Jeux Olympiques | Paris 2024 | La baignade dans la Seine, histoire d'une promesse pas encore tenue

Julien Pereira

Mis à jour 27/03/2024 à 12:07 GMT+1

De Jacques Chirac à Anne Hidalgo, tous ont fait la promesse d'aller se baigner dans la Seine. L'approche des Jeux Olympiques de Paris 2024, dont certaines épreuves doivent se dérouler dans le célèbre fleuve, a rendu le défi envisageable. Mais ce fut, longtemps, une mission impossible. Voici pourquoi, dans le premier épisode de notre série consacrée à la baignade dans la Seine aux JO.

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C'est un engagement dont les plus de trente ans se souviennent parfaitement. Le 15 mai 1990, dans une émission de la chaîne que l'on appelait encore FR3, Jacques Chirac réitérait une promesse formulée deux ans plus tôt, alors qu'il était candidat à sa propre succession à la Mairie de Paris : "On peut rendre un fleuve propre, avait-il insisté. Et j'ai d'ailleurs indiqué que dans trois ans, j'irai me baigner devant témoins dans la Seine pour montrer qu'elle est devenue un fleuve propre."
La suite, vous la connaissez : celui qui est devenu président de la République n'a jamais trempé un orteil dans le cours d'eau le plus célèbre de France. Et sa tout aussi célèbre tirade est devenue l'un des symboles des belles paroles politiciennes. Il fallait beaucoup plus que quelques bons mots distillés à la télévision pour pouvoir relever le défi et lever une barrière quasi centenaire. Depuis 1923, en raison des dangers causés par la navigation et la pollution, toute baignade dans le fleuve est proscrite (hors dérogation), sous peine d'amende.

Un mélange d'eaux usées et d'eaux de pluie

Aux XVII et XVIIIe siècles, pourtant, il n'était pas rare que les hommes et les femmes se jettent à l'eau, parfois dans le plus simple appareil. Mais l'interdiction est apparue inévitable lorsque Paris est devenue la ville que l'on connaît aujourd'hui. "Le réseau d'assainissement parisien est hérité de la période haussmanienne, sous Napoléon III, nous raconte Samuel Colin-Canivez, responsable des grands travaux de ce même réseau. Ce système est assez unique. Il a la particularité d'être unitaire, c'est-à-dire que les eaux usées, lorsque vous prenez votre douche ou que vous tirez la chasse d'eau, finissent dans le même égout que les eaux pluviales."
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La baignade dans la Seine, histoire d'une promesse pas encore tenue

Crédit: Quentin Guichard

La capitale d'un peu plus de deux millions d'habitants à l'époque est devenue une mégalopole quatre fois plus peuplée. Les bâtiments ont poussé comme des champignons. Et la consommation d'eau a explosé. "Lorsqu'il ne pleut pas, le réseau fonctionne sans difficulté, explique le spécialiste. Mais en cas d'épisode pluvieux, il y aurait pu y avoir un risque de débordement des eaux usées dans la ville. Ce risque-là a été anticipé par le concepteur du projet, qui avait prévu des déversoirs d'orages directement dans la Seine. Ainsi, pour éviter une saturation lors des épisodes pluvieux, un mélange d'eaux usées et d'eaux pluviales non traitées se déverse directement dans la Seine."
À l'époque, l'écologie n'était pas un enjeu majeur. Faire trempette, encore moins. Le réseau d'assainissement parisien a donc largement participé à rendre le fleuve impropre à la baignade. Les matières fécales déversées dans les eaux usées contiennent des bactéries nocives pour l'homme : les escherichia coli et les entérocoques. Lorsqu'elles sont présentes en trop grande quantité dans l'eau, elles peuvent provoquer des nausées, des vomissements ou des gastro-entérites.

La Seine, une rivière déguisée en fleuve

Et si la Seine en regorge, parfois, après les longs épisodes pluvieux, c'est aussi parce qu'elle est n'est pas tout à fait un fleuve comme les autres. "Son débit est relativement bas, détaille Samuel Colin-Canivez. C'est un fleuve parce qu'elle se jette en mer. Mais d'un point de vue hydrologique, c'est une rivière. Si vous la comparez au Rhône, par exemple, c'est un petit cours d'eau. Et donc sa vulnérabilité est très grande." Le débit du fleuve parisien est, en moyenne, trois fois inférieur au Rhône. Pas de quoi faciliter son assainissement.
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Voilà pourquoi Jacques Chirac n'a pas tenu sa parole. Certains de ses successeurs, comme Bertrand Delanoë, ont aussi touché les limites de leur volonté de rendre la Seine accessible aux nageurs. Jusqu'à ce que la capitale hérite de l'organisation des Jeux Olympiques. Et que la promesse devienne un immense défi, avec une date butoir et une exigence élevée.
Au total, 1,4 milliard d'euros ont été dépensés dans un "plan baignade", dont l'objectif est de permettre l'organisation des épreuves de natation marathon, de triathlon et de para-triathlon dans la Seine cet été (26 juillet au 11 août) et l'ouverture au grand public l'année suivante. En l'espace de quelques jours, Anne Hidalgo, maire de Paris, et Emmanuel Macron, président de la République, ont eux aussi annoncé qu'ils se baigneraient dans la Seine. En sachant pertinemment qu'ils devront, cette fois, lier les paroles aux actes. Preuve que la confiance est grande, et que la mission n'a jamais été aussi proche d'être accomplie même si elle fut difficile, parfois pénible. Et que le chemin est encore long...
(Visuels : Quentin Guichard)
Retrouvez tous les épisodes de notre série consacrée aux épreuves et à la baignade dans la Seine :
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