Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Du timide complexé au pur 100 roi de l'Olympe : Alain Bernard, la genèse d'un champion

Laurent Vergne

Mis à jour 22/03/2022 à 15:01 GMT+1

LES GRANDS RÉCITS - Il y a 14 ans, les 21 et 22 mars 2008, Alain Bernard sortait de l'ombre pour écrire une page marquante du sport français en battant deux fois le record du monde du 100m nage libre. Cinq mois plus tard, il devenait champion olympique sur la distance-reine de la natation pour s'ancrer dans la légende. Le fruit d'une trajectoire longtemps contrariée pour ce grand timide complexé.

Les Grands Récits - Alain Bernard.

Crédit: Eurosport

Alain Bernard sort du bassin. Il vient de nager en 47"82. C'est le record du monde, alors détenu par la légende néerlandaise, Pieter Van den Hoogenband en 47"84. Pour l'Antibois, c'est le 100 mètres d'une vie. Pourtant, personne n'en saura rien. Ce ne sont pas les Jeux Olympiques ou les Mondiaux. Pas même une compétition officielle. Il n'y a ni public, ni caméra, ni adversaire. Nous sommes en juillet 2006, à Canet-en-Roussillon, dans le club de Philippe Lucas, l'entraîneur-star de celle qui est devenue une immense vedette, Laure Manaudou. Bernard est en compagnie de Denis Auguin, son coach.
47"82. C'est un troisième homme qui vient de flasher Bernard à cette vitesse folle. La scène est digne de celle des Bronzés font du ski, quand Thierry Lhermitte, distrait par le mari de la Bordelaise, a oublié d'arrêter le chrono et survend au pifomètre un temps trop optimiste à Christian Clavier. Le maillot de Bernard n'avait pas fait deuxième à Crans-Montana, mais l'entraîneur en charge du chronomètre se demande s'il ne vient pas de faire une "Popeye". "Denis, regarde, je crois que j'ai un problème de chrono..." Mais Auguin, qui a pris soin de chronométrer également de son côté, a le même résultat : "Non, non, tu as bien vu, c'est bien ça..."
Dans un an et demi, Alain Bernard battra le record du monde de VDH pour de vrai. Dans deux, il sera champion olympique du 100 mètres nage libre, pour s'ancrer à la fois dans la légende de sa discipline et celle du sport français. Mais tout a vraiment commencé ici, ce jour-là. Quand il revient sur sa trajectoire aussi glorieuse qu'elle fut sinueuse, c'est de ce chrono à la fois monstrueux et virtuel claqué à Canet dont Bernard fait le point d'ancrage. "Ce fut vraiment un déclic, nous confirme-t-il. Pour moi, pour Denis, pour mon entourage, il y avait une forme d'évidence. Même si ce n'était qu'un entraînement, pour la confiance, ça a été déterminant."
picture

Alain Bernard et son entraîneur, Denis Auguin.

Crédit: Getty Images

Cette séance apparaît d'autant moins anodine avec le recul que la confiance, Bernard en a longtemps manqué. Dans les bassins, mais pas seulement. Le colosse à la musculature monumentale, qu'une partie du grand public français a découvert à la Une du quotidien L'Equipe le 16 mars 2008 au lendemain de son record du monde, a mis du temps à s'assumer tel qu'il était.
"Je n'ai pas toujours fait 1,90m et 100 kilos, rappelle-t-il. J'ai été très vite très grand, mais j'étais très frêle, très mince. Ce physique, j'ai eu du mal à l'accepter. Je ne savais pas où mettre mon corps. Comme je me sentais différent, je me sentais plus observé que les autres, et comme je me sentais observé, je devenais encore plus timide. C'était une spirale infernale." Dans son autobiographie (1), parue fin 2021, Bernard s'est ouvert sur ce mal-être : "J'ai fait les frais de harcèlement à l'adolescence et je n'ai jamais osé en parler."
Sans verser dans la psychologie de bazar, ces complexes et ces brimades qui ont miné son estime de lui ont-ils contribué à retarder l'éclosion du futur nageur, qui regardera longtemps passer les trains en équipe de France sans jamais accrocher le moindre wagon ? Peut-être. En partie, au moins. Lorsqu'il franchit ce cap gigantesque à l'été 2006, le futur champion olympique s'extrait pour de bon de ce carcan du doute. Désormais, à 23 ans, il sait.

L'amourette avec Laure Manaudou

Si cet été est celui de la confiance, c'est aussi pour des raisons extra-sportives. Lors de ce même stage chez Philippe Lucas, Bernard se rapproche de celle qui est alors au sommet de sa gloire sportive et médiatique. Depuis son sacre olympique sur 400 mètres à Athènes en 2004, la première médaille d'or de la natation française depuis Alain Boiteux 56 ans plus tôt, Laure Manaudou évolue dans une dimension qui n'appartient qu'à elle, comme le souligne Bernard :
"Elle dégageait une telle force, une telle sérénité. Jusque-là, en France, on ne pensait pas qu'un nageur ou une nageuse puisse se transformer en une telle bête de course. Sportivement parlant, elle a ouvert la voie en enchaînant les performances de très haut niveau."
picture

Alain Bernard et Laure Manaudou.

