Onesta, l'homme apaisé

Si la France a concrétisé une domination sans partage sur la scène mondiale, c'est grâce à un homme: Claude Onesta. D'abord décrié, en succédant à Daniel Costantini en 2001, le Toulousain n'a pas eu match gagné d'avance pour imposer ses idées. Et fédérer

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Crédit: Eurosport

Les hommes passent et les exploits restent. Mais si une seule individualité devait rester, ce serait Claude Onesta. En place depuis 2001, le sélectionneur de l'équipe de France a fait triompher les Bleus dans leurs différentes quêtes : championnat d'Europe en 2006, médaille d'or olympique en 2008 et championnat du monde cette année. Un succès total pour cet homme au tempérament de feu. Et pourtant, le cours d'eau suivi par ce Toulousain n'a pas été un long fleuve tranquille. Mais il faut dire que prendre le relais de seize années d'un empire incontesté fondé par Daniel Costantini pouvait être synonyme de chemin de croix. Mais le challenge était là : il y a maintenant près de huit ans, cet ancien joueur de Toulouse a laissé l'entraînement des "Spacer's" pour se détacher du confort de la ville rose et se lancer dans la bataille noire et "galactique" du haut niveau international.
Un parcours semé d'embûches pour cet ancien professeur de sport, qui débarque en 2001 au sein d'une équipe auréolée de deux titres de championne du monde en six ans. "On dit toujours que le handball est un sport de profs de gym. Cela a ces mérites. Nous avons la culture de la formation et de l'apprentissage. On s'est construit par le travail chez les plus jeunes." Le géant Costantini a laissé derrière lui une équipe forte de cinq médailles internationales, qui a fait ses preuves dans toutes les compétitions à partir des J.O. de Barcelone en 1992. Sa pierre angulaire est le championnat du monde, qui aura souri quatre fois aux Bleus, dont deux plus singulièrement en 1995 en Islande et en 2001 en France, le point d'orgue de l'ère Costantini. Mais son tendon d'Achille restera finalement le championnat d'Europe. Une montagne qu'Onesta a mis cinq ans à gravir, avant de faire mieux en glanant un nouveau titre mondial, cinq mois après le gain du premier titre olympique suprême.
2005, l'année de tous les risques
La délivrance est venue du championnat d'Europe remporté par les Bleus voilà trois ans. Onesta a vu cinq années de labeur récompenser pendant lesquelles il a imposé sa méthode, sa vision du jeu, sa façon de mener une équipe. Si la critique a été dure avec lui, la chance n'a pas été tout de suite au rendez-vous, l'effectif rêvé ayant du mal à prendre forme en raison des blessures et infortunes diverses. La dure réalité du haut niveau est prise en pleine figure en 2002, où les Français, champions du monde, échouent à la 6e place de l'Euro, et se poursuit avec la perte de leur titre mondial en 2003. Une médaille de bronze viendra pourtant sécher une amertume lacrymale. Mais 2004, sa pire année au sein de l'équipe de France, laissera une plaie ouverte. Car pour ne pas être critiqué en mal, il faut des résultats. Et ceux-ci bouderont le Toulousain avec véhémence avec une 6e place européenne et surtout un 5e rang olympique à Athènes.
Le Mondial de l'année suivante sonnera alors comme le dernier événement à ne pas rater pour un Claude Onesta au bord de la rupture. Mais c'est son amour des joueurs qui le sauvera d'un mauvais pas. La relation forte qu'il entretient avec ses "héros" permettra de fédérer une équipe à la hauteur de l'événement. C'est à ce moment-là qu'il réussit à rappeler Guéric Kervadec, Gregory Anquetil et Jackson Richardson, partis à la retraite fin 2004. "Ma relation avec les joueurs est basée sur la confiance, l'intelligence, la responsabilité. Je suis ravi d'avoir réussi avec des gens que j'aime et avec ma méthode." Car tout le monde écoute Claude Onesta. Manager, plus qu'entraîneur, c'est lui qui fait encore appel à Joël Abati pour remplacer Didier Dinart lors du Mondial croate. Et même si le vétéran, parti à la retraite, pense à une blague, celui-ci ne s'est pas fait prier pour revenir prêter main forte.
