"Un des plus beaux jours de ma vie", "des larmes entre les sets" : Les frères Lebrun, un sommet d’émotions

Taquin, Alexis Lebrun avait choisi la musique d'entrée des deux frères avant leur finale aux championnats de France. "Parce que Felix ne sait rien faire à part ses services et ses revers", lançait-il, très chambreur, à son père qui le questionnait sur la playlist du jour juste avant le dernier match du week-end. L'aîné a fendu la foule, nombreuse, du FDI Stadium de Montpellier, sur l'air de Mission Impossible. Avait-il un message à faire passer ? La prophétie dictée par la bande-son s'est réalisée.

Felix, petit frère et merveille du tennis de table, s'est encore incliné en finale au terme d'un duel passionnant, haletant et grandiose (11-3, 11-6, 8-11, 9-11, 11-5, 16-14). Il n'a toujours pas battu son aîné en compétition officielle. Seuls les Chinois et Alexis parviennent aujourd'hui à barrer la route du 5e meilleur joueur de la planète. Alors, le cadet a fondu en larmes quand son frère grimpait sur la table pour savourer son troisième titre consécutif. Une détresse très inhabituelle pour celui à qui tout souri depuis un an.

"J'ai vécu un des matches les plus durs de ma vie en termes d'émotions, a raconté Félix en séchant ses larmes. Je suis content pour Alexis mais j'aurais aimé que ce soit moi. J'étais tendu lors des deux premiers sets et ça a commencé à défiler. Entre les sets, j'avais les larmes aux yeux, j'étais pris de court, il ne me mettait que des avions. J'avais peur d'être ridicule." Il a beau faire partie du top 5 mondial, Felix reste un jeune gamin de 17 ans et, à cet âge, le bouillonnement intérieur n'est pas toujours le meilleur des alliés. Mais parce qu'il est un champion, Felix s'est ressaisi et la finale est entrée dans une autre dimension pour devenir un sommet de jeu. Le combat fut à la hauteur des attentes entre les deux petites merveilles de Montpellier.

Devant leurs amis et leur famille, ce duel fratricide a atteint des sommets d'émotions. Il fallait voir leurs parents se serrer fort en tribune, leur sœur fondre en larmes après la rencontre pour saisir la charge émotionnelle d'une journée si particulière. "C'est un truc de fou, je n'ai pas les mots. On a vécu un moment extraordinaire, nous a confié un Alexis radieux. C'était un match de fou. J'ai vécu un des plus beaux jours de ma vie, je m'en souviendrai pour longtemps."

Le grand a mieux géré ses émotions que le plus jeune ce qui lui a permis d'effacer l'écart de 17 places au classement. "Pour l'instant je garde l'avantage (ndlr : Alexis a toujours battu son frère en compétition), mais j'espère ne pas le rejouer trop vite, parce que ce n'est pas facile, a continué Alexis. Ça fait deux matches où je vois vraiment un n°5 mondial en face de moi. A part les deux premiers sets, son niveau est extraordinaire."

Il a fallu attendre le 30e point du sixième set pour que l'affaire bascule. L'écart n'a jamais semblé aussi mince entre ce duo qui se connaît sur le bout des doigts. De quoi effacer la détresse de Felix ? "C'est dur, ça nous tenait à coeur à Montpellier, on savait que c'était un match différent des autres. La pilule va être difficile à avaler, mais avec le recul, il va se rendre compte qu'on a vécu un moment exceptionnel, veut croire le triple champion de France. Il le sait, c'est un immense champion, c'est avec lui qu'on va aller chercher les plus belles choses avec l'équipe de France."

L'attente qui entoure les deux gamins à quatre mois des Jeux Olympiques atteint des sommets et ce n'est pas ce fantastique dimanche montpelliérain qui va la calmer. Bonne nouvelle pour Felix, les deux frères ne devraient pas s'affronter avant la finale à Paris. De quoi goûter à une revanche ? "On en est encore très loin mais ce serait absolument magique", confie le cadet qui retrouvera le sourire au moment d'envisager l'hypothèse. Il faudra au moins une finale olympique pour supplanter le moment qu'ont vécu ces deux-là ce dimanche.