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Jeux Olympiques - Paris 2024 - Alexis et Félix Lebrun : "L'objectif, c'est d'être champion olympique"

Martin Mosnier

Mis à jour 27/04/2023 à 19:25 GMT+2

Alexis et Félix Lebrun (19 et 16 ans) devaient être le futur du tennis de table français. Ils en sont déjà le présent. Quelques jours après avoir battu le numéro 1 mondial, une performance qu'aucun Français n'avait réalisée depuis 25 ans, l'aîné vit sa sidérante progression avec un recul désarmant. A un an des JO, le duo est plein de rêves que leur parcours a très vite transformé en objectif.

Alexis et Felix Lebrun lors du tournoi de double des championnats d'Europe

Crédit: Getty Images

Les épaules un peu plus larges d'Alexis trompent l'illusion car en les regardant un peu vite, tous les deux drapés dans des tenus identiques de leur sponsor, le cheveu court et blond, lunettes rectangulaires sur le nez, on aurait pu croire avoir à faire à des jumeaux. Il faut dire qu'Alexis et Felix Lebrun corsent l'affaire : tous les deux jouent au tennis de table et tous les deux font désormais partie de la crème de la crème. Mais Alexis, 19 ans, est un peu plus costaud que Félix, 16 ans. Privilège de l'âge, il est un peu en avance aussi et a signé vendredi dernier un exploit retentissant à l'échelle de son sponsor en battant, en quart de finale du WTT Champions de Macao, le numéro 1 mondial Fan Zhendong.
Une performance rare qui n'avait plus été réalisée par un Français depuis 25 ans. Voilà désormais que les deux frangins font trembler l'Empire du milieu qui règne, sans partage ou presque, sur la discipline. A un an des JO de Paris, nous avons rencontré Alexis, 19e joueur mondial pour le moment, et Félix, la plus grande promesse de son sport et qui occupe le 34e rang au classement mondial. Des classements qui ne signifient pas grand-chose tant leur progression est spectaculaire. Depuis un an, Alexis est ainsi passé du 1055e rang au 19e et le duo ne se fixe pas de limite. Rencontre avec deux gamins bien dans leurs baskets qui accueillent avec beaucoup de détachement l'accélération soudaine et spectaculaire de leur carrière.
Alexis, comment accueillez-vous cette victoire face au numéro 1 mondial alors que cela faisait 25 ans qu'un Français n'avait pas vaincu le meilleur joueur de la planète ?
Alexis : C'est le point de départ de quelque chose. Ça me montre que je suis capable de battre n'importe qui puisque j'ai battu le meilleur et ça me laisse penser qu'aujourd'hui, je peux faire des médailles sur n'importe quelle compétition.
Avez-vous été surpris de battre la référence mondiale ?
Alexis : Oui et non. Je savais que je pouvais lui poser des problèmes. Félix l'avait joué la semaine d'avant et j'avais vu que je pouvais lui poser des problèmes. Son jeu me paraissait bien pour moi. De là à gagner, je n'imaginais pas le battre sur notre première confrontation. Donc un peu surpris quand même.
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Alexis Lebrun lors de sa victoire à Macao face à Truls Moregard, numéro 6 mondial

