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"Il est doué dans tout ce qu'il fait" : Aux sources du phénomène Clément Noël

Julien Chesnais

Mis à jour 16/02/2022 à 16:30 GMT+1

Laurent Auer était l’entraîneur de Clément Noel quand celui-ci a décroché son premier titre de champion de France en 2010. Lui et Adrien Voirin, son ami d’enfance, nous racontaient l'an dernier l’éclosion du champion olympique de slalom, alors licencié à l’US Ventron, lors de ses deux années dans l’équipe du comité départemental des Vosges.

Clément Noël fête sa médaille avec ses proches dès la descente du podium !

Fixés sur la charpente, trois portraits ornent le salon d'Adrien Voirin. Il y a Jean-Claude Killy, le maître à tous. Bode Miller, son idole. Et Guy Périllat, qui lui avait remis une coupe pour sa 4e place aux championnats de France U14 de super-G. Un autre champion va bientôt remplir la galerie. "J’ai demandé à Clément qu’il me trouve une photo de lui. Mais vu qu’il n’est pas très beau skieur, il a dû mal à trouver quelque chose de bien. J’attends. Bon, il faut aussi qu’il règle ses défauts d’équilibration pour avoir vraiment l’honneur d’être dans mon salon."
En janvier 2021, quand nous l'avions appelé avant le slalom de Chamonix, Adrien se montre volontiers taquin avec l’homme qui n'était pas encore champion olympique de slalom. Clément Noël, c'est son ami d’enfance. Celui avec qui il a gravi tous les échelons, de leurs débuts à 7 ans à l'US Ventron, dans la station de l’Ermitage Frère Joseph, jusqu’à l’internat du pôle espoirs de Gérardmer, où ils faisaient chambre commune, avant que Clément ne file à 15 ans poursuivre sa formation à Val d'Isère. "C'est la personne avec qui j'ai passé le plus de temps dans ma jeunesse" explique le paysagiste de Bussang, à 10 kilomètres du Ménil, le village où a grandi Clément.
Je le laissais quand même gagner un peu
Adrien a été son rival. Son tout premier. Au début, il avait souvent le dessus sur son copain. Si bien qu'un jour, dans une anecdote rapportée par VosgesMatin, Clément lâche à sa mère, Laurence, qui lui avait fait découvrir le ski à 2 ans et demi : "Si Adrien me bat, j’arrête !"’. Heureusement pour le sport français, Clément a fini devant, cette fois-ci. "Je le laissais quand même gagner un peu, chambre aujourd'hui Adrien. Je voyais que son moral était parfois à zéro."
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Noël en or, la Marseillaise retentit une nouvelle fois à Pékin

A l'époque, il n’était donc pas encore question d'un prodige. Juste d'un "enfant comme les autres" rapporte son premier entraîneur Francis Mangel, dans Ski Chrono. "Il avait du talent mais ne surnageait pas encore" nous confirme Laurent Auer, lorsqu’il l’a pris sous son aile à la rentrée 2008, en l’intégrant dans l’équipe du comité départemental des Vosges : "On avait un œil dessus avec le CTS Christan Meyer (qui entraînera ensuite Clément Noël au pôle Espoirs de Gérardmer entre ses 13 et 15 ans). Il avait des qualités et des prédispositions, surtout sur le slalom. En poussins, avant d’intégrer le comité, il avait fait sensation en terminant 2e du Coq d’Or, l’épreuve nationale, sur une épreuve qui combinait une manche de géant puis de skicross. Mais sur les courses vosgiennes, rien de marquant."
Circonstance atténuante : "Sa génération 1997 était assez incroyable de densité. Régulièrement, on avait 4 skieurs dans le top 10 national. C’est d’ailleurs cette émulation, ce collectif qui s’entendait si bien, qui a fait que ça a très bien fonctionné derrière."

En test à Albertville, il explose le chrono sur du gainage

A 11 ans, Adrien Voirin et Clément Noel intègrent donc le comité départemental des Vosges. Première étape dans la filière vers le haut-niveau. "Clément n’était pas morphologiquement en avance, mais il avait déjà un grand gabarit, se remémore Laurent Auer. Il a su très vite utiliser ses grands segments à bon escient. Surtout, il avait des capacités innées de vitesse de pied et de coordination. Sur les exercices de préparation physique, c’était assez incroyable."
Une chose assez rare pour les grands de son genre. "Il était impressionnant sur les jeux avec les cerceaux ou les échelles qu’on pose sur le sol. On lui donnait la consigne, il l’appliquait à la lettre. Il intégrait tout beaucoup plus vite que les autres. Pour ses camarades, ça pouvait parfois casser le moral !"
Il poursuit : "On était allés à Albertville pour passer une batterie de tests physiques dans le cadre d’une évaluation nationale. Clément avait explosé le chrono sur le test du gainage. Ça montrait bien ses capacités physiques, mais surtout mentales. Il ne voulait rien lâcher, il savait ce qu’il voulait. Aller au bout des choses." Mais sans non plus aller dans l’extrême, à vouloir enchaîner les manches d'entraînement jusqu’à l’épuisement. "C'est quelque chose que l’on l’observe chez d’autres, mais pas chez lui. En faire beaucoup plus, non. Mais le faire bien, oui. Il est très à l’écoute." Tout en sachant faire des "conneries" avec les copains quand le moment s’y prête : "On en a eu un certain nombre, des punitions à base d’exercices de puissance maximale aérobie" rigole Adrien Voirin.
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Les boucles dépassent sous le casque de Clément Noël, l'hiver de ses 12 ans, celui de son premier titre de champion de France en benjamins (Crédit : Archives US Ventron)

