Rolex Paris Masters | Grigor Dimitrov, l'as du slice

Daniil Medvedev en fait peut-être encore des cauchemars. Mercredi, lors d'une bataille des plus intenses finalement perdue face à Grigor Dimitrov, le Russe n'avait pas ménagé ses efforts pour plier ses longs compas et tenter de trouver une réponse aux variations incessantes adverses. Bloqué long au centre, croisé long, court croisé ou encore le long de la ligne, le Bulgare avait cisaillé la balle dans tous les sens en revers, en alternant avec des coups plus accélérés et recouverts pour ne jamais lui donner la même balle.

En quart de finale vendredi, Hubert Hurkacz, qui fait quasiment la même taille que le Russe (1,96 mètre contre 1,98), a subi peu ou prou la même cuisine. Et si le Polonais a su le contrer par séquences, l'impression générale n'en était pas moins claire : quand l'échange s'engageait, Dimitrov avait l'avantage grâce à cette capacité à maintenir l'incertitude. La comparaison avec Roger Federer a peut-être rarement été aussi pertinente que concernant le revers slicé, particulièrement rasant sur dur indoor. L'actuel 17e joueur mondial a d'ailleurs confié aimer la surface parisienne, mais il n'en a pas fait l'élément-clé dans l'usage de ce coup si familier.

"Je pense que c'est un coup qui fonctionne dans beaucoup de conditions différentes, tout dépend de la manière dont vous allez l'utiliser, a-t-il expliqué en conférence de presse. C'est pour ça qu'à chaque fois que j'entre sur un court, quel que soit sa vitesse, et pas seulement en indoor, si je suis capable de choisir les bons coups, le slice aide beaucoup pour préparer un point. Et c'est vrai que ça a toujours été un coup très naturel pour moi, je l'utilise beaucoup. En fait, c'est probablement l'un des premiers coups que j'ai appris à maîtriser et c'est pour ça que je suis si à l'aise avec. Ça dépend aussi vraiment du joueur contre lequel vous jouez. Le slice n'est pas tout le temps si efficace. Mais je pense que ça vous aide beaucoup à préparer le coup d'après ou à faire quelque chose avec votre coup droit."

Le revers slicé, considéré de manière isolée, ne constitue donc pas en soi une arme miracle, aussi bien frappé soit-il. Dimitrov a en quelque sorte pris la succession de Federer dans le titre officieux de celui qui le maîtrise le mieux. Mais c'est surtout ce qu'il en fait dans l'échange, comme atout fondamental d'une tactique, qui le distingue cette semaine à Bercy. De ce point de vue, le Bulgare n'a pas toujours été aussi pertinent dans ses choix, surtout parce qu'il n'avait pas les jambes pour en exploiter toutes les dimensions : autant en position défensive que pour approcher le filet ou… attirer son adversaire à la volée.

"Il a pris 5 à 6 kilos de muscle pour être précis depuis le début de notre collaboration en décembre dernier, a confié son nouveau coach Jamie Delgado, connu pour avoir travaillé avant avec Andy Murray. Il était devenu très fin. En le regardant jouer, nous avions l'impression qu'il était faible, il ne pouvait pas maintenir son intensité pendant de longues périodes. En un ou deux mois, il a retrouvé son poids idéal en compétition, et on est repartis sur des bases saines."

Et l'entraîneur de poursuivre : "Il a un super slice et c'est toujours une question d'équilibre à trouver dans l'utilisation de ce coup : à quelle fréquence le jouer et dans quel objectif ? C'est un coup que peu de joueurs sur le circuit frappent aussi bien, ça lui donne une dimension différente par rapport à toute la concurrence vraiment. Et je pense qu'il en a fait usage avec intelligence dans ce tournoi, autant en défense que pour préparer ses accélérations."

Beaucoup plus structuré dans son approche des points en cette fin de saison, Dimitrov a par exemple fait le choix de retourner quasi-systématiquement en revers bloqué slicé les premières balles des grands serveurs cette semaine. Sa précision dans ce secteur a fait merveille pour lui permettre d'engager le dialogue en fond de court. Mais à terme, le risque est peut-être de devenir plus facile à lire, alors que son jeu lui offre de multiples options.

"Je pense qu'au début de notre collaboration, il avait besoin de retourner aux fondamentaux qu'il avait perdus de vue. Les meilleurs comme Novak (Djokovic) sont ceux qui les maîtrisent le mieux. Et il est si naturellement créatif et il a tant de variations que je ne pense pas qu'il puisse devenir prévisible pour autant", a encore considéré Jamie Delgado. Tout est une question d'équilibre et de dosage, car abuser du slice pourrait rendre Dimitrov trop passif.

Mais la confiance aidant, il semble des plus lucide de ce point de vue. Et face à Stefanos Tsitsipas, qui l'a battu à six reprises en sept confrontations (mais une victoire partout en indoor), pas question de se priver de cet outil si utile pour imposer ses changements de rythme. Car dans ce duel d'esthètes du revers à une main, s'il y a un domaine où Dimitrov est supérieur au Grec, c'est bien le slice. A lui de continuer à l'utiliser à (très) bon escient pour rallier sa première finale à Bercy.