Crédit: Getty Images

Lui n'est encore personne comparé à elle, mais les deux nageurs entament une idylle discrète, secrète même. La presse, people notamment, s'intéresse de très près à la vie privée de la jeune championne et comme Bernard lui-même fuit ce type de publicité comme la peste, le couple tout juste naissant s'accorde pour ne rien dire à personne. Cette clandestinité lui plait. Mais ce ne sera pas l'amour d'une vie. Pas même celle d'un été. Début août, lors des Championnats d'Europe de Budapest, qui marquent la première sélection de Bernard en équipe de France, Laure Manaudou, tombée amoureuse de Luca Marin, met fin à leur relation.
"Du jour au lendemain, Laure m'a zappé, raconte l'Antibois. Plus de son ni d'image. Je n'y étais pas préparé. L'orgueil en a pris un petit coup, même si nous ne nous étions rien promis. Je n'étais finalement pas le tombeur du siècle. Rideau. Plus jamais, on ne reparlera de tout cela. Nous nous croiserons à base de 'bonjour-au revoir' brefs mais courtois." Mais aussi fugace fut cette histoire dont même les parents et les plus proches amis d'Alain Bernard ignoreront tout pendant des années, elle a compté : "Cette 'historiette' avec la star qu'était Laure m'a donné encore plus confiance en moi et dans l'eau, ça se ressentait. C'est pour ça que j'en parle aujourd'hui."
Est-ce que ça aurait eu la même portée si j'avais été champion olympique du 400 m 4 nages ? Je ne pense pas
Lors de ces Championnats d'Europe en Hongrie, il décroche sa première médaille internationale en grand bassin sur le relais 4x100m, mais à titre individuel, sa dernière place en finale du 100m et son élimination dès les séries du 50 lui montrent l'ampleur du chemin restant à parcourir. Claquer un chrono de folie à l'entraînement est une chose. Dans un grand rendez-vous, c'en est une autre. Même s'il est désormais convaincu d'être sur la bonne trajectoire, ses temps de passage sont encore loin d'être spectaculaires.
La précocité, ça n'a jamais été son truc. Laure Manaudou a été championne olympique à 18 ans. Son frère, Florent, le sera à 21. Yannick Agnel en avait 20 à Londres en 2012 quand il a cassé la baraque. Dès 2004, Bernard avait lui souffert de voir la qualification pour les Jeux d'Athènes se dérober au profit de Fabien Gilot, d'un an son cadet. Peut-être était-il tout simplement "moins talentueux" que d'autres, comme il le souffle lui-même. Ce sera sa limite durant ses premières années, mais un atout sur la durée.
"En natation, décrypte-t-il, le talent, c'est la capacité à enregistrer une information, une aptitude technique ou motrice, et à la conserver pour ne jamais faire marche arrière. Certains avancent très vite. Moi, j'apprenais lentement, mais je ne revenais jamais en arrière. C'est Denis qui a décelé ça chez moi. Il me disait souvent : 'Quand je t'apprends quelque chose, tu n'arrives pas à le faire tout de suite, il faut que tu le répètes, encore et encore. Mais le jour où tu y arrives, tu le conserves.' Il m'a fait comprendre que c'était une force. Bien sûr que j'aurais aimé être champion olympique à 20 ans. Mais je n'en avais pas les capacités, tout simplement."
picture

En décembre 2006, Alain Bernard décroche sa première médaille individuelle internationale. Du bronze sur 100m aux Championnats d'Europe en petit bassin, derrière Magnini et Nystrand. Il monte en puissance.

Crédit: Getty Images

Il sera champion olympique à 25 ans, à Pékin, en 2008 et cela aussi, il le doit à Denis Auguin, qui va non seulement changer sa carrière mais son existence. "Vous savez, glisse-t-il, jusqu'à 18-19 ans, je faisais du 200 dos et du 400 4 nages. C'est Denis qui a détecté mon potentiel en crawl et en sprint. Il a vu que c'était là que j'avais le plus de marge de progression."
Le choix paiera sportivement, mais contribuera aussi à l'éclat de sa gloire. En natation, qu'on le veuille ou non, il y a le 100 mètres et le reste. "Je me suis posé la question, nous avoue Bernard. Est-ce que ça aurait eu la même portée si j'avais été champion olympique du 400 m 4 nages ? Je ne pense pas. Être champion olympique du 100m, ça a un impact énorme, qui n'est comparable avec rien d'autre. Quand bien même les épreuves sont tout aussi dures et compliquées."

