Bilan de la tournée d'automne - Où situer le XV de France, derrière l'Afrique du Sud "qui domine le monde" ?

Minuit passé. Thomas Ramos est encore prêt à intervenir, samedi en zone mixte. Il n'interrompt pas une contre-attaque adverse, mais la question d'un de nos confrères. L'arrière du XV de France ne veut pas entendre parler de "meilleures nations mondiales" à rattraper. Pour lui, cette cible est au singulier. Elle se nomme l'Afrique du Sud. En revanche, il admet volontiers que les Springboks ont de la marge : "Il y a une équipe qui domine le monde, il ne faut pas se leurrer."

Cette fameuse équipe sud-africaine a triomphé au Stade de France (17-32), en ouverture d'une tournée de novembre qui a suscité un sentiment aigre-doux dans les rangs tricolores. Les succès relativement laborieux face aux Fidji (34-21) et à l'Australie (48-33) ont confirmé que les hommes de Fabien Galthié avaient leur place dans le peloton des premiers poursuivants, et non dans le gruppetto. Mais pour de plus profondes satisfactions collectives, on repassera.

Les Bleus ont dû patienter jusqu'à samedi pour entériner leur place dans le Top 6 planétaire, correspondant au chapeau 1 du tirage au sort de la Coupe du monde 2027, prévu le 3 décembre. Le témoignage d'un statut fragile ? "On a gagné le dernier Tournoi, on a été capable de faire des matches extraordinaires, en Irlande par exemple. Parfois, on oublie les performances que l'on a réalisées avec du temps passé ensemble", rétorque Ramos, dont l'objection est légitime.

Le sempiternel écueil des calendriers disparates entre les hémisphères nord et sud – "c'est comme ça depuis la nuit des temps", dixit Gaël Fickou – est plus ou moins pénalisant, selon les années. Or, les trois défaites du XV de France, cet été en Nouvelle-Zélande, ont contribué à son léger recul dans la hiérarchie. Et considérer ces revers comme représentatifs du rapport de force entre les deux sélections serait audacieux, si ce n'est fallacieux, eu égard à la revue d'effectif spectaculaire opérée, bon gré mal gré, par Fabien Galthié et son staff.

La France est ainsi 5e, selon le classement de World Rugby, derrière l'Irlande (4e) et l'Angleterre (3e), malgré le gain du Six Nations évoqué par Thomas Ramos. Cela ne traduit pas seulement des résultats potentiellement trompeurs, ou un degré de fiabilité discutable du système de l'instance internationale. Ce nouvel agencement illustre la dynamique du XV de la Rose, dont la série de victoires, portée à onze ce dimanche face à l'Argentine (27-23), a débuté le 8 février dernier, jour de succès arraché face… aux Bleus (26-25).

Demi-finaliste presque ubuesque de la Coupe du monde 2023, à l'issue d'une année marquée par des camouflets retentissants (défaite face aux Fidji et naufrage contre la France à Twickenham), la sélection cornaquée par Steve Borthwick n'était que 7e, début 2025. Onze mois plus tard, elle a des airs de principal challenger des doubles tenants du titre, à un peu moins de deux ans du Mondial. "L'Angleterre progresse, attention. Elle est n°2", tranche Jean-Baptiste Lafond, selon qui "la Nouvelle-Zélande a un pack de gamins (…) de fantassins, de moineaux."

Au-delà du sens de la formule de notre consultant, les All Blacks (2es) sont factuellement en difficulté. Battus par les Anglais lors de cette tournée automnale (33-19), ils avaient été laminés dans des proportions historiques par les Springboks, à domicile (10-43), quelques semaines auparavant. Cela fait plusieurs années que la France, entre autres, a appris à les regarder comme des adversaires et non plus des demi-dieux. Mais ce qui a un temps décrit l'homogénéité des équipes de pointe correspond désormais à la densité du groupe de chasse.