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"Avant, on se prenait des bananes" : Comment le ski de fond français a explosé ses limites

Martin Mosnier

Mis à jour 10/01/2024 à 18:39 GMT+1

L'équipe de France de ski de fond vit une folle saison à l'image d'un Tour de ski historique ponctué de sept podiums. Dans l'ombre de l'alpin et du biathlon, ces Bleus ont construit leur force sur un héritage, un collectif soudé comme jamais mais surtout une densité et une polyvalence nouvelles. Des verrous psychologiques ont sauté. Désormais, le ski de fond français ne se fixe plus aucune limite.

Le plus beau Tour de ski de la France ? "En diversité de performances, oui"

C'est l'histoire d'un Petit Poucet qui cause bien des tracas aux ogres du circuit. Le ski de fond français vient de vivre, le week-end dernier, un Tour de ski historique avec trois victoires, sept podiums, dont la troisième place au général pour Hugo Lapalus. Dans l'ombre du prestigieux ski alpin et du biathlon, goinfre en médailles, le ski de fond vit une période faste portée par un collectif soudée et une densité inédite à ce niveau.
"Avant, on avait trois athlètes, au mieux, qui pouvaient viser un top 10. Aujourd'hui, tous les Français sont capables d'en faire un. On n'a jamais eu une équipe aussi dense, on vit un truc de fou", se réjouit Robin Duvillard, ancien médaillé olympique et mondial devenu consultant Eurosport.
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Lapierre en vainqueur héroïque et Lapalus 3e : le finish historique de Val di Fiemme en vidéo

Dimanche, Jules Lapierre a remporté l'ascension de Val di Fiemme, Delphine Claudel est montée sur le podium tout comme, quelques jours plus tôt, Lucas Chanavat et Jules Chappaz alors qu'Hugo Lapalus a fini troisième du général. Depuis le début de saison, avec trois victoires et huit podiums, les Bleus établissent des standards historiques. "Avant, on avait des leaders qui gagnaient, note Alexandre Rousselet, le responsable de l'équipe de France. Aujourd'hui, tous nos athlètes ont brillé à un moment différent et on est fier de cette homogénéité."
Longtemps incarnée par Vincent Vittoz puis Maurice Magnificat, pour ne citer qu'eux, la menace bleue est aujourd'hui polymorphe. Est-ce une question de génération, de matériel, de circonstances ? "La force, c'est l'état d'esprit, diagnostique Olivier Michaud, le directeur du ski de fond à la FFS. Notre sport est discret, c'est un sport de besogneux où le talent ne suffit pas. Si on veut être performant, il faut être collectif. C'est ce qui fait notre plus par rapport à d'autres nations." Le constat est unanime, cette équipe de France est une addition de copains prêts à se sacrifier les uns pour les autres.
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"Le monstre" Chanavat a encore frappé : sa victoire surpuissante en vidéo

Pas de 'fame', budget 8 fois moins importants que les autres…

"L'engagement de nos athlètes est un pilier essentiel de notre réussite actuelle, continue Thibaut Chêne, l'entraîneur de l'équipe masculine. On sait pourquoi on fait les choses. Est-ce qu’on est là pour être vu, pour la 'fame' ou pour la performance ? Si on gagne une Coupe du monde, qu'on ait trois lignes ou une page dans L'Equipe, ça ne change rien. On est très au clair là-dessus. Les gars sont engagés dans leur pratique, ils mettent de l'argent personnel dans ce qu'ils font."
Un collectif soudé autour de buts communs, voilà qui permet de combler le fossé gigantesque qui sépare le ski de fond français des ogres des pays nordiques, norvégiens en particulier, où ni les moyens ni le réservoir infini ne sont comparables ("on est sur un rapport de 0 à 100", image Chêne). "Quand, comme dimanche, des nations viennent nous féliciter… C'est incroyable. On a des budgets 8 fois moins importants que les autres et on vient les taper quand on peut", savoure Rousselet.
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Hugo Lapalus | Group of Athletes | Val di Fiemme 2023-2024 | Tour de Ski 2023-2024 - Stage 6 | Cross-Country Skiing Men | ESP Player Feature

Crédit: Getty Images

On ne s'interdit plus rien
Depuis plusieurs années, des verrous psychologiques ont sauté. Désormais les Bleus savent qu'ils ont leur mot à dire et plus seulement dans les fins fonds du classement. "Depuis une dizaine d'années, la dynamique est exceptionnelle, continue Duvillard. Vincent Vittoz a amené un héritage alors qu'il n'y avait aucune raison de croire aux chances françaises. Aujourd'hui, tous les athlètes ont envie de faire des trucs fous. A mon époque, rentrer dans les 30, c'était déjà un exploit. Ce week-end, Rémi Bourdin fait son premier Tour de ski et claque deux Tops 10, c'est du jamais vu."
Autre avancée fondamentale : skating, classique, sprint ou courses de distance, rien n'est laissé de côté aujourd'hui. "Avant, on se prenait des bananes, on attendait la course en skate un peu plus difficile pour faire éventuellement un truc, se souvient Rousselet. C'est fini parce qu'on a bossé sur la polyvalence et on ne s'interdit plus rien." "Quand j'étais en Coupe du monde, on se demandait s'il fallait aller sur le classique, confirme Chêne. Aujourd'hui, on peut jouer la gagne partout. On se fout du format."
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Lucas Chanavat, vainqueur du sprint de Davos du Tour de ski, le 3 janvier 2024

Crédit: Getty Images

L'absence de Klaebo et des Russes ? "Ça me fait bien rigoler"

L'absence de Johannes Klaebo, la star aux cinq titres olympiques, et des Russes ont aussi ouvert une faille dans laquelle l'équipe de France a su s'infiltrer. "C'est le bémol, tempère Duvillard. Il ne faut pas minimiser la performance des Français mais la concurrence est réduite. La Russie est la deuxième nation en terme de performance." "Ça me fait bien rigoler, répond Chêne, un brin sensible sur le sujet. Klaebo n'était pas là mais Richard Jouve non plus. Et puis, il manquait aussi Bjorn Daehlie (ndlr : légende aux 8 titres olympiques qui a pris sa retraite en 2001) et puis l'Afrique aussi et l'Amérique du Sud… Bien sûr que ça ouvre le jeu mais il manque toujours des athlètes, c'est l'histoire du sport." Reste qu'avec ou sans les Russes, avec ou sans Klaebo, cette équipe de France court derrière un objectif suprême dont elle n'a jamais été aussi proche.
Vingtième nation au tableau des médailles olympiques dans la discipline, elle n'a jamais décroché l'or (une médaille d'argent, quatre de bronze) même si elle l'a tutoyé avec Vincent Vittoz notamment. "Je vous le dis, ma motivation première c'est qu'on ait un champion olympique. Je n'arrêterai pas tant qu'on en aura pas un", prévient Rousselet. Même discours chez le coach de l'équipe de France : "J'y pense tous les jours à ce titre olympique. Comment faire et comment y arriver et l'infuser dans l'esprit de nos athlètes ? Aujourd'hui, il y a de l'enjeu, c'est ce qui est génial. On peut tout perdre mais gagner aussi. Ces enjeux-là, c'est trop bon de les avoir." Ce n'est plus des cailloux que sème le Petit Poucet français mais un espoir de moins en moins fou.
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Delphine Claudel lors de sa victoire en Coupe du monde de ski de fond à Val di Fiemme en janvier 2023.

Crédit: Getty Images

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