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JO Pékin 2022 : Le patinage artistique et la délicate problématique de l'âge

Raphaël Brosse

Mis à jour 18/02/2022 à 16:06 GMT+1

JEUX OLYMPIQUES D’HIVER - Le calvaire vécu par Kamila Valieva, prise dans une tempête médiatique pendant plusieurs jours et passée complètement au travers de son programme libre, jeudi, a eu le mérite de mettre une question sur le devant de la table : est-ce bien raisonnable d’exposer des jeunes de 15 ans à une telle pression ? Des voix s'élèvent pour dénoncer cette situation.

4 minutes de calvaire et le podium qui s’envole : Valieva a vécu un cauchemar

À 15 ans, normalement, on est encore insouciant. On profite de la vie, de ses amis (et on étudie un peu, aussi). À 15 ans, on est adolescent, avec ce que cela comporte comme manque d’expérience et de maturité. À 15 ans, Kamila Valieva, elle, s’est retrouvée dans une situation à laquelle absolument aucun jeune de son âge n’est, à l’évidence, préparé. Outre la pression inhérente à une première participation aux Jeux Olympiques, la gamine de Kazan a dû affronter une polémique d’ampleur internationale, engendrée par son contrôle positif à un produit dopant et la décision du TAS de la laisser patiner. Et elle a fini par craquer.
Malgré le brouhaha permanent qui l’accompagnait et l’épais nuage de suspicion qui planait au-dessus de sa tête, la championne d’Europe 2022 avait été étincelante lors du programme court, mardi, bouclé en tête. Son libre de jeudi, en revanche, a été un long et pénible calvaire, difficile à regarder jusqu’au bout tant on devinait l’immense détresse de la nouvelle étoile de la glace. "C’était un incroyable fardeau pour une enfant. Je ne l’aurais pas laissée patiner et je l’aurais juste protégée. Ce qu’il s’est passé ne doit plus jamais arriver", a affirmé Aljona Savchenko, championne olympique de l'épreuve de couple en 2018 (avec Bruno Massot) et consultante Eurosport.
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Kamila Valieva of Team ROC reacts

Crédit: Getty Images

De l'avantage d'être (très) jeune

Au-delà du cas très spécifique de Valieva, qui va faire l’objet d’une enquête pour dopage et encourt le risque d’être suspendue, se pose la question de l’âge minimum requis pour participer aux compétitions internationales. En particulier aux JO, où la pression et les sollicitations en tout genre sont décuplées et, on l’imagine aisément, délicates à appréhender pour des athlètes aussi jeunes. Un sujet qui, aux Jeux d’hiver, concerne surtout le patinage artistique. Ce qui est tout sauf un hasard.
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Pourquoi Aleksandra Trusova révolutionne-t-elle le patinage féminin ? La réponse d'Alban Preaubert

"Vous obtenez plus de points avec des sauts difficiles, et vous réalisez ces sauts plus facilement si vous êtes jeune, légère et souple, détaille Haya Leenards, juge internationale et consultante pour Eurosport. Certains pays préparent des filles pour le plus haut niveau à un très jeune âge. Parfois, elles sont déjà très fortes à 13 ans. Deux ans plus tard, elles peuvent participer à des compétitions internationales de premier plan."

"Culture du jetable"

Obnubilée par une quête perpétuelle de l’excellence, incarnée par la réussite des protégées de la réputée et intransigeante Eteri Tutberidze, l’école de patinage russe a poussé ce raisonnement à l’extrême. "Les carrières en Russie sont particulièrement éphémères, a concédé Alban Préaubert, consultant Eurosport, dans le podcast L’heure olympique. En général, après avoir fait une saison victorieuse, les patineuses russes sont souvent remplacées par des jeunes talents encore plus talentueuses qu’elles."
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Alban Préaubert revient sur la prestation de Valieva : "Elle n'a pas su résister à la pression"

À titre d’exemple, on citera les cas de Yulia Lipnitskaya et d’Alina Zagitova, respectivement championnes olympiques par équipes à Sotchi et en individuel à Pyeongchang. Les deux avaient 15 ans au moment des faits. La première a raccroché les patins trois ans plus tard à cause de problèmes d’anorexie. La seconde est bien à Pékin… mais en tribune de presse, commentant les épreuves pour la principale chaîne russe. "C’est une culture du jetable, dénonce Haya Leenards. Les filles partent à la pêche aux médailles et ensuite, une nouvelle génération est prête pour les remplacer. Quand elles ont environ 18 ans, elles ne peuvent plus gagner la bataille face à leurs rivales nationales et disparaissent de la scène."

L’ISU veut changer la donne

La Fédération internationale de patinage (ISU) est bien consciente de ce problème, sorte de serpent de mer qui remonte de temps à autre à la surface. Ce vendredi, l’instance a d’ailleurs réaffirmé son intention de rehausser l’âge minimum requis pour participer à ce genre de rendez-vous. "Le conseil de l'ISU a décidé d'inscrire (à l'ordre du jour du congrès, ndlr) une proposition visant à relever la limite d'âge à 17 ans pour concourir dans toutes les disciplines de patinage artistique", était-il écrit dans un communiqué.
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Une mesure salutaire, sinon indispensable aux yeux de Haya Leenards. "Pour protéger ces jeunes filles, il faut leur laisser le temps de grimper progressivement jusqu’au sommet, affirme la juge néerlandaise. Mais je pense aussi que le patinage artistique ne devrait pas être un sport d’enfants. Bien sûr, à un jeune âge, vous êtes meilleure pour faire certains sauts. Mais c’est aussi un sport dans lequel il faut trouver le bon équilibre entre technique, mouvement et musique. Cela doit former un tout." Et si l’on peut éviter de traumatiser des enfants, c’est encore mieux.
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Kamila Valieva, 4e du concours féminin de patinage artistique, jeudi 17 février. / Jeux Olympiques Pékin 2022

Crédit: Getty Images

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