ATP Brisbane - Reilly Opelka, quel retour et quelle histoire !

Nous sommes seulement le 3 janvier mais on vous parie que cette accolade-là restera une des plus belles de la saison. Novak Djokovic abhorre la défaite. Celle de vendredi à Brisbane ne doit pas le réjouir plus que les autres, surtout à l'approche de l'Open d'Australie, si important pour lui.

Mais disons que certaines sont plus facilement acceptables. Si vous l'avez manquée, jetez un œil à la balle de match face à Reilly Opelka. Après un dernier ace de ce dernier, le sourire du Serbe à l'approche du filet quand ses yeux atteignent le visage de son inattendu bourreau du soir, disent à quel point il sait d'où revient le géant américain.

4 août 2022. Opelka s'incline en huitièmes de finale à Washington contre Nick Kyrgios. En termes de classement, à 25 ans, il est alors au sommet de sa trajectoire, culminant à la 17e place à l'ATP. Il ne le sait pas, nous non plus, mais ce sera son dernier match sur le circuit principal jusqu'au mois de juillet… 2024.

"Ça a été dur, a-t-il admis vendredi après sa tonitruante victoire contre Djokovic (7-6, 6-3), sans doute la plus belle de sa carrière, sur le fond comme sur la forme. Il y a eu beaucoup de doutes. Je regardais Taylor (Fritz), Tommy (Paul), Frances (Tiafoe), Ben (Shelton) à la télé et c'était sympa, ça m'a motivé à revenir." La poussée de la nouvelle génération US, celle dont il était un peu le grand frère avant de descendre du train pour rallier l'infirmerie, a servi d'aiguillon. Tout comme l'inspiration d'un certain Novak Djokovic, envers lequel il n'a jamais tari d'éloges, y compris au plan humain : "Pendant ces deux années, j'ai aussi vu Novak devenir le plus grand. Je me suis demandé ce qu'il ferait dans ma situation".

Des questions, il a eu le temps de s'en poser. Il y a d'abord eu une opération à la hanche, après une lourde chute et la détection d'une tumeur, heureusement bénigne. "La meilleure chose qui me soit arrivée, avait-il confié sérieusement sur le site de l'ATP lors de son retour à Newport l'été dernier. C’était l'opération la plus simple, mineure en quelque sorte. Je peux plier davantage ma jambe droite désormais. J’avais une tumeur là-dedans, il a fallu l'enlever, et ça a amélioré la forme de l'articulation… et mon tennis".

Il pensait alors en être quitte pour tirer un trait sur la fin de saison 2022 avant de revenir aux affaires mais c'est ensuite son poignet qui a fait des siennes et, cette fois, le problème a perduré après une opération infructueuse. La galère, la vraie, a commencé. En dehors d'un retour pour deux petits matches en challenger à l'automne 2023 et un inéluctable abandon, il est resté absent un an et demi de plus.

"Quand on est avec le coude immobilisé et le plâtre jusqu'au bras pendant cinq mois, sans pouvoir redresser le bras, c'est compliqué… Imaginez, en plus, la même chose pour un joueur de tennis, avait raconté Opelka. J'avais tout le temps mal au bras, à l'épaule, au cou, aux nerfs. J'ai voyagé partout dans le monde pour voir des spécialistes pendant huit mois en quête de quelqu'un avec une solution. J'étais en Allemagne pour voir un médecin. J'ai vu un gars en Belgique, j'ai vu un gars à Dallas, un autre à Atlanta, à Los Angeles, je suis allé à Vegas…"

Son retour à Newport, alors qu'il était retombé au-delà de la 1000e place (il est aujourd'hui 293e mais va effectuer un sacré bond lundi prochain), s'était soldé par une prometteuse demi-finale d'entrée, et son été fut globalement encourageant. Mais en dehors de deux succès en Coupe Davis, Opelka avait ensuite achevé 2024 par sept défaites de rang en sept tournois.

Changement de ton à Brisbane en ce début d'année 2025. Trois victoires consécutives contre Federico Agustin Gomez, Matteo Arnaldi et donc, surtout, Novak Djokovic. Personne ne l'avait vraiment vue venir, celle-ci. Mais il a évolué à un niveau stratosphérique face au Serbe, bien au-delà de la qualité bien répertoriée de son service. Le Yankee a cogné comme un sourd sur tout ce qui bougeait, avec un taux de réussite assez invraisemblable. Un match presque facile à jouer pour lui.

"C'est difficile d'être à la place de Novak car la réalité est que nous n'avons rien à perdre contre lui, c'est le plus grand joueur de tous les temps, rappelle-t-il. Vous finissez donc par jouer plus librement et prendre plus de risques. Si vous jouez à votre niveau normal ou même un peu au-dessus de votre niveau normal, il gagnera."

Il faut donc tenter le tout pour le tout. Et vendredi, Opelka a donné l'impression de pouvoir sortir double six aux dés à chaque lancer. C'était son jour et tout le monde a envie d'être content pour lui. Même Djokovic, dans une certaine mesure.

S'il n'en a pas encore l'âge, Reilly Opelka a la sagesse des anciens qui reviennent de loin et en ont vu d'autres. D'où sa grande tranquillité, y compris dans la gestion de ses émotions dans un moment susceptible de générer la victoire la plus prestigieuse de sa carrière. Mais à l'heure de servir pour le match contre Djokovic, il n'a pas cligné une seule fois des yeux. "J'étais juste concentré." Il joue sans douleur et avec plaisir. La victoire est presque secondaire. L'essentiel était ailleurs. En revenant au tennis, Opelka a déjà tout gagné.