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JO Sotchi 2014 : Entrepreneur, "Shred", carving, publicité et palmarès : voici Ted Ligety

Alexandre Coiquil

Mis à jour 20/02/2014 à 10:25 GMT+1

Nouveau champion olympique du géant, l’Américain Ted Ligety domine la spécialité depuis des années. Grand bénéficiaire de la nouvelle règlementation concernant la longueur des skis imposée par la Fédération Internationale en 2011, le kid de Park City est un redoutable chasseur de victoires mais aussi un vrai business-man, un globe-trotter, et un mec bien.

Montage Ligety papier format 16/9

Crédit: Eurosport

C'est un entrepreneur confirmé

Avez-vous regardé avec attention les lunettes des skieurs alpins depuis le début des Jeux Olympiques ? Si vous avez eu un bon coup d’œil, vous avez dû remarquer que certains skieurs : Alexis Pinturault ou encore le récent médaillé de bronze du Super-G, Andrew Weibrecht, pour ne citer qu’eux, portaient des lunettes de couleur verte siglées "Shred." Shred ? C’est tout simplement le surnom de Ted Ligety ("Le déchiqueteur") qui a lancé sa propre marque "Shred Optics" en 2006. Le skieur de Park City s’est allié à son ami ingénieur et entrepreneur Carlo Salmini (fondateur de Slytech, qui fournit des protections aux skieurs) pour lancer sa petite entreprise. L’idée lui est venue à l’été 2006 pendant une randonnée à vélo en compagnie de Salmini. A l’époque, Ligety sort de sa deuxième saison en Coupe du monde et ses négociations avec son sponsor d’alors n’ont rien donné. Amateur de couleurs fluorescentes et de looks rétros, l’idée est toute trouvée, il va créer des lunettes personnalisables et adaptées aux besoins du très haut niveau. En 2014, les affaires marchent plutôt bien : près de quarante skieurs-snowboardeurs professionnels, alpin et freestyle réunis, sont équipés par la marque américaine et sont ainsi devenus des "shredders." "Quand j'ai créé Shred, je pensais surtout à l'étape suivante, quelque chose à faire après le ski", disait-il au site Outsideonline il y a quelques semaines.
Ligety n’est pas qu’un skieur, c’est un obsessionnel de la performance. L’Américain est très attaché au matériel qu’il utilise et ce que ce dernier peut lui apporter. Afin d’utiliser le fin du fin et de le proposer, il a décidé de décupler l’offre de sa boite et d’adapter ses produits au ski de haute vitesse. Le design, la phase de développement et les besoins des skieurs, c’est le crédo du skieur de Park City qui recueille les informations et laisse ensuite la conception et la création à son double. "Je crée les prototypes, Ted les teste en condition de haute vitesse et en course", précisait Salmini récemment au site INC.com. Depuis quelques années, la gamme de produits s’est diversifiée : casques, vêtements, lunettes de soleil complètent la boutique. Voir Ligety avec une paire de lunettes de soleil à chaque podium, n’est désormais plus un mystère pour vous. Il fait de l’auto-promotion. "Ma priorité c’est de skier vite mais je pense que c’est en phase avec nos affaires. Mieux je fais, plus d’expositions nous avons.", ajoute Ligety.
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Ligety Wengen JO Sotchi 2014