Le Robert Pirès des bassins

Sur 100 mètres ou ailleurs, ce sacre pékinois, pas grand-monde ne l'aurait imaginé, deux ans plus tôt. Mais Alain Bernard a travaillé comme un chien. C'est pour cela qu'une fois arrivé au sommet et devenu une cible, il ne supportera pas les soupçons de dopage, émanant parfois de certains concurrents qui seront, eux, pris plus tard par la patrouille. "Quand des mecs commencent à te soupçonner de dopage, oui ça fout les boules. J'avais envie de leur dire 'Les gars, vous ne pouvez pas comprendre. Ça fait des années que je travaille et je pense que ce que je fais tous les jours à l'entraînement, il n'y a pas beaucoup de gens sur terre qui sont capables de le faire.'"
Il a donc travaillé plus, et peut-être mieux que les autres, grâce à Denis Auguin. Fin 2006, en froid avec les autres entraîneurs du Cercle des nageurs de Marseille, Auguin fait ses valises pour Antibes avec Bernard en excédent de bagages. Auguin et Bernard, une belle histoire sportive, mais pas que. Une aventure humaine, d'abord, amorcée dès l'adolescence de la grande gigue mal dans son maillot.
Ce que le gamin a aimé et ce que l'homme apprécie toujours aujourd'hui chez celui qui est un ami au-delà de l'entraîneur, c'est sa droiture. "J'ai adhéré à ses valeurs. Évidemment, c'est facile pour moi de dire ça aujourd'hui vu notre parcours. Mais tous les garçons qui s'entraînaient avec moi à l'époque parleraient de Denis de la même manière, je vous le garantis, assure-t-il. Certains ont fait les Jeux. D'autres se sont arrêtés aux Championnats de France. Il y en a un qui est devenu professeur des écoles, l'autre ostéopathe. Mais tous diraient la même chose. C'est pour ça que ça perdure. J'ai arrêté ma carrière il y a bientôt dix ans, et Denis est plus proche de moi qu'il ne l'a jamais été."
Pourtant, de son propre aveu, "ça n'a pas été un coup de foudre". Comme deux chats qui s'observent, il leur faut le temps de s'apprivoiser. "Ça ne s'est pas fait en trois mois, sourit le nageur. L'un comme l'autre, nous n'étions pas des grands bavards et ça nous a joué parfois des tours, il y a eu des malentendus. Mais jamais nous ne nous serions fâchés. On a appris à se confier. Aujourd'hui, on se dit tout, on partage tout."
picture

Entre Alain Bernard et Denis Auguin, près d'un quart de siècle de complicité.

Crédit: Getty Images

En revanche, Bernard a dès le début accordé une totale confiance à cet entraîneur toujours soucieux d'être juste. "A 16 ans, ce que j'ai tout de suite aimé chez lui, c'est qu'il nous mettait tous sur un pied d'égalité, dit-il encore. Les nageurs très forts, ceux qui nageaient comme des clés à molette. Moi j'étais entre les deux et je ne me sentais ni dénigré ni privilégié. Denis m'a toujours considéré comme ça. Ça m'a aidé à me développer." Puis, s'il n'est donc pas le plus talentueux de tous, Alain a une grande vertu : il écoute. Et il progresse, même à son rythme.
A l'issue de la prise de conscience de l'été 2006, il reste deux ans au duo pour préparer les Jeux de Pékin. De manière paradoxale, Bernard et Auguin se sentent à la fois tout près et très loin du Graal. Fort de ses nouvelles certitudes, le sprinter franchit en 2007 un gigantesque cap au plan chronométrique. Lors des Championnats de France à Saint-Raphaël, au mois de juin, il devient en 48"12 le deuxième performeur de tous les temps sur 100m, dépassant des légendes comme Matt Biondi ou son idole d'enfance, Aleksandr Popov. Sur 50m, il s'approche à 12 centièmes du record du monde de l'ancien Tsar de toutes les piscines russes.
Seul point noir de cette saison, son double échec aux Mondiaux de Melbourne, où il est resté aux portes de la finale sur 50 comme sur 100m. En Australie, Denis Auguin lui a "passé un savon". Bernard est alors une sorte de Robert Pirès des bassins. "Je lui ai dit qu'il avait déconné sévère et qu'il devait muscler son jeu, pour paraphraser Aimé Jacquet", avait confié le coach à Eurosport en 2020. Devenu un des nageurs les plus rapides de la planète, Bernard peut-il se muer en homme de grands championnats et surmonter le poids d'un rendez-vous majeur ? A l'aube de cette campagne 2008, celle des J.O. en Chine, la question reste en suspens.