"On avait préparé le scénario de la finale"
C'est cette alchimie réussie entre "anciens" et "nouveaux" qui sauve la tête de Claude Onesta en 2005 et qui perpétue la force française encore aujourd'hui. C'est là sa vraie victoire. Ce qu'il accomplit cette année-là marquera le début de son apogée. Qui prendra forme définitivement en 2006 dans le succès dans un championnat d'Europe jamais dompté auparavant. Si cette victoire est d'abord celle de ses hommes, qui ont su rebondir après la claque reçue face à une Espagne alors championne du monde au premier tour (26-29), ce sera celle de sa méthode. Celle qui revendique haut et fort depuis son accession au poste de sélectionneur. "Quand on arrive au bout, cela prouve que vos idées ont un peu de sens", lancera-t-il, sourire aux lèvres, à l'issue de la finale vengeresse remportée face aux mêmes Espagnols (31-23). "Il n'y a pas plus grand plaisir pour un entraîneur de comprendre que ses idées ont été validées dans les actes par les joueurs" , avouait-il même après la rencontre. La rançon du succès ? Claude ne s'en cache pas : "On pose de plus en plus de problèmes à nos adversaires. Le jeu rapide est devenu l'une des armes de l'équipe de France. J'ai vu les plus beaux joueurs du monde se décomposer devant nous. Ils ne voulaient plus y aller. Même le génie croate, Ivano Balic, n'avait qu'un souci : se débarrasser au plus vite du ballon..."
En Croatie, comme ailleurs, le harcèlement de ses joueurs dans tous les compartiments du jeu a payé, permettant à la défense française (organisée autour de Jérôme Fernandez, Didier Dinart et Nikola Karabatic) d'être crainte et à l'attaque de prendre ses aises. A l'image de l'une des valeurs montantes, Luc Abalo, l'ailier de Ciudad Real, ancien d'Ivry pur produit Onesta, qui a excellé dans l'art du contre. Ou celle plus affirmée de Michael Guigou sur l'aile opposée. Ou encore de Daniel Narcisse, principal force de frappe française. "Je ne veux pas paraître prétentieux, mais on avait préparé le scénario de la finale. Dans un tel environnement, il ne fallait surtout pas prendre les devants trop vite au risque de réveiller le public. Être sérieux et patient d'abord, on savait qu'ensuite notre défense et notre solidarité feraient la différence." Un signe de la réussite flagrante du sélectionneur tricolore, qui trouve enfin la reconnaissance qu'il mérite, sans qu'il la revendique pour autant à titre personnel. "Avec des joueurs de ce talent les choses paraissent plus simples. C'est un résultat majeur pour le sport français."
Aujourd'hui, avec tous les titres internationaux en poche, il serait légitime de penser que l'ère Onesta va prendre fin sur deux victoires en apothéose. Comme Daniel Costantini en 2001 ? Pas du tout. Il n'est pas prêt de s'en aller. Dans un rôle de manager, plus qu'entraîneur (ce rôle étant réservé à Sylvain Nouet), Claude Onesta est désormais investi dans une mission de gestion des relations humaines... Ce métier qui lui a permis de surmonter le chagrin d'avoir perdu son père en début d'année. Un rôle que la Fédération ne peut qu'apprécier à sa juste valeur pour éviter de voir partir un sélectionneur, aussi bougon que passionné. "M'arrêter ? Non... même si j'ai tout gagné, je prends un tel plaisir à vivre au sein de cette équipe que je ne veux pas que cela s'arrête. Il y a des choses à accomplir, des matches à gagner. Je vise le prochain Championnat d'Europe avec une envie intacte."
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