Monte-Carlo - Andrey Rublev, l'immense soulagement : "Je l'ai fait, enfin !"

Vous ne trouverez sans doute pas grand-monde dans le milieu du tennis pour ne pas se réjouir de la victoire de Andrey Rublev dimanche à Monte-Carlo. On ne parle pas là du joueur, que l'on peut plus ou moins apprécier. Il n'est sans doute pas le plus charismatique personnage de l'histoire du tennis et son jeu n'inspire pas forcément la passion. Mais s'il y a bien un mot qui lui sied, c'est "attachant".

"Dans le vestiaire, il est très aimé de ses collègues. Tout le monde dit qu'il est très gentil", confiait récemment son préparateur mental, Alberto Martin, à l'ATP. "Je ne sais pas si je suis une bonne ou une mauvaise personne, répond-t-il, gêné aux entournures. Personne n'est parfait de toute façon et dans ma vie, j'ai commis beaucoup d'erreurs, j'ai blessé des gens, dans ma famille, des amis. Alors, je pense que je ne suis ni bon, ni mauvais."

Peut-être en a-t-il un peu assez, aussi, d'être catalogué comme le gentil. Comme tout compétiteur, ce que veut Andrey Rublev, c'est surtout gagner. Le Russe est installé depuis un bon moment au sein de l'élite mondiale, mais ce que l'on retenait de lui jusqu'à cette semaine, c'était surtout une forme d'incapacité à muer en passant du statut de très bon joueur à celui, plus enviable, de champion. L'envergure de ce dernier reste encore à déterminer le concernant, mais en mettant son nom au palmarès d'un des plus grands tournois du monde, il a franchi un premier pas.

Enfin, a-t-on envie de dire. Lui le dit, en tout cas. "Quel sentiment incroyable, a-t-il évoqué après sa victoire au bout du suspense en finale face à Holger Rune (5-7, 6-2, 7-5). Après avoir tant lutté, tant de fois, en perdant en finale, en demi-finale, en perdant même plus tôt, je l'ai fait, enfin. Je l'ai fait à Monte-Carlo, un tournoi vraiment historique. Gagner un match comme ça, en étant mené 4-1, 0-30, puis balle de double break contre moi, et être capable de revenir et de gagner un match... C'est comme un conte de fées aujourd'hui."

Andrey Rublev et ses nerfs, son émotivité, ses peurs, son manque de densité dans les plus grands matches… Tout ceci était devenu une image d'Epinal. Une de celle qui colle à la peau et dont on peine à se défaire. On se souvient de ses larmes incontrôlables sur sa chaise à la fin de l'été dernier à l'US Open, alors qu'il venait de s'incliner en quarts de finale contre Frances Tiafoe. Un exemple parmi d'autres de ses manques dans ce type de circonstances.

Avait-il fini par se dire qu'il n'y arriverait jamais ? "Non, je n'ai jamais raisonné comme ça, assure-t-il. Je me disais que si je faisais ce qu'il faut en dehors du terrain, à l'entraînement, j'aurais des chances de gagner des grands tournois. Le fait est que je ne savais pas quand cela allait arriver, cette année, l'année dernière, il y a deux ans, parce que j'ai joué deux finales de Masters 1000 quand même."

De son propre aveu, il ne pensait "pas du tout gagner le tournoi" en débarquant sur le Rocher. Puis, au fil des tours et des victoires, l'idée a germé, même s'il a tout fait pour ne pas trop penser à cette issue. "Je suis presque étonné que ça arrive ici, avoue-t-il, alors qu'il avait déjà abordé un Masters 1000 avec davantage de confiance. "C'est que ça devait arriver ici", sourit Rublev.

En réalité, cette performance couvait depuis déjà quelques mois. Après le désastre final de Flushing contre Tiafoe, le numéro 6 mondial a commencé à remporter des matches qu'il avait si souvent perdus jusqu'ici. Au Masters, d'abord, en battant 7-6 au troisième set une de ses bêtes noires, son ami Daniil Medvedev, puis en s'imposant à nouveau en trois manches contre Stefanos Tsitsipas pour se hisser en demi-finale. Au mois de janvier, en Australie, c'est... Holger Rune, déjà, qui avait fait les frais du nouveau Rublev. Le Danois avait cédé au super tie-break du dernier set en huitièmes de finale à Melbourne.

Ce n'est pas encore parfait, il touche encore parfois ses limites, mais il serait indélicat de considérer que ses nerfs lui ont coûté de grandes victoires dernièrement. Quand il prend le bouillon en quarts de finale de l'Open d'Australie contre Novak Djokovic, il a simplement reçu le tarif maison appliqué par le Serbe sur la Rod Laver Arena.

Avec une équipe toute nouvelle autour de lui, Andrey Rublev semble avoir trouvé son équilibre. "J'ai un nouveau coach mental, un nouveau préparateur physique, un nouvel agent. Tout est neuf à part Fernando." Fernando, c'est Fernando Vicente, son entraîneur de longue date. Alberto Martin, évoqué plus haut, les a rejoints depuis peu. "Ils s'entendent très bien tous les deux, ils sont amis et c'est super de bosser avec eux et de passer du temps ensemble en dehors du court. J'ai besoin de cette connexion au-delà du tennis. Et ça paie."

Si la première consécration d'importance de Rublev fait plaisir, c'est aussi parce que le jeune homme n'a jamais eu peur d'admettre ses failles pour mieux s'y conforter. "Le mental, c'est mon point faible, mais je travaille beaucoup dessus", évoquait-il fin 2022. Fragile, il le demeure sur ce plan. Mais il se soigne. Là aussi, ça paie. Il sera intéressant de voir ce que ce titre en Principauté peut débloquer chez lui. En battant Rune, il a peut-être gagné davantage qu'un Masters 1000 : il s'est ouvert des perspectives.