47"60

Eindhoven. Championnats d'Europe 2008. Le premier des deux séismes bernardiens. Une drôle d'histoire, cet Euro néerlandais. Prestigieux dans l'absolu, il est pourtant d'une importance relative. Il n'est pas qualificatif pour les Jeux de Pékin. La sélection se jouera un mois plus tard, lors des Championnats de France. Bernard est donc là sans pression excessive et sans objectif précis. L'Europe sert avant tout à préparer la France.
Toute la semaine, il fait un temps immonde, à vous déprimer. Pieter van den Hoogenband, malade, renonce au 100 mètres dans "sa" piscine, histoire de plomber un peu plus l'ambiance. C'est aussi la première compétition majeure en grand bassin avec les combinaisons en polyuréthane, désormais autorisées. Elles seront bannies dès 2010 mais l'heure n'est pas encore aux polémiques. Ce 21 mars 2008, elle est à l'écriture d'une page d'histoire.
Dès les séries, Alain Bernard a nagé vite. Il se met en tête de battre le record des Championnats d'Europe en demie. Demande à Auguin à quelle hauteur il se situe. Le coach n'en sait rien. Alors le grand blond va faire plus simple : il va battre le record du monde, pour que la question n'en soit plus une. A la ligne d'eau numéro 4, il est pourtant parti (relativement) prudemment : 22"88. Deux dixièmes de plus que le record de VDH, qui tient tout de même depuis près de huit ans. Mais Alain est d'abord un finisseur.
Sur le retour, il accélère. Puis une sorte d'état second s'empare de lui dans le dernier 25, comme s'il était en lévitation dans l'eau : "Je n'ai pas tout en mémoire de façon précise, mais ce qui m'a vraiment marqué, c'est qu'aux 75 mètres, je suis presque devenu spectateur de ma propre course. Je sens presque mes bras pousser l’eau. D'un seul coup, tout me semble facile. C'est la première fois que je ressens ça." En tribunes, Denis Auguin, assis aux côtés de Claude Fauquet, le DTN de la natation française, alterne entre regard sur la piscine et sur son chronomètre. Il comprend rapidement qu'un "truc" se passe. Quand son poulain touche, le temps s'affiche et se suspend : 47"60. 24 centièmes de mieux que Van den Hoogenband.
picture

Alain Bernard (record du monde)

Crédit: Getty Images

Mains jointes sur le visage puis sur la tête, le nouveau recordman du monde semble ne pas comprendre tout de suite. Il avouera un "bug complet". "J'en viens à me demander si 60 est supérieur ou inférieur à 84. C'est surréaliste." Ce qui l'est à peine moins, c'est que le lendemain, lors de la finale, il va remettre ça, cette fois en 47"50, nouveau record et son premier grand titre à la clé. C'est peu dire qu'en l'espace de 24 heures, il a changé de dimension. Il l'a senti tout de suite, dès son entrée dans la piscine le jour de la finale : "Quand je suis arrivé, les regards avaient changé, empreints de beaucoup de respect." Il n'est plus Alain d'Aubagne, l'ado timide mal dans sa peau. Il est le grand Bernard, recordman du monde de l'épreuve la plus prestigieuse de son sport.
Alain, Boris, vous n'êtes pas là pour faire la fête !
Curieusement, il est le patron mais il n'est rien. C'est tout le problème de ce double exploit accompli alors que les "vrais" rendez-vous qui comptent en cette année 2008 sont encore devant lui, même si Eindhoven a concrétisé ce que lui et Denis Auguin savaient, ou au moins pressentaient depuis ce fameux jour de juillet 2006 à Canet-en-Roussillon. Fier, heureux, le nageur savoure son nouveau statut mais il en mesure aussi très vite le piège et le poids :
"J'ai senti un engouement médiatique. J'entendais 'Il va être champion olympique'. Sauf qu'il fallait déjà que je me qualifie ! J'étais sollicité de toutes parts. J'ai fait des allers-retours entre deux entraînements pour répondre aux sollicitations des médias sur Paris. Après, mon agent a dit stop. Il m'a dit 'Tu as les Championnats de France dans trois semaines, on arrête de faire n'importe quoi'. Entre Eindhoven et les Jeux, ça a été les montagnes russes au plan émotionnel. Un jour je me sentais invincible, un jour un moins que rien, un autre entre les deux.'"
picture

Alain Bernard sur le plateau du "Grand Journal" le 25 mars 2008, quelques jours après ses deux records du monde à Eindhoven.

Crédit: Getty Images

Au fond, sa crainte, c'est de passer pour un con. Il aurait l'air fin, le nouveau recordman du monde, s'il échouait à se qualifier pour les J.O. lors des Championnats de France, dans un 100m couperet digne d'une finale mondiale. "Le niveau était juste dingue, rappelle-t-il aujourd'hui. Mais je pense qu'on a aussi surperformé à cette époque parce qu'il y a eu cette émulation en équipe de France. Fabien (Gilot), Fred (Bousquet), Amaury (Leveaux), après il y a eu Jérémy (Stravius). C'est une époque extraordinaire. On est tous conscients aujourd'hui qu'on a pu s'exprimer parce qu'il y avait cette concurrence." Mais il n'y aura pas de chausse-trape. Bernard et Gilot s'octroient les deux tickets pour Pékin.
Là-bas, l'Antibois fait un drôle de bizuth. Recordman du monde mais débutant sur la scène olympique, qui lui paraît d'emblée démesurée : "Quand on est rentrés dans la piscine avec Denis et Boris Steimetz, avec qui je m'entraînais, on est bras dessus bras dessous tous les trois. On se dit 'Putain les gars, on y est'. J'étais excité comme un gamin".
Au point que, la veille de l'ouverture des Jeux, Auguin doit rappeler à l'ordre le duo qui passe de chambre en chambre au village avant de croiser le coach : "Alain, Boris, vous n'êtes pas là pour faire la fête !" "C'était un rappel à l'ordre, concède Bernard. On ne faisait rien de mal, on était un peu déçus sur le coup de ne pas pouvoir en profiter davantage, mais il avait raison." Les médailles se gagnent aussi sur ces détails-là, sur ces mots au détour d'un couloir.