Crédit: Eurosport

La Streif à pied

A l'époque, Alexis Pinturault - que le grand frère de Clément, Mathieu, issu de la même génération 1991, avait une fois battu - avait pour technicien le frère de Laurent, Arnaud Auer. Une aubaine pour l’entraîneur vosgien. "J'ai pu ainsi me procurer un certain nombre de ses vidéos, explique celui qui a également un cousin technicien auprès de Johan Clarey et Adrien Théaux. Je pouvais montrer aux jeunes ce qui se faisait de mieux au plus haut-niveau. Avec un logiciel, DartTrainer, je faisais des ralentis et des superpositions d’image. C’était un bon support pour leur expliquer comment les meilleurs vont plus vite."
Grâce au soutien financier d’un collectif d’entreprises lorraines, le comité peut organiser des stages estivaux sur les glaciers. Notamment à Hintertux, en Autriche. “Un jour, la tempête nous a empêchés de s’entrainer. On s'est donc organisés pour aller à Kitzbühel et faire une surprise aux jeunes.” Direction la Streif, que l’on peut descendre à pied en suivant un itinéraire pédagogique qui regorge d’anecdotes en anglais et allemand. "Pour monter, on a pris les bennes, qui ont chacune le nom d'un vainqueur de Kitzbühel, se souvient Adrien Voirin. Evidemment, on ne se doutait pas que Clément aurait la sienne un jour."
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Clément Noël monte sur la plus haute marche du podium lors d'une course régionale dans sa station de Ventron, en mars 2008. Mais avant la catégorie benjamins, il n'était pas encore tout à fait le patron. (Crédit : Archives US Ventron)

Crédit: Eurosport

Il se souvient bien de la dernière fois qu'il a battu Clément - en super-G à Val d’Isère, en 2010. Mais s'il ne situe pas le point de bascule précis dans la carrière de son ami, il sentait qu’elle finirait par décoller : "De toute façon, Clément, il est doué dans tout ce qu’il fait. Que ce soit intellectuellement, dans le sport, dans tout. Il est à l’écoute, il apprend vite, et c’est un bosseur. Par contre, faut pas lui donner une clé à molette, ça non ! C’est pas Bob le bricoleur."

Chamonix, "le point de départ"

Pour Laurent Auer, son premier résultat frappant se situe en 2009, lors du Critérium National Benj’S (l’équivalent des championnats de France en U14). Il termine 4e de la première manche du slalom. Pas courant pour un benjamin première année. "Tous les entraîneurs en bord de piste ont été surpris. Malheureusement, il enfourche lors de la seconde manche. Mais il avait montré qu’il était déjà capable de monter sur le podium."
L’hiver suivant, son talent ne fait plus aucun doute. Après s’être distingué sur la SCARA à Val d'Isère (l’équivalent d’un championnat d’Europe), où il se classe 4e d’un slalom remporté par Albert Popov, il remporte à 12 ans son premier titre de champion de France, sur la piste des Planards a Chamonix, le 12 mars 2010. Le premier d'une longue liste.
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Avec la combinaison "spider" popularisée par Bode Miller, Clément Noël s'était révélé à Chamonix en 2010 en terminant 3e de la combi-race et remportant son premier titre national en slalom. (Crédit : Archives US Ventron)

Crédit: Eurosport

"C'est une journée à laquelle je repense régulièrement, confie son ancien coach. La veille, je suis tiré au sort pour tracer la seconde manche. C'est un coup de chance, mais ça m'avait foutu pas mal de pression car Clément était favori. Quand on trace une manche, on essaie de la faire pour ses athlètes, mais ça ne sourit pas toujours. Clément gagne la première manche (il est 2e en fait). Pression supplémentaire…. Mais finalement, tout s'est bien goupillé et il a écrasé le second run. Cette course, c’est le point de départ de son ascension vers le plus haut-niveau.” Il ne manque pas de relever ce clin d’oeil du destin. “Dix ans après, Clément gagne la Coupe du monde de Chamonix."
En 2012, après avoir poursuivi sa formation au pôle espoirs de Gérardmer, le prodige s’installe à Val d’Isère. "Pour passer le cap suivant, il fallait oser partir dans les Alpes. C’est le discours que j’avais tenu à ses parents, se souvient Laurent Auer. C’est compliqué de partir à 15 ans. Mais il l'a bien vécu. Il est tombé dans une famille d'accueill incroyable, les Chevallot (dont le père Patrick, est pâtissier et meilleur ouvrier de France). Après, ça n'a pas été une surprise de le voir franchir tous ces échelons, comité de Savoie, Coupe d'Europe, Coupe du monde. Mais peut-être pas aussi vite. Clément, c'est un beau parcours juqu’à présent. Il n'y a rien à jeter !"
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