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Omeyer : "Quand tu atteins une certaine plénitude, le poste de gardien devient presque facile"

Laurent Vergne

Mis à jour 29/10/2020 à 11:46 GMT+1

Dans son autobiographie qui vient de paraître, intitulée "Chaque but est une défaite", Thierry Omeyer revient sur son parcours. Jeune retraité, l'ancien gardien de but de l'équipe de France a accepté pour nous de feuilleter quelques pages de son incroyable carrière en ouvrant sa boîte à souvenirs. De ses débuts à la consécration olympique, de Kiel à Paris, un voyage dans le temps et l’espace.

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Crédit: Eurosport

Le plus grand match de sa carrière

"C'est difficile d'en ressortir un, mais si je tiens compte de l'enjeu, du contexte, du prestige, forcément, c'est la finale des Jeux Olympiques 2008. Parce que ce sont les Jeux, c'est ma première finale et c'est le match que tout sportif rêve de jouer un jour. Puis c'est un match où je réussis 19 arrêts, pratiquement 50% de réussite.
Il y a aussi la demi-finale des Jeux de Londres en 2012, contre la Croatie. Je le mettrais presque à égalité. Ce jour-là, je suis dans un état de plénitude, je sens que je mets en échec les tireurs adverses, il y a 12000 personnes dans les tribunes dont beaucoup de supporters français. Quand tu atteins une certaine plénitude, le poste de gardien de but devient presque facile.
Entre ces deux matches, mon cœur balance, mais ça ne peut être qu'un match aux Jeux. Parce que faire trente arrêts sur un match de championnat, ça n'a pas le même impact que sur un match couperet aux Jeux. Le titre olympique, il n'y a rien au-dessus. C'est quelque chose de tellement fort. 2008 et 2012 sont indissociables pour moi.
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Thierry Omeyer avec sa médaille d'or à Pékin, en 2008.

Crédit: Getty Images

Son arrêt le plus marquant

"Un match, c'est déjà dur, mais alors un arrêt... Je n'ai pas souvenir d'un arrêt que j'aurais réalisé à la dernière seconde dans un très grand match pour sceller le sort de cette rencontre. En revanche, le premier arrêt de la prolongation en finale du Championnat du monde 2011 contre le Danemark était très important.
Pendant 20 minutes, sur la fin du temps règlementaire, je ne fais plus un seul arrêt. Je rentre aux vestiaires, je me sens coupable. Je me dis que si on n'est pas champions du monde, c'est ma faute. J'ai pris ce dernier but à cinq secondes de la fin alors que j'aurais dû l'arrêter. Je m'en veux, je ne suis pas bien.
Mais là, dans le vestiaire, je sens la confiance du staff et de mes coéquipiers. Quand la prolongation débute, je fais tout de suite un arrêt, on marque dans la foulée puis j'en sors un autre devant Mikkel Hansen. Ce ne sont pas deux arrêts énormes techniquement, mais ils comptent parce qu'ils ont influé sur le résultat."
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Thierry Omeyer dans ses oeuvres lors de la finale du Mondial 2011.

Crédit: Getty Images

Son plus grand regret

"Honnêtement, je ne peux pas dire que j'ai un regret. Je ne changerais rien à ma carrière. Il y a eu beaucoup de titres, beaucoup de joies, des superbes aventures humaines. Bien sûr, il y a la finale de Rio en 2016, où on rate le triplé olympique. Elle a été dure à encaisser.
Mais ça montre aussi à quel point il est difficile de gagner, ça donne d'une certaine manière de la valeur à toutes les finales que nous avons pu gagner toutes ces années. C'était une énorme déception sur le coup, mais je ne peux pas parler de regret. Ma carrière, elle n'est pas parfaite, parce qu'il y a eu des échecs et des moments difficiles, comme les Jeux d'Athènes en 2004, mais ils m'ont construit aussi. Sans ces déceptions-là, il n'y a pas tous les titres derrière. Tu en as besoin. Le sport, sans échec, ça n'existe pas."

Le gardien qui l'a le plus influencé

"J'ai grandi en puisant chez les plus grands. Je me suis inspiré de trois grands gardiens, de trois écoles différentes : Mirko Basic, Tomas Svensson et Andrei Lavrov. Lavrov est LA référence puisqu'il est le seul handballeur à avoir été triple champion olympique. Lui, c'est pour sa longévité que j'ai beaucoup puisé dans sa carrière. Basic, c'est vraiment l'école yougoslave classique. Pour les tirs de près et les tirs venus de l'aile, il était vraiment celui qu'il fallait regarder. Quant à Svensson, c'était plutôt sur les tirs en défense 6-0 qu'il était le meilleur.
Je me suis vraiment beaucoup inspiré des trois. Ils m'ont fait rêver quand j'étais jeune. Mais c'est même allé au-delà du handball. Je suis un dingue de sport en général, et j'aimais beaucoup regarder attentivement les sports où il y avait un gardien de but. Le foot, le hockey sur glace... Même si les techniques sont différentes, dans l'approche mentale, il y a des similitudes. La façon de réagir après avoir encaissé un but, la façon de se comporter globalement. Tout ce qui pouvait m'être utile, j'ai essayé de m'en inspirer et de le reproduire."
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Andrei Lavrov, la légende russe.