Le relais, à en vomir

Avant le rencart avec son destin, la nouvelle vedette de la natation tricolore rêve d'un premier titre olympique avec ses coéquipiers du relais. Avec un tel leader et un collectif monstrueux sur le papier, les Bleus font office de favoris. Oui, même devant la grande Amérique. Ce sera la première médaille olympique d'Alain Bernard. De l'argent, avec un record d'Europe pulvérisé. Un résultat historique pour la natation française. Mais un souvenir douloureux pour le colosse sudiste, qui a coincé in extremis dans le dernier relais face à Jason Lezak, alors qu'il avait été lancé en tête par Fred Bousquet.
"J'étais peut-être trop sûr de notre victoire, regrette-t-il. C'était gagné d'avance. Sur le papier, on ne devait pas perdre, quand on regarde nos chronos. Ce n'était pas possible. Mais ça ne se joue pas sur le papier. Ça se joue dans l'eau." Quasiment 13 ans plus tard, il plaide coupable, avec un mais : "Je fais une erreur technique, je me colle trop à la ligne. Puis je suis parti trop vite sur le premier 50. Mais mine de rien, j'ai nagé 46"7. Lezak avait été stratosphérique. Tu mets Caeleb Dressel contre le temps de Lezak ce jour-là, il ne vaut rien. Sauf qu'il a fait 46"0 parce que je l'ai emmené dans ma vague. C'était écrit. C'est comme ça. On ne pourra jamais revenir en arrière."
picture

Fred Bousquet réconforte Alain Bernard après la finale du relais 4x100m des Jeux de Pékin.