Crédit: Getty Images

Les Chinois ont deux bras et deux jambes
Est-ce qu'une barrière psychologique tombe dans ces cas-là alors qu'on pense les Chinois intouchables au tennis de table ?
Alexis : Je n'ai jamais trop eu ce complexe. Ils ont deux bras, deux jambes. Oui, ils jouent bien mais sont 'battables'. C'est pour ça que je l'ai battu peut-être. J'aime plutôt bien les jouer parce que ce sont des styles de jeu qui me conviennent bien. Ce sont des jeux très purs avec une balle droite, dans le tempo, propre. Et j'aime bien ça, ce jeu me permet de m'exprimer et de donner des balles moins propres qui vont les embêter. Je me suis toujours bien senti face à eux et j'ai eu l'impression de les embêter.
Félix : Si on perdait contre eux depuis 15 ans, peut-être qu'on aurait une barrière psychologique. On les joue comme les autres, c'est pour ça qu'on les embête. On a un jeu atypique pour eux. En Asie, on ne joue pas trop comme nous. On les gêne aujourd'hui et notre but, c'est de les gêner encore même s'ils vont être de moins en moins surpris par nos services et le reste. Donc il faut qu'on continue à innover et c'est ce qui nous fait vibrer.
Pour remporter un tournoi majeur, on a l'impression que ça revient à battre Roger Federer, Novak Djokovic et Rafael Nadal du temps de leur splendeur. La mission semble impossible.
Alexis : C'est tout à fait ça. Sur le tournoi, j'ai battu le numéro 1 mondial. Ensuite, je devais battre le champion olympique. Et si je battais le champion olympique, il fallait que je batte le dernier Chinois qui a remporté un tournoi de ce calibre-là. Le plus dur, ce n'est pas de battre une fois le meilleur joueur mais les enchainer les uns après les autres.
Est-ce que la plus grande victoire, c’est d’inspirer une forme de crainte chez les Chinois ?
Alexis : Je sens, oui, qu'il y a un peu de crainte chez eux. Ma Long, qui m'a battu en demi-finale et qui est double champion olympique, a dit qu'il avait trouvé le match compliqué face à moi. Pourtant, c'est le joueur que je voyais à la télé quand j'étais petit, celui que j'avais en poster dans ma chambre. Sentir de la crainte et du respect, c'est valorisant.
Félix : C'est une première étape. Au début, ils vont être surpris. Ensuite, ils vont s'y préparer. La deuxième étape, il faudra être le plus fort possible.
On joue jusqu'à 7h par jour, si on ne s'amuse pas, c'est long
On sent qu'il y a un engouement autour du ping-pong français, autour de vous particulièrement. Comment gérez-vous gérez cette effervescence ?
Alexis : Je trouve ça juste cool. Ça reste du ping-pong, c'est pas du foot, il n'y a pas de côté embêtant. Et puis, surtout, on vit des trucs de fou comme jouer devant 8000 personnes en Asie.
Vous avez axé toute votre progression sur le plaisir et l'amusement mais aujourd'hui, les regards vont changer. La France va attendre des résultats. Est-ce qu'on peut garder le plaisir comme notion essentielle quand on a des enjeux de plus en plus énormes autour de soi ?
Félix : Oui. Il faut qu'on garde cet amusement. On joue jusqu'à 7h par jour, si on ne s'amuse pas, c'est long. Il faut garder ce côté plaisir. Parfois, il faudra gérer la pression parce qu'il y en aura de plus en plus. Mais on peut concilier les deux : plaisir et sérieux.
Alexis : Ça reste du sport. Si j'ai fait du ping, c'est pour me faire plaisir et je ne me suis jamais autant fait plaisir que sur le match face au numéro 1 mondial. Plus la pression monte, plus c'est kiffant. Qu'est-ce qui peut plus me faire plaisir que des Jeux Olympiques à Paris ? Il n'y a pas d'autres endroits où je pourrai plus m'amuser…
Avez-vous le même rêve ultime ?
Alexis : Non, il y a une petite différence : moi, c'est être champion olympique avec Félix en argent.
Félix : Exactement. Moi, c'est le contraire. (rires)
Aller chercher une médaille, ce serait incroyable mais...
C'est un objectif dès 2024 à Paris ?
Alexis : Oui. A Paris, l'objectif, c'est d'être champion olympique. Je serais très content déjà de faire une belle performance. Aller chercher une médaille, ce serait incroyable mais je m'autorise à avoir envie de plus. Je ne me mets aucune barrière.
Vous avez 16 et 19 ans. Un Européen atteint, généralement, son meilleur niveau autour des 27 ans. Est-ce que ces JO à domicile n'arrivent pas trop tôt ?
Félix : A 17 ans, pour moi, c'est sûr que c'est tôt. Mais on ne peut pas refuser d'avoir les JO dans notre pays. Le titre olympique à Paris, c'est un rêve et un objectif. Je veux aller le plus loin possible.
Alexis : D'abord, on a essayé de rentrer dans le top 100. Je sentais que je n'étais pas loin. Mais je ne pensais pas que tout irait si vite. Pendant le Covid, on se disait : "C'est quand même dommage que les JO de Paris arrivent si vite… ça aurait été mieux en 2028." Aujourd'hui, on est vraiment dans la course pour les jouer.
Vous rencontrer en quart de finale à Paris en 2024, ce serait une bonne nouvelle ?
A.L. : Oui, ça voudrait dire qu'on est tous les deux dans les huit meilleurs joueurs du monde.
Felix : Ce qui serait parfait, ce serait de se retrouver en finale (rires).
On se bat le temps du match, on se laisse un petit temps de décompression et puis, tout redevient comme avant
Est-ce que c'est plus facile ou plus compliqué à gérer de battre ou de se faire battre par son frère ?
Alexis : Pour l'instant, j'ai toujours gagné. On a pris l'habitude de se dissocier de ça. On se bat le temps du match, on se laisse un petit temps de décompression et puis, tout redevient comme avant. Après les championnats de France (ndlr : Alexis a remporté le titre en battant Félix en finale), on a fêté les médailles tous ensemble. Félix arrive bien à passer à autre chose. C'est la guerre pendant le match. Ensuite, tout retombe.
Félix : Sur le coup, c'est plus dur pour moi de me faire battre par mon grand frère mais ça dure 10 minutes et, après, c'est beaucoup plus facile. Je me dis que mon frère est champion de France et que c'est super pour la famille. Comme je ne l'ai jamais battu, j'espère quand même très fort le battre une fois.
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Félix et Alexis Lebrun lors du double des championnats d'Europe

