JO 2024 - Décryptage du phénomène Léon Marchand : "Les écarts créés mettent la natation en ébullition"

La France a un incroyable talent. Léon Marchand vient d'estomaquer l'Amérique en survolant les finales NCAA et en signant des temps jamais vus de l'autre côté de l'Atlantique. Les médias américains en font déjà l'héritier de Michael Phelps. A Paris en 2024, il pourrait raisonnablement viser plusieurs podiums (plusieurs titres ?) et s'aligner sur au moins cinq courses individuelles (200m et 400m 4 nages, 200m papillon, 200m brasse, voire le 200m nage libre) et quelques relais. Pour mieux comprendre l'ampleur du phénomène et mieux saisir ce que représentent ses trois victoires lors des finales NCAA, Denis Auguin, ancien entraîneur d'Alain Bernard et directeur des équipes de France jeunes, nous livre son analyse.

D.A. : Pour nous, c'est compliqué d'analyser les performances en yards. C'est un bassin qu'on ne pratique jamais. Il existe des tables de conversions de temps mais ça reste très approximatif. Cela dit, en ce qui concerne les performances de Léon, ce qui est remarquable, c'est que même s'il n'existe pas de record du monde en yards, il a signé les meilleurs temps jamais nagés en yards. Ce qui est encore plus incroyable, c'est l'écart produit avec ses anciennes performances. On ne parle pas d'un dixième là mais il y a des écarts vraiment significatifs de performance (ndlr : près de 6 secondes gagnées sur 400 yards 4 nages en un an). Au-delà des meilleures performances jamais nagées, ce sont les écarts créés qui mettent en ébullition la natation mondiale. Après, on part sur des fantasmes dans les conversions de temps mais il faudra attendre la réalité du bassin. Aujourd'hui, ce qu'on peut dire avec certitude, c'est qu'il est le meilleur nageur du monde en 4 nages.

D.A. : C'est très variable d'une épreuve à l'autre. Les championnats universitaires sont la compétition la plus importante aux Etats-Unis avec les Trials. Après, tout dépend des épreuves. Parfois, il y a des nageurs de niveau mondial mais la densité est globalement moins élevée que sur un championnat d'Europe. Il y a des nageurs de très haut niveau mais pas forcément les huit d'une même course.

D.A. : Oui et non. En relais, c'est moins évident. Il y existe un écart entre la prise de relais et le moment où son coéquipier quitte le plot. La vitesse d'entrée dans l'eau est supérieure, c'est une sorte de départ lancé et c'est difficile de prendre les temps de relais comme référence. Ce qu'il faut retenir, c'est que c'est un énorme nageur. Le plus dur commence pour lui : il faut concrétiser. Je n'ai pas de doute sur sa capacité à transformer ce qu'il fait en yard en grand bassin. Il est sur une pente ascendante depuis Budapest. Et ça fait partie des indicateurs importants. Chaque fois qu'il nage, il progresse. Il faut qu'il poursuive. Il est avec un entraîneur d'une expérience et d'une qualité incroyables (ndlr : Bob Bowman, l'ancien coach de Michael Phelps). Tous les ingrédients sont là.

D.A. : On aspire tous à ça en France, bien sûr. Mais on va attendre le passage en grand bassin même si je n'ai pas de doute là-dessus. Avant de dire que quelqu'un est le nouveau Phelps, il faut qu'il soit au niveau de Phelps. Mais s'il y a un nageur qui peut l'être, c'est lui.

D.A. : L'âge en natation n'est pas déterminant, on peut être au sommet à 20 ans ou à 30 ans. Le tout c'est d'être champion olympique au moins une fois. Après, il y a des filles championne olympique à 14 ans. D'autres qui disparaissent à 22 ans. En 2024, Léon disputera ses deuxièmes JO. A ce stade, Paris 2024, c'est son objectif ultime. Mais c'est un sport compliqué, il faut avoir envie de durer et savoir durer aussi. Il faut surtout lui foutre la paix (rires). C'est un peu notre rôle de le protéger.

D.A. : Ce n'est pas à moi de fixer ses objectifs, il est déjà double champion du monde. Globalement, les deux courses de 4 nages sont certainement des objectifs de titre. Après, il a des points forts sur des nages séparées, je pense à la brasse et au papillon. Il va falloir faire des choix.

D.A. : Oui, c'est très bien. Il y en a d'autres qui sont eux aussi sur cette pente-là dans le groupe France. Pour Léon, si on convertit les temps qu'il vient de faire, on obtient des marques jamais atteintes. On va attendre qu'il se qualifie pour les Mondiaux. Mais on peut raisonnablement espérer des temps canons sur grand bassin. L'avantage qu'on a avec Léon, c'est la! très bonne connexion avec son coach. Il n'est pas isolé, tout seul, aux USA. Le directeur des équipes de France va partir à Phoenix pour visiter Léon et Bob. Quand il arrivera en équipe de France, il devra se sentir intégré.