Crédit: Getty Images

S'il n'a jamais fui ses responsabilités, il estime pourtant que ce relais, les Français l'ont peut-être perdu avant de le nager. La fausse bonne idée a été de le placer en ultime relayeur. Entre eux, les quatre mousquetaires s'étaient pourtant mis d'accord sur l'ordre de passage, avec Bousquet en quatrième position. Mais lors de l'inscription sur la "start list", c'est lui, Bernard, qui est signalé en dernière place. Une forme d'amateurisme qui coûtera cher.
"Il y a eu une erreur, un malentendu, explique-t-il. On n'a pas été bons dans le processus du débriefing des séries. Il faut se souvenir qu'on avait nagé le soir et que la finale, elle, était dès le lendemain matin. Le temps que les gars récupèrent, le contrôle antidopage, qu'ils aillent au Village, on n'a pas fait un débriefing concret avec l'entraîneur en charge du relais. Nous, avec Fabien, on a regardé la course en tribunes (ils avaient été préservés pour la finale, NDLR), puis on est rentrés au village nous reposer. Donc quand tout le monde revient, on ne reparle pas des ordres de passage. Pour nous, c'était acté. Mais ils ont dû se dire, 'Le plus rapide c'est Alain, on va le mettre en dernier'."
C'était loin d'être faux, mais cette analyse à courte vue faisait l'économie du contexte unique des Jeux. Tout recordman du monde qu'il est, est un puceau de l'Olympe : "Je suis peut-être le plus rapide du monde, mais le plus expérimenté, c'est Fred Bousquet. Ce sont ses troisièmes Jeux. Fabien Gilot, ses deuxièmes. Amaury Leveaux aussi. Moi, je découvre. Je n'ai pas fait les séries. Donc c'est la toute première fois que je nage aux J.O.. Et c'est en finale du relais. En dernier relayeur. C'est complètement dingue quand j'y repense." L'addition est d'autant plus douloureuse que, dans l'affaire, Bernard a même perdu son record du monde, battu par Eamon Sullivan, le premier relayeur australien.
En sortant de la zone mixte, où il se fait violence pour répondre aux journalistes, il vomit ses tripes aux toilettes. "Comme un rejet par rapport à l'échec", dit-il. Après ce relais, il en prend plein la gueule, Alain. Pas de mental. Si baraqué et si fragile. Cette "défaite", car elle a été vécue comme telle même s'il convient d'y plaquer des dizaines de guillemets, aurait pu l'anéantir. Les demi-finales du 100 mètres sont seulement 48 heures plus tard. Se relever, à tout prix. Et vite. L'objectif devient de ne pas se noyer. "Je me suis isolé, se souvient-il. Je n'ai pas voulu entendre quoi que ce soit. Très vite, je devais effacer ce sentiment de culpabilité. Je ne voulais pas me coucher le soir avec cette idée que j'avais fait perdre le relais. Égoïstement, je me suis coupé de tout. Il fallait que je passe à autre chose et que je ne pense qu'à moi."
Ne t'inquiète pas Denis. Regarde bien. Tu vas te régaler
Le Bernard qui se présente au Water Cube le jour de la finale du 100 n'est plus le même. Bouffé par le stress avant le relais, le voilà soudain serein, apaisé. Dans la chambre d'appel, il perçoit la tension chez les autres alors que son calme et sa tranquillité l'étonnent. Comme un candidat au bac qui, découvrant le sujet, verrait tout le monde se décomposer dans la salle quand lui le trouverait d'une simplicité enfantine.
Les derniers mots de Denis Auguin avant la séparation l'ont rassuré : "Sur les 25 derniers mètres, tu es meilleur que Sullivan. Si tu passes aux 75 mètres sans avoir consommé toute ton énergie, tu as toutes les chances de toucher avant lui. Ne sois pas crispé sur les 75 premiers mètres, ne te bousille pas avant les 25 derniers mètres." Là, Alain se surprend. D'un geste et de paroles dont il n'est pas coutumier, il pose la main sur l'épaule de son entraîneur avant de lui lancer : "Ne t'inquiète pas Denis. Regarde bien. Tu vas te régaler."
Il est presque absurde de ressentir un tel apaisement avant le rendez-vous d'une vie. Il tente d'y apposer des mots : "Je savais que je n'aurais aucun regret. J'étais en forme, affuté. J'étais en paix avec moi-même quoi qu'il arrive. Prêt à accepter le résultat. De gagner comme de ne pas gagner. Je ne dis pas perdre. Je dis bien ne pas gagner. Ce n'est pas la même chose. Cette forme de détachement m'a aidé à m'exprimer. Plus que sur d'autres championnats, même après Pékin. Aux Mondiaux à Rome (en 2009, NDLR), je m'étais dit que j'étais obligé de gagner, de faire le doublé or olympique - or mondial. Ce n'était plus arrivé depuis Popov. J'en avais fait une obsession. J'étais beaucoup plus contraint qu'à Pékin. C'est un kiff énorme d'arriver en finale olympique et de se sentir en paix."
Bernard doit aussi une fière chandelle à... Eamon Sullivan. "Ce qui m'a aidé, c'est qu'il était devenu le favori. Ça m'a permis de décharger la pression sur lui." Cette pression, il va pourtant la ressentir au moment de s'installer sur le plot. Une vraie peur panique, heureusement aussi brève qu'elle fut puissante. "Ce stress que je n'avais pas du tout eu dans la demi-heure précédente est remonté, décrit-il. Il s'est condensé en quelques secondes. Les plus longues de ma vie. Mes jambes tremblaient. Mais ça n'a duré qu'un instant."
picture

A quelques secondes de la finale du 100m, concentration maximale pour Eamon Sullivan et Alain Bernard.

Crédit: Getty Images

C'est une finale de rêve. Bernard et Sullivan, qui se sont partagés les records du monde cette saison. Cesar Cielo. Pieter Van den Hoogenband. Lezak, le bourreau du relais. Parti très (trop) vite sur le relais, le Français dose cette fois son effort. Au virage, il bascule cinq centièmes derrière Sullivan. "Ne te bousille pas avant les 25 derniers mètres". Aux 75 mètres, les deux favoris sont au coude-à-coude. Le titre se joue entre eux. Comme à Eindhoven, l'état second revient. Bernard dit avoir eu "des flashs" de sa vie qui défilent. La famille. Des potes d'enfance. Pourquoi ? Il n'en sait rien. Mais tout ça le tire vers l'arrivée.
Alain Bernard touche en 47"21. Pas de record, cette fois. Tout le monde s'en fout, lui le premier. Eamon Sullivan est 11 centièmes derrière. Le grand timide, le nageur tout sauf précoce qui regardait passer les trains bleus, vient d'écrire une des plus grandes pages de l'histoire du sport français. Il voudrait profiter du moment mais le tourbillon l'emporte. "Tout est allé trop vite, résume le champion olympique avec une pointe de regret. C'est un moment de bonheur intense, puissant, mais qui passe à une vitesse folle."
S'il ne savoure pas autant qu'il le voudrait, c'est aussi parce qu'il lui tarde de retrouver son coach. "Mais j'ai fait la conf' de presse, la zone mixte, j'ai vu mes potes de l'équipe de France, les kinés, etc. Je n'ai retrouvé Denis que bien longtemps après la finale. Puis nous voilà enfin tous les deux, la piscine est redevenue calme. Denis me dit 'T'es un grand malade'. On s'est pris dans les bras. Je lui ai dit 'Je te l'avais dit'. En quelques mots, on avait exprimé une émotion qui aurait pu s'étaler sur des heures et des heures. Mais on n'avait pas besoin de mots de toute façon."
picture

Que peut bien penser Eamon Sullivan en regardant Alain Bernard à l'arrivée du 100m ?

