MMA : Manon Fiorot, et si c'était elle, la première championne de l'UFC français ?

Quand certains s'exportent aux Etats-Unis, ou préfèrent les immenses salles françaises au style post-industriel, Manon Fiorot a choisi la Côte d'Azur, la promenade des Anglais de sa Nice natale et l'intimité du Boxing Squad. Peu de grands médias s'y aventurent. Une salle sans prétention, mais un concentré de talent et de savoir-faire made in Hexagone. Une ambiance entre professionnels aguerris, amateurs prometteurs et surtout, Fiorot. De quoi faire de belles bagarres entre copains à l'entraînement. Parfois des "bonnes guerres", sourit l'Azuréenne.

Elle occupe actuellement le deuxième rang du classement des poids mouches de l'UFC, la plus grande organisation mondiale de MMA. Samedi 2 septembre, elle aura rendez-vous avec son histoire à Bercy, pour la deuxième édition de l'UFC Paris. Elle affrontera une légende du MMA féminin, Rose Namajunas. En cas de victoire, la marche suivante, c'est le combat pour la ceinture. Potentiellement la première de l'histoire remportée par un Français, hommes et femmes confondus. Mais ne lui parlez pas de pression. "Je combats à l'UFC, il y a toujours une pression. C'est juste un step de plus", jure la Niçoise.

Et puis, au-delà même de l'objectif final, Manon Fiorot se prépare pour ce qui est, techniquement, le plus gros combat jamais organisé sur le sol français. "Ca va faire un gros gros combat, Rose c'est une grosse star, soupèse-t-elle. Moi je suis numéro 2 de ma catégorie, on n'a jamais eu un combat comme ça ici en France". Une opposition de qualité se profile. Alors, en amoureuse de la castagne, elle savoure : "Mon but c'est d'affronter les meilleures. Ce combat est aussi intéressant que celui pour la ceinture, je vais prendre du plaisir".

Son père, qu'elle a perdu dans son adolescence, lui a transmis le goût du combat. D'abord parce qu'il était un pompier à la condition physique irréprochable, aussi parce qu'il a pratiqué la lutte a un certain niveau. Enfin, car c'est lui qui l'a inscrite au karaté quand elle avait sept ans. Histoire de canaliser une gamine casse-cou, souvent perchée sur un skate-board, ou une hauteur à escalader, ou les deux.

Avec des qualités athlétiques au-dessus de la moyenne dès le départ, elle commence un long parcours dans le sport, avec des étapes kickboxing et même snowboard, jusqu'à remporter les championnats du monde amateurs de MMA en 2016. Avec, en chemin, la rencontre d'Aldric Cassata, devenu son entraîneur, manager et mari. De quoi faire d'elle une "combattante complète", selon les mots de l'intéressée.

Côté mental, dans la cage, elle se décrit comme "agressive", capable de "combats spectaculaires, avec beaucoup de rythme". Elle jure d'ailleurs qu'elle essaye "toujours de finir avant la limite". Forcer l'arbitre à la séparer de son adversaire tant elle fait pleuvoir les coups (un technical knock out dans le jargon), a longtemps été sa marque de fabrique. Sur ses sept premières victoires, six T.K.O. Bien plus que la moyenne de finition des combattantes féminines de l'UFC.

Ses trois dernières apparitions se sont soldées par une victoire à la décision des juges. Une façon de gagner qui "n'a pas totalement le goût de la victoire". "Je ne suis pas satisfaite, rage-t-elle. J'espère repartir sur une série de K-O à l'UFC Paris". Des résultats frustrants, la faute à un Covid surprise et un genou récalcitrant, dont les ligaments croisés se sont rompus en plein combat en octobre dernier. Ce qui ne l'a pas empêchée de l'emporter d'ailleurs.

Une blessure qui l'a forcée à s'arrêter et soigner enfin un genou qui la gêne depuis ses débuts. "Je peux faire de nouvelles choses et je m'entraîne sans douleur, savoure Fiorot. Je peux faire beaucoup plus de choses en lutte et en grappling (phase de combat au sol fait de soumissions) et je prends plus de plaisir. Il n'y a plus d'appréhension."

Aldric Cassata va même encore plus loin : "Sa blessure a fait du bien au niveau moral et physique. Il y a plus d'implication de sa part, je la vois en recherche de perfection. La pause forcée a fait énormément de bien. C'est la meilleure Manon Fiorot que j'ai jamais vu".

Un style plaisant, un retour en forme, une ceinture historique qui se profile… Son surnom, "the beast", ne semble jamais avoir été aussi bien porté. Pourtant, avant de commencer la lecture de ces lignes, il y a fort à parier que vous ne connaissiez pas encore son nom si vous ne suivez pas le MMA de près. La star de l'UFC Paris, ce sera bel et bien Ciryl Gane, qui sera un des deux protagonistes du combat final.

"Ciryl a accompli plus de choses que moi, il a obtenu une ceinture intérimaire, fait deux combats pour le titre, je n'ai pas fait tout ça, détaille Fiorot, sans la moindre aigreur. C'est normal qu'il soit plus mis en avant". Sur le sujet, la Niçoise a réponse à tout. L'exposition ne correspond pas avec son talent ? "Je préfère même attendre la ceinture pour être mise en lumière, je n'en ai pas besoin avant. Ça me va comme ça, j'ai des sponsors. Tout va très bien", rassérène-t-elle.

Les critiques pleuvent sur le manque d'homogénéité chez les combattantes ? "Forcément, on est moins nombreuses, donc c'est compliqué d'avoir des catégories avec beaucoup de haut niveau, expose-t-elle. Les fights intéressants sont souvent entre membres du top 5. Si je peux inspirer des filles à faire du MMA c'est tant mieux". Pas un mot plus haut que l'autre envers l'UFC et le traitement de ses combattantes qui a pu laisser à désirer par le passé. Nada, niet.

Et quand elle n'est pas respectée sur les réseaux sociaux, parce qu'elle est une femme justement, elle préfère laisser couler. Récemment, un youtuber adepte de musculation au physique impressionnant a émis des doutes sur les capacités de la championne à le surpasser dans le domaine du grappling, quand bien même il est débutant en la matière.

Ce à quoi Aldric Cassata n'a tout de même pas pu s'empêcher de répondre, sur Twitter. "Ce n'est pas le coach qui a répondu, c'est le mari, explique-t-il. Le mari qui n'aime pas qu'on critique sa femme par rapport à l'investissement, la fatigue, et le travail qu'elle met tous les jours. Pour que les blagues misogynessoient mises de côté par rapport au travail que fournit ma femme tous les jours".

Un peu comme quand la France remporte une Coupe du monde de foot, et que le nombre de gamins licenciés à la FFF explose la saison suivante, Manon Fiorot espère que remporter une ceinture à l'UFC "poussera plus de filles à s'inscrire au MMA". Ce qu'elle doit inscrire samedi 2 septembre, elle, en revanche, c'est le nom de Rose Namajunas à la liste des excellentes combattantes qu'elle a vaincues. Une victoire à Paris, après une entrée sur une musique de Rohff, qui ne devrait trop dépayser les travées de Bercy, serait une véritable ode à La Puissance.