qui débutent vendredi.

Mélanie de Jesus dos Santos lors des Jeux Olympiques 2020 à Tokyo

Crédit: Getty Images

A 22 ans, la meilleure gymnaste française s'entraîne désormais aux États-Unis et cherche à y donner un nouveau départ à sa carrière. À L'occasion des Internationaux de France à Bercy et dans la perspective des Mondiaux de Liverpool (28 octobre-6 novembre), la quadruple championne d'Europe retrouvait la compétition pour la première fois depuis les Jeux de Tokyo.
"J'ai été très faible sur le mental. Il y avait une ambiance incroyable, on criait mon nom partout. Ça m'a aidée, et en même temps déstabilisée. Un retour à la compétition sur Bercy, c'est beau, mais ce n'est pas facile." Mélanie de Jesus dos Santos ne s'épargne pas. À la sortie d'un week-end en demi-teinte pour son retour à la compétition, fin septembre à Bercy, la Martiniquaise savait : pour flirter de nouveau avec les podiums continentaux voire mondiaux, comme au faîte de ses performances (2017-2021), puis a fortiori pour prétendre à une médaille olympique en 2024, le chemin sera long.
À Bercy, sous les yeux d'un public français bruissant de passion, "DJDS" a été victime de deux chutes dès son premier agrès, aux barres asymétriques. "Je ne sais plus trop gérer mon stress", constatait-elle le lendemain. "Je dois travailler encore et encore sur la confiance. Je n'avais repris l'entraînement que quatre mois plus tôt. Ce n'est pas beaucoup. Mais je n'ai pas d'excuse à me trouver." Sa force de caractère, cependant, l'a guidée, dans la foulée, pour garder l'équilibre sur les 10 cm de large de la poutre.
"C'est un agrès que j'apprécie, qui me met en confiance, décrypte-t-elle. Je me suis dit : 'Mél, c'est ton agrès, fais-toi plaisir.' Certes, il est difficile parce qu'on n'est jamais à l'abri d'une chute. Mais je savais que j'allais réussir. Même si ce ne serait pas forcément propre. Je voulais montrer que j'étais capable de rester sur l'agrès, même après le passage catastrophique aux barres." Elle terminera 6e d'une finale remportée par sa compatriote Marine Boyer.
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Mélanie De Jesus Dos Santos aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020

Crédit: Getty Images

"Avec le temps, je perds de plus en plus confiance"

Après des Jeux en deçà de ses espérances – elle a terminé 11e du général à Tokyo –, la jeune femme de 22 ans a coupé puis changé de perspective. Après une dizaine d'années à s'entraîner au pôle de Saint-Etienne, où elle avait atterri à 12 ans de sa Martinique natale, Mélanie a opté, cette année, pour les États-Unis, auprès d'un couple d'entraîneurs réputé : les Français Cécile Canqueteau et Laurent Landi, désormais mondialement connus pour avoir entraîné la star américaine Simone Biles. Stratégie de moyen et long terme, le temps de se reconstruire un physique et un mental.
"Il faut que je prenne confiance. Les Mondiaux vont arriver vite, il faut que je me mette dedans. Je ne suis pas quelqu'un qui a trop confiance en soi, j'ai même l'impression qu'avec le temps, je perds de plus en plus cette confiance. Mais avec mes nouveaux entraîneurs, le nouvel environnement, je pense que ça va revenir", témoigne l'ancienne protégée d'Éric Hagard, le technicien forézien.
Peut-être a-t-elle besoin, encore, de digérer les Jeux. "Ça reste beaucoup de déception. Je sais que je pouvais largement faire mieux, que je méritais mieux. Mais j'ai fait ce que j'ai pu sur le moment. Il y avait beaucoup de stress, je n'en avais jamais ressenti autant. Il fallait prouver tout ce que je pouvais, tout ce que je valais sur cette compétition. Il fallait que je sois là pour l'équipe, et j'ai tout donné. Mais j'ai eu du mal à penser à moi en même temps et, après, peut-être que je n'avais plus assez de ressources mentales. J'ai toujours eu cette tendance à penser d'abord aux gens, aux autres, en m'oubliant un peu au passage. Il faudrait sans doute que j'apprenne à accepter que, pour aider l'équipe, je dois penser à moi. Que j'accepte d'être un peu égoïste", analyse-t-elle aujourd'hui dans les colonnes du magazine spécialisé Vrille.
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Mélanie De Jesus Dos Santos aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020

Crédit: Getty Images

"Devenir une meilleure version de moi-même"