Crédit: Getty Images

La fuite aux Maldives

Avec le recul, Bernard n'est pas loin de penser que la claque du 4x100 aura été une bonne chose. "Peut-être que si on avait gagné le relais, avec l'euphorie qui aurait suivi, et croyez-moi que j'aurais aimé la vivre, ça aurait été plus dur d'enchaîner avec le 100m, estime-t-il. C'était écrit tout ça. Tout arrive pour une raison. Comme ces 17 centièmes qui m'avaient privé des Jeux d'Athènes. Est-ce que j'aurais connu la même trajectoire entre 2004 et 2008 si je m'étais qualifié pour Athènes ?"
Cette euphorie, l'Antibois va plutôt bien la gérer en allant chercher le bronze sur 50m, derrière Cesar Cielo et Amaury Leveaux. Trois courses, trois médailles. Une de chaque couleur, comme Laure Manaudou à Athènes quatre ans auparavant. Mais la star, c'est lui, désormais, même s'il n'est pas fait pour ça. En cinq jours, sa carrière et sa vie ont pris une dimension inimaginable. C'est presque trop. Lorsque le relais 4x100 4 nages est éliminé dès les séries, ses Jeux sont finis, mais les sollicitations médiatiques se multiplient. Jusqu'à l'overdose : "C'est super sympa parce que tu es dans l'euphorie, tu as envie de partager, aussi. Mais au bout de deux jours je me suis dit 'Ce n'est pas possible, je ne vais pas tenir une semaine comme ça'. J'étais aussi aux Jeux pour profiter, ce sont dix années de travail qui se concrétisent".
Le triple médaillé n'a qu'une envie : fuir Pékin. Avec sa compagne du moment, la nageuse Coralie Balmy, il prend la direction des Maldives. "On n'avait aucune contrainte, on pouvait rester au Village ou rentrer chez nous, précise-t-il. Donc j'ai respecté les règles. Je demande en toute honnêteté au service presse du CNOSF si je peux partir quelques jours et revenir pour la cérémonie de clôture. Ils me disent OK. C'est un craquage. Quand tu es sous pression, parfois, tu fais des choses qui n'ont pas trop de sens. Alors après, pourquoi les Maldives, je n'en sais rien. C'était super loin en plus. Mais avec Coralie, on aurait été bien n'importe où ensemble. C'était une échappatoire. Il me fallait ça."
picture

Coralie Balmy et Alain Bernard.

Crédit: Getty Images

Si Alain Bernard s'est rêvé champion olympique, la starification l'a toujours effrayé. Ce n'était pas dans son trip, et l'expérience de Laure Manaudou, propulsée sous les projecteurs à peine sortie de l'adolescence, a renforcé chez lui une forme d'aversion pour le tumulte et le fracas. Le grand timide a eu beau se soigner, on ne s'écarte pas de sa véritable nature.
"La chance que j'ai eue, même si un moment je l'ai presque regrettée, c'est d'habiter dans le sud plutôt qu'à Paris, nous dit-il. A Paris, j'aurais peut-être eu beaucoup plus de visibilité médiatique. J'aurais fait plus de télé, je serais rentré davantage dans l'inconscient collectif, mais je n'avais pas envie de ça. Finalement, j'avais ce coin de tranquillité à Antibes et j'étais très bien comme ça." C'est aussi là qu'il a mesuré les vertus de son émergence tardive. A 25 ans, sans doute était-il mieux armé pour appréhender tout ça.
Ce fut une semaine dingue, une saison folle. De celles qu'on ne digère pas en un battement de pied. L'Olympiade suivante sera pourtant de très belle facture. Vice-champion du monde puis champion d'Europe en 2009 et 2010 sur 100m, bronzé aux Mondiaux 2011 sur 50 mètres, Alain Bernard ira chercher un deuxième titre olympique, à Londres, avec le relais 4x100, pour effacer les stigmates collectifs de Pékin et ceux de sa non-qualification sur 100m pour ces J.O. 2012.