Crédit: Getty Images

La plus grosse ambiance dans laquelle il a joué

"Tous les matches à Kiel ! Non, sérieusement, c'est peut-être la finale de la Ligue des champions 2010, avec Kiel, justement. Le premier Final Four de l'histoire. En finale, on est mené de 6 buts par Barcelone à 20 minutes de la fin et on arrive à gagner. Les 15 dernières minutes, c'était dingue.
Le Final Four était à Cologne mais il n'y avait que des Allemands dans la salle et comme Kiel était la seule équipe allemande présente, c'est comme si on avait joué à domicile. Sur 19500 personnes, il y en a peut-être 500 qui ne sont pas derrière nous. Tout le dernier quart d'heure, toute la salle est debout. Le public nous a vraiment permis d'aller chercher ce match, de le retourner. L'ambiance était vraiment extraordinaire.
En termes d'ambiance, c'est mon souvenir le plus fort. Mais il y en a d'autres. Quand on bat Pampelune avec Montpellier à Bougnol en 2003 (en finale de la Ligue des champions, NDLR), c'était quelque chose aussi. Ou même à Coubertin. Le quart de finale de Ligue des champions contre Kielce en 2019, où on perd de 10 buts à l'aller avant de gagner de 9 buts au retour chez nous. Malheureusement, nous ne sommes pas allés au bout de l'exploit, mais je n'avais jamais vu Coubertin comme ça. C'était indescriptible alors qu'il n'y avait que 3500 spectateurs. Mais ce n'est pas le nombre qui fait la qualité de l'ambiance.
J'adorais jouer ces matches-là, y compris quand on était à l'extérieur, dans une ambiance hostile. Mais j'aimais ça. Il n'y a rien de mieux. Quand tu joues une finale de Championnat du monde en Croatie, contre la Croatie, tu sens concrètement que tout un pays est contre toi. Mais c'est fantastique."

La personne dont il a été le plus proche dans sa carrière

"C'est dur ce que vous me faites (rires). Bon, forcément, j'ai été pendant 15 ans le compagnon de chambrée de Jérôme Fernandez. Il m'a supporté pendant ces 15 ans ! Je pense qu'à une période de nos vies, on se voyait plus qu'on ne voyait nos propres femmes quand les stages et les compétitions s'enchaînaient. Les années olympiques, notamment.
Jérôme a eu du mérite, car je n'étais pas forcément facile à vivre, surtout à l'approche des matches, avec ma préparation plus individuelle. J'avais toujours besoin de m'isoler. Certaines veilles de match, je n'étais pas vraiment dans l'échange avec mon partenaire de chambre. J'étais dans ma bulle, ou sur mon ordinateur, mais je ne parlais pas."

L'adversaire qui lui a posé le plus de problèmes

"Lars Christiansen. L'ailier gauche danois. En tout cas au début de ma carrière, il m'a posé d'énormes problèmes, et j'ai en partie réussi à le mettre en échec plus tard, ce qui est une fierté. Sur une de mes premières sélections avec l'équipe de France, en 1999 je crois, je ne le connaissais pas, il arrive, il vient tirer avec un mètre d'angle.
Je suis bien collé à mon poteau. Je pensais que la balle allait sortir en touche, ce n'était pas possible autrement. Elle rebondit juste à mes pieds et avec l'effet, le ballon a fini dans la lucarne. J'ai compris que j'arrivais à un niveau de jeu où j'avais encore pas mal de choses à apprendre.
Je l'ai beaucoup joué quand il était à Flensburg et que j'avais signé à Kiel. On a dû s'affronter une vingtaine de fois dans le derby. Sans parler de la sélection. A la fin, j'ai parfois réussi à prendre le dessus sur lui. J'ai aimé ce duel."
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Lars Christiansen avec le Danemark.

Crédit: Getty Images

La parole d'entraîneur qui l'a marqué

"Je me rappelle d'une phrase de Daniel Costantini à mes débuts en équipe de France. Je n'ai plus les mots exacts en tête mais c'était quelque chose comme : "Tu te livres trop tôt. A ce niveau-là, si tu donnes une information trop tôt, l'attaquant adverse va changer son tir." Ça m'a accompagné toute ma carrière après. J'ai toujours gardé en tête de retarder ma parade au maximum à chaque fois.
Aujourd'hui, il y a des gardiens qui sont davantage dans l'anticipation, moi j'ai toujours été un gardien qui voulait donner la solution au tireur le plus tard possible. Ça a contribué à définir le gardien que je suis devenu. Donc cette phrase de Daniel Costantini, elle a compté. Lui savait ce qu'était le haut niveau. Moi non, j'étais au haut niveau, mais encore en construction.
Mais tous les entraîneurs que j'ai eus m'ont un jour ou l'autre donné un conseil qui m'a aidé. Même si je ne le comprenais pas forcément tout de suite. Parfois, tu écoutes, tu as l'impression que ça ne t'apporte rien. Mais tu le mets de côté et un moment ou un autre, tu es confronté à la situation. Alors ça fait tilt. Ça pouvait être un truc tout con mais je finissais toujours par me rendre compte que c'était important.
L'autre phrase forte, c'est celle de Claude Onesta, qui m'a dit : "Je veux voir le Titi Omeyer de Kiel en équipe de France." J'avais pris une nouvelle dimension à Kiel, j'ai appris de nouvelles choses, encore progressé. Mais lui trouvait que ça ne se traduisait pas assez en sélection. A l'époque, il commentait parfois la Ligue des champions, donc il m'avait observé à distance et il avait le sentiment de voir un autre Thierry Omeyer. Je ne sais plus avant quelle compétition il m'avait dit ça, avant les Jeux de Pékin je crois. Je l'avais pris comme une marque de confiance, pas comme une critique."
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Claude Onesta avec Thierry Omeyer en finale des Jeux Olympiques 2016

Crédit: AFP

Thierry Omeyer – Chaque but est une défaite – Editions Marabout
Thierry Omeyer - Chaque but est une défaite.
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