MOTOGP - Pourquoi la nouvelle procédure "flag-to-flag" pose encore problème

La mascarade ne pouvait plus durer. Trois semaines après les divers incidents survenus dans les stands du Grand Prix de République tchèque, une nouvelle procédure de changement de moto a été testée, sans qu'elle ne fasse l'unanimité à la suite d'une concertation entre la commission de sécurité et les pilotes. Approuvée malgré tout après un essai grandeur nature effectué en marge du dernier entraînement vendredi, cette réglementation s'appliquera désormais lors de chacune des courses "flag-to-flag", ou, autrement dit, à chaque fois qu'une épreuve débute sur piste sèche et termine sur le mouillé, ou inversement, et qu'elle nécessite un échange de machine.

Autrefois complètement décousue, au point d'entraîner par exemple, des chutes similaires à celle d'Andrea Iannone (Suzuki Team) à Brno, elle est désormais largement encadrée, les organisateurs de ce sport réclamant toujours plus de professionnalisation, à juste titre, tant pour accroître la sécurité que pour poursuivre son développement. Jusqu'ici trop importante, l'omniprésence de mécaniciens était l'une des responsables de la cohue et du manque de visibilité pour les pilotes. Elle a été réduite à quatre membres, le premier étant chargé d'intercepter la première machine, les deux suivants ayant pour rôle de stabiliser la deuxième et le dernier étant affecté à la gestion du trafic, grâce, notamment, à l'apparition de la sucette, qui existe déjà depuis belle lurette en Formule 1. Rien d'aberrant, direz-vous. Sauf que la sécurité se joue, aussi et surtout, sur des détails.

Avant d'élaborer cette nouvelle procédure, tous les pilotes ont été interrogés. Et les avis ont divergé. De nombreuses propositions ont fusé lors de la réunion avec la commission de sécurité, mais aucune n'a fait l'unanimité, pas même celle qui a finalement été adoptée après recherche d'un consensus. La réduction de la vitesse de 60 à 40km/h dans la voie des stands, réclamée par certains membres du comité depuis qu'Alvaro Bautista (Ducati Aspar) a fauché son mécanicien au Grand Prix d'Argentine 2016, a été rejetée. Certains pilotes, comme Marc Marquez (Honda HRC), craignent qu'une telle mesure entraîne une trop grande perte de temps et réduise les possibilités stratégiques. Elle serait aussi impossible pour des raisons d'électronique. Regrettable ? Pour la sécurité, probablement. Pour le spectacle, certainement pas. L'équilibre entre ces deux volets est toujours aussi fragile.

Les marques au sol ont aussi fait leur apparition. Elles déterminent la position précise dans laquelle le pilote doit quitter sa moto, et celle dans laquelle il récupère la seconde. Les deux machines sont ainsi rangées en "V", la première face aux box, l'autre face à la piste, afin de permettre à son propriétaire d'avoir une réelle visibilité sur le trafic. Là aussi, une faille majeure existe. La délimitation étant relativement proche du box, elle en devient très dangereuse. "On arrive avec la moto dirigée vers le stand et ce n'est pas idéal si l'on arrive en pneus slicks et que le bitume est mouillé", expliquait Dovizioso à nos confrères de Motorsport.com. Les glissades ne sont pas rares dans ces conditions, et pourraient être désastreuses pour le pilote et les mécaniciens.

Le nouveau passage de la première à la deuxième moto n'a pas tant divisé le peloton. Mais il a probablement agacé l'un de ses membres les plus influents, à savoir Marquez. Avec cette nouvelle réglementation, le champion du monde en titre ne peut plus appliquer sa technique, qui consistait à sauter d'une machine à une autre sans toucher le sol, et lui permettait de gagner un temps précieux dans les stands. Poser le pied à terre est désormais obligatoire, et enfourcher la seconde monture se fait de façon totalement habituelle. Là encore, une part de divertissement disparaît : les sauts de cabri du surdoué de Cervera entretenaient, aussi, l'attractivité de ces courses.

Le débat autour de la sucette n'a pas encore été lancé. Il devrait exploser dès la première course "flag-to-flag". Et pour plusieurs raisons. D'abord parce que son rôle n'est pas aussi important qu'en Formule 1, où les règles concernant le trafic sont clairement établies, un pilote ne pouvant quitter son emplacement si une monoplace passe à ce moment-là. En MotoGP, l'ordre n'est pas clair et ne le sera jamais, puisque deux ou mêmes trois motos peuvent rouler de front dans la voie des stands. Le jugement diffère donc en fonction des responsables... et des pilotes. La sucette étant beaucoup moins dissuasive en MotoGP, un candidat à la victoire pourra très bien choisir de forcer le passage. Et le mécanicien n'aura pas son mot à dire. "J'ai vu des équipes qui la respectaient parfaitement et d'autres qui laissaient passer le pilote. Il est clair qu'il faut professionnialiser le système", confiait Maverick Viñales (Yamaha Factory) à AS après les tests. La nouvelle procédure n'est donc certainement pas plus juste. Et en réalité, elle n'est peut-être pas, non plus, sécurisante.