Tournoi des 6 Nations - Les Bleus jouent gros à Twickenham contre l'Angleterre

"Si on perd, c'est fini." Dès le début de la semaine, Paul Willemse a bien résumé l'enjeu du déplacement à Londres pour le XV de France. Si les Bleus veulent conserver un petit espoir de remporter le Tournoi pour la deuxième année consécutive, ils n'ont d'autre choix que de signer un sans-faute sur leurs deux derniers matches, tout en guettant un éventuel faux-pas irlandais. Un dénouement heureux apparaît à ce stade plus utopique que réaliste, mais on ne sait jamais.

Pour l'heure, après trois journées, l'équipe de Fabien Galthié navigue dans des eaux mi-troubles, mi-claires. Une victoire arrachée en Italie, une défaite logique en Irlande au terme d'un match de très haut niveau au cours duquel ils ont été globalement dominés, et enfin un succès d'abord enthousiasmant puis crispant contre l'Ecosse au Stade de France.

Qu'il s'agisse du bilan comptable ou de l'impression dégagée, le mot qui résume le mieux le Tournoi tricolore jusqu'ici est sans doute "mitigé". Trois matches sans savoir tout à fait ce que ces Bleus ont dans le ventre en ce début d'année pas comme les autres, puisqu'elle doit les amener jusqu'à la Coupe du monde, leur Coupe du monde, à domicile. Comme s'ils s'échinaient malgré eux à brouiller les cartes. Mais samedi, à Twickenham, il faudra bien finir par les poser sur la table, et le reste avec.

Dans le temple du rugby anglais et du rugby tout court, il ne peut y avoir de faux-semblant. Quoi qu'il arrive, une victoire à Londres aura valeur de référence, indépendamment de la qualité pure de la performance. Parce que c'est le Crunch, et parce que les Bleus et Twickenham, ça fait deux.

Ça fait même 18, comme le nombre d'années qui nous séparent de la dernière victoire tricolore à Londres dans le cadre du Tournoi. Depuis son arrivée à la tête du XV de France en 2020, Fabien Galthié a guidé ses hommes à leur première victoire en Australie depuis trois décennies, à leur premier succès à Cardiff depuis 2011, Murrayfield depuis 2014 et Dublin depuis 2011. Mais à Twickenham, ça coince encore.

Mettre fin à une disette aussi longue dans ce rendez-vous si particulier donnerait une envergure certaine au tournoi de la bande à Antoine Dupont. Elle aime les défis et en voilà un. N'écoutez pas ceux qui vous disent que cette Angleterre ne vaut rien, que cette Rose n'a plus la moindre épine. Nous ne sommes certes plus en 2003, mais les Anglais, à bien des égards, restent les Anglais. Et personne n'est moins bien placé que la France pour jouer les fiers-à-bras et prendre de haut une Angleterre même loin de son plus beau lustre.

En phase de reconstruction, le meilleur ennemi anglais, respecté voire admiré autant que détesté, a changé de staff au mois de décembre avec l'arrivée sur le banc de Ian Borthwick. Ce dernier pose les pierres de la fondation, les unes après les autres, à commencer par une véritable identité de jeu, que l'on qualifiera de très... anglaise, entre solidité du pack, jeu au pied appuyé et engagement total. Côté bleu, il faudra avoir du répondant et de la maîtrise.

Compte tenu de ce que ce Tournoi nous a appris jusqu'ici, et surtout de ce qu'il n'a pas voulu nous dire, l'issue de ce Crunch va déterminer pour une large part la note finale du XV de France dans cette édition 2023. Sauf à envisager une cagade contre les moribonds gallois au Stade de France lors du week-end de clôture, les Bleus ont toutes les chances de boucler l'exercice avec quatre victoires pour une défaite.

En deux ans, ils auraient ainsi remporté 90% de leurs matches dans le Tournoi avec pour unique revers un déplacement à Dublin face à ce qui est aujourd'hui la référence mondiale. Ce serait une bonne chose de faite et permettrait de passer à la suite, que tout le monde connaît, dans une certaine sérénité d'esprit.

La bataille d'Angleterre constitue toujours un événement en elle-même pour le rugby français. Mais celle-ci va ouvrir des perspectives ou, au contraire, obstruer un horizon. Voilà pourquoi elle vaut si cher.