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James Magnussen veut se doper sans risque ? "L'idée de se doper sous supervision médicale me paraît aberrante"

Glenn Ceillier

Mis à jour 14/02/2024 à 11:55 GMT+1

James Magnussen a annoncé son intention de participer aux "Enhanced Games" et de se doper pour essayer de battre le record du monde du 50m nage libre. L'ancien champion du monde compte le faire avec un suivi médical pour ne pas prendre de risque pour sa santé. Mais est-ce vraiment possible ? Michel Audran, ancien directeur du département des analyses de l’AFLD, nous éclaire sur le sujet.

James Magnussen.

Crédit: Getty Images

C'est un projet qui va faire des vagues. Et qui semble fou. James Magnussen l'a mis en lumière en annonçant samedi son intention de sortir de sa retraite pour participer aux "Enhanced Games" (Jeux améliorés). Dans cette épreuve, il n'y aura aucun contrôle antidopage, autorisant de fait les participants à avoir recours à des substances interdites. Et le but de ce projet controversé, lancé en 2023 par l'homme d'affaires australien Aron D'Souza, est d'aller battre des records du monde et de repousser les limites du corps humains, même si ces performances ne seront pas homologuées, puisque non soumises aux règles de l'Agence mondiale antidopage.
A 32 ans, James Magnussen s'est donc dit prêt à replonger et à prendre les "bons suppléments" pour battre le record du monde du 50 m nage libre, afin d'empocher une récompense d'un million de dollars. "Je veux être entouré des bons médecins et d'un bon soutien médical. Je veux le faire correctement", a lancé l'ancien champion australien de natation, qui a insisté sur le fait qu'il ne prendrait aucun risque pour sa santé. Mais est-ce vraiment possible ? Peut-on se doper sans mettre sa santé en péril sur le cours et le long terme ?
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James Magnussen aux Mondiaux 2013

Crédit: Panoramic

Il faut toujours relier dose et temps d'utilisation de la substance
Pour répondre à ces questions, Michel Audran, ancien directeur du laboratoire antidopage de Châtenay-Malabry et du département des analyses de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), a pris le temps de nous éclairer sur le sujet. Et comme souvent, ce n'est pas tout blanc ou tout noir. "C'est très compliqué de répondre, annonce d'emblée ce pharmacologue réputé et reconnu comme l'un des meilleurs experts dans le monde de l'antidopage. Compliqué car il faut toujours relier dose et temps d'utilisation de la substance mais aussi le nombre de cycles de dopage que le sportif va faire".
Pour comprendre l'enjeu du dopage sur la santé, il faut en effet prendre l’ensemble des données en compte. "Il y a trois choses qui rendent une substance dangereuse dans le dopage : la toxicité de la substance elle-même - c'est très variable d'une substance à l'autre -, la dose que vous allez administrer et le temps pendant lequel vous allez l'administrer", détaille Michel Audran. Et chacun de ces facteurs peut tout changer.
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James Magnussen

Crédit: Getty Images

Je ne sais pas comment un médecin va pouvoir déterminer la dose limite
Faire prendre un produit à un athlète pour améliorer ses performances est ainsi réalisé régulièrement par les laboratoires anti-dopage dans le monde, pour déterminer s'il est dopant ou non. Mais pas n’importe comment. "Quand on fait des protocoles pour savoir si une substance est active sur la performance, on le fait sous contrôle médical", nous confirme l'ancien patron du laboratoire antidopage de Châtenay-Malabry avant de préciser : "En laboratoire, on ne dépasse jamais les doses thérapeutiques. On ne peut pas injecter des doses supra-thérapeutiques, ce qui est généralement le cas des gens qui se dopent. Par exemple, on n'a jamais trouvé d'effet de l'hormone de croissance (GH) sur la performance, mais vraisemblablement c'est lié au fait que nous administrons des doses trop faibles."
Toutes ces études sont réalisées après des passages devant des comités d'éthiques et avec la prudence nécessaire, sans chercher à atteindre les limites du sportif. "On ne nous autorise pas à dépasser certaines doses, ce qui est normal étant donné qu'on travaille avec des volontaires sains et non sur des malades, donc il n’y a pas de bénéfices pour eux", souligne Michel Audran. L'idée est bien de repérer quel produit améliore la performance, et pas de voir jusqu'à quel point on peut aller sans risque.
Et c'est évidemment tout sauf un détail. Car dans le projet "Enhanced Games", l'idée reste à l’inverse d'aller au bout de soi-même pour essayer de battre des records. "Je ne sais pas comment un médecin va pouvoir déterminer la dose limite qu'il peut administrer à son athlète sans le mettre en danger, estime alors notre spécialiste du dopage sanguin et professeur de biophysique. L'idée de se doper sous supervision médicale me paraît aberrante."
C'est saugrenu
Pour ne rien arranger, tout cela n'a rien à voir en fonction des produits dopants administrés. Si les stéroïdes sont "toxiques pour le cœur" et peuvent "provoquer des infarctus" tout comme l'EPO ou que les anabolisants "engendrent des problèmes cardiaques" après des prises régulières sur plusieurs années, les conséquences sur la santé peuvent être plus ou moins faciles à détecter. "Si vous administrez trop d'EPO par exemple, vous allez voir les effets tout de suite. Vous allez noter une montée des globules rouges avec des risques d'obstruction des vaisseaux ou encore de risques d'infarctus. Cela ça se voit directement. Mais quand vous administrez des stéroïdes anabolisants, vous n'avez pas un effet immédiat. Ce sera donc plus long dans le temps, et c'est alors plus difficile de voir jusqu'à quelle limite on peut aller."
De quoi laisser songeur sur le désir de James Magnussen de faire ce projet "correctement". Et de son envie de "montrer comment cela peut être fait en toute sécurité… et créer un athlète que nous n’avons jamais vu auparavant", comme l'ancien champion du monde du 100 m libre en 2011 et 2013 l'a encore expliqué SEN Sydney. "C'est saugrenu comme compétition car on ne sait pas finalement jusqu'à où ils peuvent aller, lance encore Michel Audran. C'est ça qui me paraît compliqué à voir dans leur projet".
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