Le problème, ce n'est pas d'être une star, mais d'en avoir les attitudes

Mais après ses triomphes de 2008, son plaisir s'est progressivement dilué. En cause, ce qu'il considère comme une dégradation de l'état d'esprit en équipe de France. "Pour moi, il y a eu une équipe de France avant 2008, voire 2010, et une équipe de France après 2010. J'ai vu ces deux visages", évoque-t-il. Les résultats stratosphériques de la natation tricolore ont suscité l'intérêt et la starification qu'il fuyait, d'autres l'ont embrassée autant qu'ils le pouvaient. "Ça m'a déçu", ajoute Bernard.
Certains ont-ils pris la grosse tête ? Il ne le dit pas comme ça mais entre les lignes, on croit le deviner. N'est pas Laure Manaudou qui veut. "Elle, c'était une star, LA star, mais ça s'est toujours très, très bien passé. L'insouciance qui se dégageait d'elle m'avait séduit. Jamais elle ne s'est vantée d'être championne olympique. Elle en parlait comme ça, simplement. J'avais envie de la prendre, de la secouer, de lui dire 'T'es un monument !' Mais Laure ne se mettait jamais en avant." Le problème, ce n'est pas d'être une star, mais d'en avoir les attitudes.
Avec Fabien Gilot et Yannick Agnel, les relations se sont tendues. D'une manière plus globale, le renfermement des Marseillais sur eux-mêmes l'a dérangé, quitte à créer une forme de clan. Dans son livre, Bernard s'épanche sur le sujet qui, à l'évidence, lui a pesé. "Je ne dirais pas que ça a gâché la dernière partie de ma carrière, mais disons que dans mes dernières années en équipe de France, je n'étais plus aussi excité d'être là." S'il en parle, c'est plus pour que la leçon soit retenue pour l'avenir parce que, selon lui, "si ça n'a pas nui aux performances sur le moment, ça a nui à la pérennité d'un processus de fonctionnement."
picture

Alain Bernard et Fabien Gilot en 2009.

Crédit: Getty Images

Lui a tourné la page. "L'eau a coulé sous les ponts, assure le double champion olympique. Il n'y a pas de rancune. Puis on est conscients, avec les gars du relais notamment, que si on a pu vivre des choses extraordinaires, c'est aussi parce qu'il y a eu cette forme d'adversité au sein du groupe." Mais lorsqu'il s'est marié en 2020, en dehors de Denis Auguin, le monde de la natation était largement absent. "Quand on me demande 'Il y avait qui comme nageurs à ton mariage ?', je réponds 'Je peux vous donner des noms mais ça ne vous dira rien.'" Ce sont des relations nouées avant l'équipe de France, pas sous les projecteurs.

Le "coup de pied au cul" de la vie

Si Bernard relativise ces bisbilles de bassin, c'est aussi parce que la vie, entre tuiles plus ou moins grandes et drames ineffaçables, a remis chaque chose à sa juste place. Elle lui a même, selon ses mots "mis un coup de pied au cul". Après sa retraite sportive, en quelques mois, il a connu des mésaventures personnelles. Une séparation douloureuse, de l'argent perdu à l'ouverture d'une salle de sport. Il a surtout eu la douleur de perdre son papa, avant d'être témoin de la tragédie de l'émission de télévision Dropped. 10 personnes ont trouvé la mort en Argentine dans la collision entre deux hélicoptères. Parmi les victimes, Florence Arthaud, Alexis Vastine, et sa copine Camille Muffat.
"Personne n'est préparé à une telle épreuve, sans commune mesure avec les difficultés rencontrées dans mon parcours de sportif, insignifiantes au regard de ce choc..., souligne-t-il. J'étais déjà plutôt un bon vivant mais depuis j'ai envie de me coucher le soir en me disant que j'ai profité à fond de ma journée, sur tous les plans. C'est pour ça que je parle de coup de pied au cul."
Alors, à l'approche de la quarantaine, Alain Bernard reste en alerte, des envies et des projets plein la tête. Il fourmille d'idées, veut s'engager pour développer la pratique du sport en France, son grand combat. Dans dix ans, d'une manière ou d'une autre, il s'imagine toujours dans le sport. Il échange beaucoup avec Roxana Maracineanu. "Je la harcèle sur le développement des piscines, sourit-il. À chaque fois, elle me renvoie à gauche, à droite. Mais oui, je la vois souvent. Parfois, d'elle-même, elle m'envoie un petit message pour prendre des nouvelles."
La ministre des Sports a signé la préface de son livre. Dans ces lignes, elle le verrait bien lui succéder un jour à ce poste de prestige. Très peu pour lui. "Ce n'est pas du tout une ambition, non, jure l'intéressé. Je peux faire bouger les choses différemment. Puis que tu mettes Roxana, Alain, Pierre, Paul ou Jacques, il ne pourra pas faire de miracle à la tête du ministère des Sports." Il s'est pourtant engagé politiquement, mais chez lui, à Antibes, où il est conseiller municipal en charge de la jeunesse. Il ne vise rien d'autre et, à vrai dire, on l'imagine mal s'épanouir durablement dans ce milieu. Trop franc et trop gentil pour ça.
Ce qui frappe aujourd'hui en discutant avec lui, c'est que derrière son palmarès, son statut et sa stature, cette pointe de timidité affleure toujours. Son épouse, Faustine, raconte que, derrière la façade du blagueur, elle a découvert "un homme n'ayant pas trop confiance en lui quand il fait tomber la carapace". Le vrai Bernard se niche peut-être toujours là, peut-être moins éloigné du gamin d'Aubagne qui ne rêvait que de se fondre dans la masse pour masquer ses différences, que du double champion olympique au parcours d'exception.
(1) Alain Bernard – Mon destin olympique – Talents Editions
picture

Alain Bernard.

Crédit: Getty Images

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité