Jean-François Caujolle : « Nous non plus, on n’est pas à l’abri »

Alors que l’Open 13 a débuté ce lundi, Jean-François Caujolle, son directeur historique, est revenu avec nous sur les changements récemment annoncés par l’ATP, avec son déplacement au mois d’octobre et la disparition du Moselle Open, qui le rend d’autant plus vigilant sur l’avenir de son propre tournoi.

Jean-François Caujolle, patron de l'ATP 250 Marseille

Crédit: Getty Images

Les années filent, le paysage bouge et l’Open 13 demeure. Pilier incontournable du calendrier hexagonal depuis 1993, le tournoi marseillais a entamé ce lundi sa 33e édition avec, encore et toujours, le même capitaine à sa barre : à 71 ans, Jean-François Caujolle a essuyé les coups durs sans jamais perdre le cap, ni sa verve habituelle.
Alors que l’ATP a récemment acté, lors de l’annonce de son calendrier 2026, la mort du Moselle Open, lui a su tirer profit de cette réfection calendaire en se positionnant au mois d’octobre, un changement qu’il réclamait depuis longtemps.
Une bonne nouvelle qui ne le consolait pas totalement des forfaits successifs d’Arthur Fils, Gaël Monfils (blessés) et, ce lundi, de Giovanni Mpetschi Perricard (grippé). Et l’empêchait encore moins de rester concerné quant à l’avenir, dans un contexte globalement très défavorable pour les tournois 250.
En 2026, l’Open 13 va donc changer de date pour être organisé au mois d’octobre (du 19 au 25). C’est un changement que vous réclamiez depuis longtemps…
Jean-François Caujolle : Depuis toujours ! J’avais postulé à plusieurs reprises pour changer mais, jusqu’à présent, ma demande n’avait pas été acceptée.  Dès le début de l’histoire du tournoi, j’avais signifié à l’ATP que c’était préjudiciable pour nous d’être positionné pendant les vacances scolaires de février. Cette période, c’est un peu l’exode des Marseillais et des gens de la région dont beaucoup partent en vacances au ski. Cela nous pose des problèmes en termes d’hospitalité et de fréquentation du public. Ces derniers temps, cela devenait encore plus compliqué. Entre le début de saison en Australie et la tournée américaine du mois de mars, ce mois de février était celui d’un "International Swing" qui a débouché désormais sur un "mini swing" dans le Golfe Persique, avec l’enchaînement des tournois de Doha et Dubaï qui ont des moyens très importants. Et puis, on sait qu’en 2028, peut-être même dès 2027, un autre Masters 1 000 va venir s’intégrer, possiblement en Arabie Saoudite même si les pourparlers ne sont pas définitifs. Il fallait prendre les devants et s’assurer d’une bonne date. Or, octobre, ça a toujours été une bonne date.  
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Concrètement, qu’est-ce que cette "bonne date" pourra vous amener de plus ?
J-F C : Comme je l’ai dit, c’est déjà par rapport à la partie hospitalité et public. Et sportivement aussi, bien sûr. Aujourd’hui, on voit bien que cela devient de plus en plus difficile d’avoir les meilleurs joueurs. Là, on a récupéré Daniil Medvedev parce qu’il a mal joué en Australie, mais sinon, on n’aurait pas eu de top 10. Avoir un top 10 à cette période de l’année, cela devient presque impossible. Sauf peut-être pour les tournois américains, parce que les Américains sont beaucoup plus protectionnistes. Taylor Fritz et Tommy Paul jouent systématiquement les tournois aux Etats-Unis, même lors des semaines plus contraignantes. En fin de saison, la situation est souvent différente. On peut se retrouver avec cinq ou six joueurs à la lutte pour le Masters, qui ont donc besoin de venir chercher des points sur des tournois 250. À cette période de l’année, on pourrait dire que les joueurs sont fatigués mais ce n’est pas forcément le cas des meilleurs, qui jouent plutôt des mini-saisons en fonction de leurs objectifs qui sont les Grands Chelems, les Masters 1 000 et le Masters.

"Il y a 25 ans déjà, je disais qu’à terme, en France, il ne pourrait plus y avoir que des mégapoles comme Paris, Lyon ou Marseille qui pourraient suivre." 