Crédit: AFP

Il a une glisse unique

La façon de skier de Ligety est unique sur le plateau de la Coupe du monde. L’Américain est un spécialiste presque incontesté du géant depuis 2008 car il utilise jusqu’au point de rupture le "carving", soit la taille complète d’une courbe avec skis sur la carre avec prise d'angle maximale. Tête penchée sur le côté, bras en angles droits prêts à racler la neige, corps penché près la pente, engagement maximum, la méthode lui permet de gagner du temps et de surtout créer de la vitesse. C’est grâce à cette façon de skier qu’il a été repéré par l’équipe nationale de ski américaine en 2003. Il l'a ensuite développée pendant des années à force de séances d'entraînements interminables. Ce qu'on appelle "le style Ligety" lui a permis de remporter son premier géant en 2006 et de gagner au moins une course par saison dans cette discipline depuis. Fin 2012, il s’est mis à créer des écarts conséquents en Coupe du monde (+2"75 d’avance sur Manfred Moelgg à Sölden fin octobre 2012). Créer de tels écarts à la régulière a quelque chose de titanesque en ski alpin. Forest Carey, un de ses entraîneurs, expliquait récemment à Outsideonline que "Ted avait trouvé une façon de skier que personne n'a jamais réussi à reproduire." Le New-York Times l'a récemment décrypté dans un document vidéo-ludique.
Interpellé par ces chronos canons, le plateau de la Coupe de monde s’est intéressé aux nouveaux skis du champion mais sans y trouver quelque forme d’irrégularité que ce soit. A cette époque, il a fallu s’adapter au nouveau règlement concernant les skis : voulus plus longs et larges afin d’éviter la prise de vitesse et les blessures selon la Fédération Internationale de Ski (FIS). A ce petit jeu, l’Américain a gagné. “On a l’impression que ces nouveaux skis ont été faits pour lui, qu’il est né avec ça aux pieds.”, soulignait Jacques Théolier, le patron français du groupe technique italien, au Dauphiné Libéré avant le géant de Val d’Isère en décembre 2012. Le succès que rencontre le double champion du monde de la spécialité est en contraste total avec le combat qu’il a mené lors de l’officialisation de ce même nouveau règlement en 2011/2012. Il avait alors dénoncé dans un billet les méthodes "dictatoriales" de la FIS.

Il ne fait pas de vagues

Le nom de Ted Ligety ne parle pas forcément à grand monde en dehors du monde du ski alpin et des pays où il est une religion (Norvège, Autriche, Suisse). Même aux Etats-Unis, il n’est pas une superstar, la faute aux deux monstres que sont Lyndsey Vonn et Bode Miller et aux sports nationaux : football américain, baseball, basket-ball et hockey sur glace. Plus introverti que son sulfureux compatriote Miller, jamais vu dans la presse people ni dans les pages faits divers, le skieur de Park City ne soulève pas vraiment les foules. Lui s’en fiche royalement, il ne cherche pas la gloriole dans ce sens-là. Mais plus dans "la reconnaissance de son travail", comme le précisait son ami d'enfance Trevor Olch, dans un entretien donné à ESPN.com.
Trevor Olch, toujours à ESPN.com, a décris les habitudes de "Shred" en dehors du ski : "Durant le printemps, il préfère revenir chez lui à Park City pour faire du vélo et de la motoneige plutôt que d’aller voir le Derby du Kentucky (célèbre course hippique courue à Louisville), porter un costume ou faire des vagues à la télévision, afin de se faire remarquer. Ce n’est pas qu’il ne veut pas être connu mais il veut pouvoir vivre sa vie." Sa philosophie de vie, Ligety la résume lui-même en une phrase : "J’aime pouvoir aller dans une épicerie en survêtement sans me sentir obligé de devoir impressionner quelqu’un. C’est agréable de passer sous le radar", disait-il à ESPN à quelques jours des Jeux de Sotchi. Poli, humble, l’Américain est apprécié et respecté dans le petit monde du cirque blanc. Un état d’esprit qu’il doit à l’éducation de ses parents, tous deux agents immobiliers, qui lui ont appris la valeur des choses et les bienfaits du travail.

Parti de rien, il est devenu "bankable" pour les publicitaires

C'est un peu le contraste du personnage. Ligety n'est pas reconnu partout aux Etats-Unis mais il a su faire fructifier ses collaborations et contrats de sponsoring. Parti de rien à ses débuts en Coupe du monde, sauf un sponsor lunettes, l'Américain arborait alors sur son casque vierge le nom de son principal sponsor : "Mom and dad" (maman et papa)". Ce sont eux qui lui ont financé son école de ski à Park City et payé son début de carrière. Assez actif sur les réseaux sociaux, il se plait de temps en temps à rappeler qu'il leur doit beaucoup. Aujourd'hui la donne a changé, les sponsors affluent.