Après les Jeux, la septuple championne de France a pu participer à la tournée américaine qu'a organisée Simone Biles. "Comme d'habitude, elle a eu des mots gentils, dévoile Mélanie. Les autres filles ont essayé de me convaincre que j'avais du talent et que j'étais légitime au niveau mondial. Cette tournée m'a permis de digérer. Alors que j'ai tendance à gamberger des mois, j'ai pu, là, passer à autre chose." Et décidé de prolonger sa carrière en s'installant donc à Spring, au Texas, pour travailler dans le centre de Biles avec les entraîneurs français.
"J'avais prévu de rentrer en Martinique, de souffler un peu, de couper plusieurs mois avec le haut niveau. J'étais tellement fatiguée mentalement, je ne voulais plus penser à la gym, m'imposer un rythme strict. Mais la tournée a provoqué un élan. Je me suis dit qu'en reprenant, il faudrait voir les choses différemment, avoir confiance en moi. Devenir une meilleure version de moi-même. J'avais besoin de nouveauté mais sans être trop perdue. Cécile et Laurent, c'était le bon compromis. Un bon repère au milieu de tout ce que j'allais découvrir aux Etats-Unis", décrypte-t-elle.
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Mélanie de Jesus dos Santos lors des Jeux Olympiques 2020 à Tokyo

Crédit: Getty Images

"Ils ne réclament pas qu'on entre dans un moule"

"J'avais envie de préparer les Jeux mais autrement, envie de découvrir autre chose, m'amuser. Une carrière s'arrête vite. Si j'ai envie de m'éclater, c'est maintenant. On s'amuse rarement à l'entraînement. C'est studieux. Mais de voir les filles sur la tournée, des championnes qui ne se prennent pas la tête, ça m'a redonné envie. Les Américaines ne voient pas le sport de la même façon, ce n'est pas la même ambiance. Après la tournée, je suis donc rentrée cinq mois en Martinique, puis je suis allée à l'INSEP pour une période de réathlétisation, notamment pour mon genou. Et ensuite seulement, je me suis envolée pour Houston", déroule la jeune femme.
Qui profite, comme elle le pressentait, des qualités relationnelles de ses nouveaux entraîneurs. "Ce sont des gens simples, comme que je les aime. Des pros, très à l'écoute de leurs gymnastes. Ils ne réclament pas qu'on entre dans un moule. Ils sont attentifs, s'adaptent à chaque profil, sont là pour nous aider, nous corriger, mais en laissant de l'espace pour qu'on assume notre projet. Ce n'est pas à nous de répondre à leur méthode mais eux qui s'adaptent à chaque fille", explique-t-elle, confirmant à sa façon la philosophie du couple Landi.
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Mélanie De Jesus Dos Santos aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020

Crédit: Getty Images

"Mon corps m'en a un peu fait baver"

"Plus on me dit de faire, moins j'ai envie de faire. J'avais besoin de ça : qu'on me donne mon programme, mais qu'on accepte que je sache ce que j'ai à faire parce que j'ai grandi. Cécile et Laurent sont évidemment là pour m'aider, me corriger. Mais ils me font confiance. Je ne dis pas qu'Eric et Monique (Hagard, son épouse, chorégraphe et entraîneur spécialisée à la poutre) ne me faisaient pas confiance, mais j'avais le sentiment qu'ils étaient peut-être trop présents, qu'ils n'arrivaient pas à comprendre que je n'étais plus la gym arrivée dix ans plus tôt à Saint-Etienne", juge Mélanie. Qui insiste : "Je m'affirme. M'exiler aux Etats-Unis prouve à quel point j'ai fait ce que j'ai voulu."
D'un point de vue purement gymnique, la demoiselle s'est retroussé les manches. "Je me sens plus en forme, j'ai dépoussiéré toutes mes capacités physiques", avance-t-elle. "Mais ça n'a pas été facile de refaire copain-copine avec mon corps. J'avais arrêté longtemps, je n'avais plus trop de muscles, et encore moins de fond. Je n'en voulais pas à mon corps mais je l'avais laissé souffler et il m'en a un peu fait baver. J'ai un peu galéré. En revanche, techniquement, j'ai réussi à m'adapter. C'est mon point fort", estime la Martiniquaise. Qui, forte de ce nouvel élan, doit avoir les Jeux de Paris 2024 en tête. "Je ne suis pas le genre à me projeter. Les Jeux, c'est encore trop loin", tempère-t-elle pourtant. "J'en ai envie, c'est une évidence, mais je ne veux plus entendre parler de médaille, juste d'être la meilleure version de moi-même, parler de dépassement, ne pas m'interdire de tenter des nouveaux éléments. J'avais cette envie de repartir de zéro (ou presque) pour apprendre, réapprendre. C'est une énorme source de motivation."
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