Crédit: Getty Images

Simon Fourcade a avoué avoir mal vécu de se faire battre par son petit frère, Martin. Vous n'avez pas peur que ces liens qui vous unissent soient mis à rude épreuve le jour où se jouera entre vous une médaille olympique ou un championnat du monde ?
Alexis : Non. Je pense qu'un jour, je perdrai contre lui. Si je le bats toute ma vie, c'est que j'aurai un sacré niveau de jeu parce qu'il est vraiment fort. Mais il fait partie des meilleurs du monde et c'est un adversaire comme un autre. J'arrive à dissocier ça. On est frères, on passe nos journées ensemble. Mais pendant le match, c'est Felix numéro 34 mondial et moi numéro 19.
Vous êtes frères, compagnons d'entraînement, collègues d'une certaine façon. Diriez-vous que vous êtes aussi meilleurs amis ?
Felix : Oui, je pense. Comme on n'est jamais chez nous, on passe énormément de temps ensemble. On est encore plus proche que des frères normaux parce qu'on est toujours l'un avec l'autre. Après, on a aussi d'autres amis à côté. On aime les mêmes choses, on part en voyage 250 à 300 jours par an. Ça resserre les liens.
On a toujours eu une raquette dans la main
Deux frères à un tel niveau, c'est rarissime. Qu'est-ce que vos parents mettaient dans vos céréales le matin ?
Félix : Des Trésor, c'est tout (rires).
Alexis : On joue depuis qu'on est né. On a des vidéos de Félix qui tape la balle à 2 ans. On jouait avec un filet sur deux chaises mais d'aussi loin que je me souvienne, on a toujours eu une raquette dans la main.
Il faut bien finir par vous poser LA question : c'est qui le plus fort des deux ?
Alexis : C'est moi pour l'instant.
Félix : Il est 19e joueur mondial, je suis 34e. Le classement parle et je ne l'ai jamais battu. Mais je compte bien y arriver.
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