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Pékin 2022 - Les combinaisons de la discorde : cinq disqualifications et le concours mixte vire à la farce

Loris Belin

Mis à jour 07/02/2022 à 17:42 GMT+1

JEUX OLYMPIQUES D'HIVER – Le premier concours mixte de saut à ski de l'histoire des Jeux s'est terminé dans la confusion générale lundi à Pékin. Cinq participantes ont été disqualifiées pour avoir porté une tenue trop ample, laissant plusieurs nations de tête (Japon, Allemagne, Norvège) sur le carreau. Le titre est revenu à la Slovénie, devant le Comité olympique russe et le surprenant Canada.

La Japonaise Sara Takanashi s'excuse après sa disqualification au saut à ski

Le premier concours mixte du saut à ski olympique restera assurément dans les annales. Mais on ne sait pas si c'est une si bonne nouvelle en ces circonstances. Attendu comme un des moments forts de ces Jeux de Pékin, l'événement a tourné au tragi-comique. Si les vainqueurs slovènes n'ont pas démérité, l'absence de nombreuses nations favorites pour le titre risque de longtemps faire jaser. En cause, les combinaisons portées par plusieurs concurrentes, et jugées trop larges par le jury des commissaires. Cet "avantage" a donné lieu à cinq disqualifications, faussant complètement la compétition.
De bout en bout, ce concours aura été marqué par l'étonnement, l'indignation jusqu'au ridicule. Dès le premier saut, la Japonaise Sara Takanashi, la plus titrée de l'histoire en Coupe du monde mais grande maudite aux JO, a vu sa marque lui être retirée, à cause de sa combinaison considérée comme trop "large" par le jury car au-delà des 4 centimètres en plus de la mesure du corps. Cette amplitude artificielle offerte par la surface de la combinaison donnerait un avantage aérodynamique illicite. Takanashi, en larmes dans l'aire d'arrivée, a été disqualifiée, réduisant quasiment à néant la moindre chance pour l'équipe nipponne.
A l'émotion s'est suivie la gigantesque confusion puisque l’Autrichienne Daniela Iraschko-Stolz et l’Allemande Katharina Althaus ont subi dans la foulée le même sort. Le drame était d'autant plus grand pour l'Allemagne, éliminée de la suite de la compétition après les deux premiers sauts. "Après la compétition des filles, on a eu des discussions, on a beaucoup parlé, nous explique le Français Frédéric Zoz, entraîneur assistant de l'équipe de Finlande et responsable des équipements. Une ou deux nations ont soufflé dans les bronches de la FIS. Katharina Althaus a décroché l'argent avec cette combinaison. Avant les Jeux, la FIS avait prévenu qu'elle ferait attention au matériel. Vu la taille des combinaisons des Allemandes au premier concours, c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase."
"La FIS a tout détruit avec cette opération, a pour sa part considéré Althaus dans des propos relayés par l'agence sportive allemande SID. Je trouve qu'ils ont détruit le saut à ski féminin. Je ne sais pas ce qu'ils cherchent à faire. C'est comme ça qu'on fiche en l'air des nations, des élans, et qu'on rend le sport injuste."
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Katharina Althaus of Team Germany reacts after competing

Crédit: Getty Images

"Si on en est arrivé là, c'est que le système l'a permis"
Déjà très tendu, la FIS et le CIO ne délivrant pas le même classement après deux sauts et l'élimination des deux dernières nations, le concours est revenu à celui qui passerait entre les gouttes du jury. La Norvège a été la quatrième nation à subir sa décision, et plutôt deux fois qu'une. Anna Odine Stroem et Silje Opseth ont été à leur tour disqualifiées.
"Aujourd'hui, je suis hyper content de ce qu'a fait la FIS mais aussi super énervé car j'ai déjà eu des discussions avec la FIS depuis 2010, nous évoque Frédéric Zoz. Si on en est arrivé là, c'est que le système l'a permis. Je trouve que c'est très bien mais triste pour une compétition olympique. On est à saturation sur les combinaisons. Tout le monde essaye de grappiller dessus, on tue le sport. La FIS a des difficultés à contrôler." L'un des responsables du ski allemand, Horst Hüttel, a pour sa part un tout autre avis. "Ces quatre grandes nations ne sont pas assez connes pour vouloir contourner le règlement. Je ne crois pas que les athlètes soient elles aussi assez connes pour tricher aux Jeux olympiques", a-t-il clamé.
Dans le flottement le plus total, la course à la médaille s'est poursuivie, avec le Japon tout proche d'accrocher finalement le podium grâce notamment à un énorme saut de la superstar Ryoyu Kobayashi. Mais un dernier effort de Mackenzie Boyd-Clothes a sauvé la médaille de bronze au Canada, d'ores et déjà une des plus grosses surprises de cette quinzaine. "Aujourd'hui, les grosses nations se font taper sur les doigts, poursuit Zoz. On va avoir plus de fairplay et ça donne plus de chances aux petites nations de rester vivantes. Moi, aujourd'hui, je suis très content car les Canadiens ont une médaille de bronze, alors qu'ils n'ont plus de tremplin..."

Quand le saut à ski ne vole pas haut

Devant, l'équipe de Slovénie composée de Ursa Bogataj, déjà titrée chez les femmes, Nika Kriznar, Timi Zajc et Peter Prevc, a fini par renverser le Comité olympique russe pour décrocher l'or. Mais ce podium restera à jamais dans l'ombre de l'incompréhension autour de ces combinaisons. "On joue avec les limites. Quand on mesure, on trouve, soupire notre consultante Coline Mattel. On aurait dû contrôler depuis dix ans. Les trois équipes sur le podium ont leurs huit sauts. Les trois suivantes, 7..."
Lors des compétitions individuelles, le Norvégien Halvor Egner Granerud et l'Autrichienne Sophie Sorschag avaient déjà été pénalisés pour les mêmes raisons. L'équipe allemande nous a confirmé que les combinaisons utilisées ce lundi par les skieuses étaient pourtant les mêmes que celles utilisées lors de la compétition individuelle, durant laquelle elles n'avaient pas été inquiétées. L'histoire est bien mal écrite, et elle n'est peut-être pas encore terminée.
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