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Féminisation de l’arbitrage : Stéphanie Frappart, l’exception qui confirme la règle ?

Sport et Citoyenneté

Mis à jour 05/08/2020 à 07:46 GMT+2

Les femmes arbitres sont de plus en plus nombreuses. Pour autant, plus les enjeux d’une rencontre sont forts, plus celles-ci disparaissent. Particulièrement lorsqu’il s’agit de compétitions masculines et/ou internationales. Si Stéphanie Frappart et consœurs ouvrent la voie, sont-elles destinées à n’avoir que très peu d’héritières ?

Stéphanie Frappart

Crédit: Getty Images

  • Par Mejdaline Mhiri, journaliste pour le magazine Les Sportives, spécialiste du sport au féminin. En partenariat avec le Think Tank Sport et Citoyenneté.
Sport et Citoyenneté
Stéphanie Frappart au football, les soeurs Bonaventura au handball… En France, au sein du milieu sportif, les femmes sont de plus en plus visibles. Et notamment dans l’arbitrage. Depuis 2011, la proportion de femmes à prendre le sifflet a été multipliée par 2,5, passant d’environ 5 000 à 12 810 pour la saison 2019/2020[1]. Une progression qu’il convient tout de même de relativiser tant leur absence auparavant était totale. Car le sport reproduit les inégalités présentes dans notre société, voire les amplifie.
Ces arbitres femmes disparaissent ainsi au fur et à mesure que l’enjeux croît. Toutes comme les dirigeantes ou les coaches, le nombre d’arbitres féminines se réduit comme peau de chagrin pour les compétitions masculines et/ou internationales. Pour caricaturer (ou pas), on se demande si le message est celui-ci : "On les laisse déjà jouer au ballon, et vous voudriez qu’elles arbitrent ? Et des matches importants ? Est-ce-qu’on est sûr qu’elles ont compris les règles ? C’est impossible, elles ne courent pas aussi vite qu’un homme !"
L’argument physique est régulièrement retourné à celles et ceux qui prônent l’égalité. Un raisonnement caduc dans les disciplines où l’importance des capacités athlétiques est moindre pour appliquer le règlement, comme la boxe, le judo, le tennis, etc. Mais où il y a toujours aussi peu de féminines ! Selon les sports, l’absence des femmes au sein du corps arbitral peut être colossal. Moins la discipline accueille de licenciées, moins elles sont à même de choisir de brandir le carton. Assez logiquement donc, il y a 29% de femmes arbitres dans le handball, 25% au basket contre 4 et 6% au football et rugby.
En 2013, au lancement des plans de féminisation des fédérations, l’arbitrage fut complètement oublié. Heureusement, certaines d’entres elles essaient depuis de rectifier le tir. Ainsi la fédération de tennis tente, par exemple, de rassembler les jeunes filles sur les stages départementaux et régionaux afin de lutter contre leur exclusion. Un mois avant Roland-Garros, les femmes arbitres non sélectionnées par la voie classique sont invitées dans l’enceinte sportive pour découvrir les lieux. Une place pour arbitrer les qualifications est également mise en jeu.
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Stephanie Frappart, European Super Cup

Crédit: Getty Images

Pourquoi sont-elles si peu à prendre le sifflet ?

Pour expliquer la faible présence des féminines, plusieurs pistes se dégagent. Il est d’abord difficile de se projeter dans une activité peu rémunérée avec des sacrifices lourds pour sa vie privée. Les insultes du type "retourne faire la vaisselle", lancées à la cantonade depuis les tribunes sont une autre explication. Enfin, le sexisme latent offre encore un autre élément de réponse. En décembre 2000, lors du match Strasbourg - Metz, un pétard est lancé sur le terrain, blessant Nelly Viennot, arbitre-assistante, au tympan. Côté strasbourgeois, pour éviter une sanction, l’explication est toute trouvée : Nelly Viennot s’est évanouie parce que c’est une femme. Un homme serait resté de marbre.
Au-delà de la question du genre, la violence subie par les arbitres est ahurissante. "On a répertorié entre 250 à 300 agressions physiques par an dans deux disciplines, confiait au magazine Les Sportives en juin 2020 Patrick Vajda, président de l’Association Française du Corps Arbitral Multisports (AFCAM). Tous sports confondus, nous déplorons 1 000 agressions physiques annuelles. En sachant qu’on estime entre 25 et 30% les cas rapportés."
Pour lui, les femmes sont les principales victimes de ce climat nauséabond. "Une femme, quand elle marche dans la rue, se fait insulter. Alors qu’elle ne fait rien d’autre que marcher. Alors vous imaginez lorsqu’elle prend des décisions ! Nous sommes aujourd’hui 240 000 arbitres, tous niveaux et disciplines confondus. Il y a seulement 27% de femmes. Ce chiffre est dramatique" regrette le patron de l’arbitrage français.

La mixité, une partie de la solution ?

Pourtant, la mixité paraît bénéfique pour installer un dialogue sain avec les joueurs.es lors d’une rencontre. "On s’aperçoit que les sportifs sont plus respectueux des arbitres lorsque c’est une femme, observe Fabrice Dosseville, enseignant-chercheur sur la psychologie de l’arbitre à l’université de Caen. Ils n’ont pas besoin de s’imposer sur le plan physique. Il ne se passe pas la même chose lorsque ce sont des femmes qui arbitrent des femmes. Être arbitré par le sexe opposé semble améliorer la situation. Quand c’est possible, le sport doit mettre en place la mixité." Chaque individu ayant fait du sport en club sait à quel point le manque d’arbitre y est prégnant. De là à penser que les femmes seraient l’avenir de l’arbitrage, il n’y a qu’un pas…
Voici cinq propositions pour féminiser l’arbitrage, tendre à l’égalité, et vivre dans un monde meilleur :
  • Travailler davantage avec l’Union Nationale du Sport Scolaire (UNSS). Dans le milieu scolaire, tous les licenciés testent l’arbitrage. Ainsi, les jeunes filles arbitres y sont extrêmement nombreuses. Des partenariats entre les clubs et fédérations sont possibles pour s’appuyer sur le savoir-faire de l’UNSS. A l’image de ce que fait déjà la Fédération Française de Football.
  • Inciter chaque fédération à se saisir de cette thématique via, notamment, les plans de féminisation.
  • Mettre en place une véritable politique de sensibilisation, contrôle et sanctions contre les actes et injures sexistes.
  • Etendre les initiatives européennes sur la féminisation de l’arbitrage. Le projet SCORE forme des femmes au métier d'entraîneure et pourrait être élargi à l’arbitrage.
  • Faire en sorte que l’égalité soit au coeur du centre national de l’arbitrage en construction dans les Yvelines. A disposition des fédérations, ce site, prévu pour 2023, servirait à "recruter, former et valoriser l’activité des arbitres". Doté de nombreux outils, cet espace pourrait participer à la nécessaire transformation de l’arbitrage.
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