Vous allez désormais être positionné dans le cadre d’une véritable saison indoor avec en point d’orgue le Rolex Paris Masters, disputé deux semaines plus tard. Cela change-t-il des choses en termes d’organisation ?
J-F C : Pas vraiment, non. En termes de surfaces, on est déjà assez proches. On a le même prestataire aussi pour les balles puisque cette année, pour la première fois, il y a une uniformisation des balles pour l’ensemble des tournois indoor du calendrier (Head).
Par ailleurs, vous serez positionné face aux tournois de Bruxelles et Almaty. Quels seront vos arguments pour convaincre les joueurs de venir chez vous plutôt que chez eux ?
J-F C : Ils seront à la fois financiers, mais aussi sur les structures d’accueil et le flux des joueurs. Sachant qu’il y a le tournoi de Bâle et de Vienne la semaine suivante, Almaty (au Kazakhstan, Ndlr), c’est un peu plus loin. Bruxelles reprend le flambeau d’Anvers où les choses se passaient moyennement. Est-ce que ça sera mieux à Bruxelles ? On verra. Nous, on a la chance de pouvoir nous appuyer sur une économie assez forte, et sur une équipe parfaitement structurée depuis 32 ans pour délivrer un tournoi de grande qualité. Je n’ai pas de souci par rapport à ça. Je pense qu’on est plutôt le leader de ces trois tournois 250.

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Une autre annonce forte de ce calendrier 2026 a été l’annonce de la disparition du tournoi de Metz. En tant que directeur d’un autre tournoi français, pour vous, est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
J-F C : C’est une mauvaise nouvelle dans le sens où ce sont des amis. Après, au-delà des conflits d’actionnaires qui ont été évoqués, il y a une réalité économique des tournois. Chaque année, les budgets augmentent de 7 à 8%, tandis que les standards de l’ATP sont toujours plus élevés. Il y a 25 ans déjà, je disais qu’à terme, en France, il ne pourrait plus y avoir que des mégapoles comme Paris, Lyon ou Marseille qui pourraient suivre. Nous-mêmes, on n’est pas à l’abri. Cela fait longtemps que j’alerte sur notre structure vieillissante du Palais des Sports, mais pour l’instant, rien ne se passe. Or, il y a un moment où l’enceinte ne répondra plus aux normes de l’ATP. Un projet d’Arena devait être lancé il y a quelques années et puis, finalement, le projet a été mis en stand-by. S’il devait être relancé, l’Arena ne sortira pas de terre avant 7 ou 8 ans. Je pense que d’ici là, on aura reçu un avertissement de l’ATP…

"Les tournois 250 sont les principales victimes des Masters 1 000 sur dix jours"

Plus globalement, quel regard portez-vous sur la restructuration du calendrier ATP avec notamment la généralisation décriée de ces Masters 1 000 sur dix jours ?
J-F C : Ça a été un choix essentiellement économique, fait pour répondre aux demandes des principaux actifs de l’ATP, c’est-à-dire les Masters 1 000. L’ATP a le souci de les vendre le plus et le mieux possible. Mais je pense que ce n’était pas nécessaire pour tous. Certains, comme Madrid, méritaient peut-être. Mais Shanghai, c’est une verrue dans le calendrier. Au bout du compte, cela a considérablement alourdi d’autres semaines. D’une manière générale, les joueurs y sont, je pense, défavorables. A la limite, cela permet à ceux qui vont loin d’avoir davantage de jours de récupération, mais ceux qui perdent tôt sont obligés de se "taper" deux semaines sans tournoi. Ok, cela permet à des joueurs classés 60ème ou 70ème d’intégrer directement le tableau final mais ces joueurs-là, qui sont en général ceux qui perdent le plus tôt dans les Masters 1 000, ont aussi perdu l’opportunité de pouvoir se refaire dans des tournois 250, qui sont les principales victimes de cette refonte. Pour le public, ces Masters 1 000 sur dix jours ne sont pas terribles non plus, car ils mettent du temps à se mettre en route et n’aident pas à la visibilité du calendrier. Même sur l’économie globale du tennis, je ne suis pas sûr que ça ait apporté grand-chose. Bref, pour ma part, ça n’est pas une réussite. Mais on verra à l’avenir. Peut-être que dans cinq ans, on se dira que c’était la bonne chose à faire, car d’autres 250 vont disparaître. Quoi qu’il en soit, je ne pense pas qu’une marche arrière soit possible. Pour cela, il faudrait une fronde des joueurs. Mais ça ne sera pas le cas.
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