Voir la vidéo de JC Penney
Les succès aidant, Ligety est aujourd’hui suivi et financé par des dizaines de grosses marques américaines tels que Kellog’s, Putnamn Investissments, Coca-Cola, Go-Pro. Sa bouille passe-partout, ses yeux bleus et son côté aventurier ont laissé libre court aux publicitaires. S’il n’est pas aussi vendeur, qu’un Bode Miller, Ligety a réussi à devenir une valeur sûre pour certaines marques. Dernier exemple en date, l'initiative de JCPenney, une grande marque de vêtements, qui a produit le remix du célèbre titre de RnB "No Diggety" du groupe Blackstreet, et l'a transformé en "Go Ligety", pour afficher son soutient au sportif en vue des Jeux Olympiques. Si la démarche n'a pas convaincu sur Internet, elle a fait rire l'intéressé.
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Ted Ligety capture d'écran Youtube JO Sotchi 2014

Crédit: Eurosport

A 29 ans, il possède un sacré palmarès

S’il n’a pas les six médailles olympiques, les 33 victoires et 77 podiums, et les deux gros globes de cristal de Bode Miller, Ted Ligety ne se débrouille pas trop mal. A 29 ans, il peut s’enorgueillir d’un palmarès plutôt complet où seul manque un gros globe de cristal : quatre titres de champions du monde dont deux en géant, 21 succès en Coupe du monde dont 20 en géant, quatre petits globes en géant. Le grand public l’a découvert en 2006 lors des Jeux Olympique de Turin. A la surprise générale, le gamin de 21 ans, habile en slalom à ses débuts, est venu surprendre les rois d’alors en technique lors du super-combiné : Ivica Kostelic et Rainer Schoenfelder. Une course d’un jour qui a indéniablement lancé sa carrière. Quelques jours après les Jeux, Ligety remportait sa première victoire sur le circuit lors du géant de Yongpyong en Corée du Sud. Quatre années auparavant, il avait gagné, à la bagarre dans son club, ses galons comme ouvreur lors du slalom olympique de Salt Lake City remporté par Jean-Pierre Vidal.

En février 2013, l’Américain a réalisé l’exploit de succéder à Jean-Claude Killy comme triple médaillé d’or lors des Mondiaux, à Schladming. Ces deux semaines de compétition restent les meilleures de la carrière de Ligety. En Autriche, il s’est adjugé le géant, le combiné et le Super-G, épreuve qu’il n’avait jamais remportée avant. Un triplé qui l’a fait entrer dans l’histoire de son sport à l'image de sa supersonique saison 2012/2013 où il a aussi égalé les six victoires en spécialité (géant) d'Ingemar Stenmark, une autre légende du cirque blanc. Sa saison 2013, Ligety la doit donc à une méthodologie de travail très intense mais aussi à un mental qui lui a toujours permis de rebondir. Pourtant rien ne le prédestinait à une telle carrière. Selon sa biographie, ses résultats sportifs dans la prestigieuse école de ski de Park City étaient "médiocres". Il ne gagnait rien. Ligety explique à ESPN : "Ne pas être le meilleur quand j'étais plus jeune m'a vraiment beaucoup aidé. Cela m’a donné une éthique de travail très importante. En ski de compétition, vous perdez plus de fois que vous ne gagnez. Donc vous devez avoir cette force mentale pour faire face aux défaites." Entre 2009 et décembre 2013 à Val d'Isère, sur le Face de Bellevarde, Ligety n’était plus sorti durant une manche de slalom géant, ça vous place un athlète. Mais il a dû attendre la fin du mois de janvier pour se relancer en gagnant le combiné à Wengen et le géant à Saint-Moritz après un creux qui lui a coûté sa place de leader au classement du géant. Désormais réconcilié avec les Jeux Olympiques grâce à son sacre lors du géant, l'Américain a franchi une nouvelle étape dans ses objectifs en carrière. La plus importante. "C'est l'épreuve que je voulais le plus gagner et sur laquelle je m'étais moi-même mis beaucoup de pression.Et de s'en sortir comme cela, c'est un sentiment incroyable."
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Ted Ligety JO Sotchi 2014

Crédit: AFP

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