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ATP Rotterdam : Sinner, Auger-Aliassime, Fils... Avoir deux coaches, effet de mode ou vrai avantage ?

Maxime Battistella

Mis à jour 16/02/2024 à 13:58 GMT+1

Depuis quelques années, de plus en plus de têtes d'affiche du circuit voyagent avec deux entraîneurs. Si Jannik Sinner semble y trouver son compte avec Simone Vagnozzi et Darren Cahill, pour d'autres comme Holger Rune, l'expérience semble moins concluante. Alors est-ce vraiment une bonne idée d'additionner les compétences pour arriver au sommet ? Tout est une question d'équilibre.

Nadal, une dernière danse impossible ?

Novak Djokovic et Roger Federer avaient fait office de précurseurs. Au tournant des saisons 2013 et 2014, le Serbe comme le Suisse avaient ajouté chacun de leur côté une pièce maîtresse à leur équipe en gardant leurs entraîneurs historiques respectifs, Marian Vajda et Severin Lüthi. Boris Becker était venu épauler le premier, tandis que Stefan Edberg avait pris place au côté du second. Clin d'œil du destin, les ex-rivaux dans les années 90 sur le court, s'affrontaient à nouveau en tribunes. Et ce système à deux coaches avait autant souri au "Djoker" qu'au "FedExpress".
Djokovic était ainsi redevenu numéro 1 mondial en fin de saison 2014, juste devant… Federer qui prouvait ainsi qu'il était capable de se réinventer alors que son déclin en 2013 – avec des éliminations au 2e tour à Wimbledon et en 8e de finale à l'US Open et des problèmes de dos – pouvait sembler irrémédiable. Depuis, la méthode a fait bien des émules parmi les têtes d'affiche. Les exemples ne manquent pas : Félix Auger-Aliassime avec Frédéric Fontang et Toni Nadal, et plus récemment Jannik Sinner avec Simone Vagnozzi et Darren Cahill ou encore Arthur Fils avec le duo Sébastien Grosjean-Sergi Bruguera.
Il ne faut pas un ego surdimensionné pour ne pas tenir des discours contradictoires
"Toute la qualité du fonctionnement de deux entraîneurs, c'est d'amener chacun leur propre expérience et être capable de joindre toutes leurs connaissances – et c'est là que c'est le plus dur – pour parler d'une même voix pour faire avancer le joueur, observe Georges Goven, consultant pour Eurosport. Bruguera est plus un spécialiste de terre battue, au niveau du travail de la main pour mettre de l'effet dans la balle et de la conception tactique du jeu. Vous y ajoutez un Seb' qui était un lutin virevoltant sur toutes les surfaces et qui a été capitaine de Coupe Davis... Il y a une belle expérience qui devrait servir Arthur. Si c'est bien utilisé, ça ira dans le bon sens."
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"Fils, le vent de fraîcheur du tennis français et futur leader de la nouvelle génération"

Avoir à ses côtés autant d'expérience est forcément un luxe, un atout de nature à gagner du temps sur le circuit, à passer plus vite des étapes obligatoires pour les jeunes joueurs prometteurs qui ont les moyens de s'offrir deux experts de cette envergure. Car cet avantage potentiel ne concerne qu'une certaine catégorie de tennismen, ce qui appuie encore l'idée d'un circuit à deux vitesses entre les cadors et les autres. Mais ce n'est pas aussi simple que cela, tant les enjeux de pouvoir et d'argent sont forts.
"Pour se le permettre, il faut une certaine surface financière en effet. Ça peut être bénéfique mais dans la mesure où un certain nombre de règles éthiques et de bon entendement sont respectées. D'abord, il ne faut pas un ego surdimensionné où un des coaches pense qu'il est le roi du monde et que s'il n'est pas là, le joueur ne sait pas jouer. C'est une notion d'altruisme qui est extrêmement importante, parce que la difficulté pour les deux coaches, ça va être de lier tout ça et de ne pas tenir des discours contradictoires. Si l'un veut faire plus de service-volée et que l'autre n'est pas d'accord, ça n'ira pas", explique Georges Goven qui a notamment entraîné Alizé Cornet et Kristina Mladenovic.

Lutte d'influence et poids de l'entourage

Plusieurs exemples le confirment d'ailleurs. Pendant quasiment un an, Stefanos Tsitsipas a ainsi bénéficié des conseils conjoints de son père Apostolos, qui l'a toujours entraîné, et de l'ex-champion australien Mark Philippoussis. Après quelques résultats assez prometteurs dont une finale à l'Open d'Australie, le Grec avait décidé de mettre fin à l'expérience, estimant avoir besoin de plus de clarté. Implicitement, il indiquait ainsi que les deux voix étaient discordantes et après plusieurs allers-retours entre Apostolos et Philippoussis, il a décidé de ne conserver que son père à ses côtés.
On comprend ici que se jouait donc une lutte d'influence qui ne pouvait être bénéfique. Et pour que l'association de deux coaches soit un bonus, il faut aussi qu'ils soient pleinement acceptés par l'entourage du joueur. Le cas Holger Rune est, de ce côté, particulièrement intéressant. Alors que le Danois avait constitué une "Dream Team" autour de lui à l'inter-saison avec les anciens coaches de Djokovic et Federer, Becker et Lüthi, elle n'existe déjà plus. L'Allemand et le Suisse, qui semblaient avoir des qualités complémentaires, ont tous les deux rompu avec le Danois à une semaine d'intervalle, invoquant officiellement les mêmes raisons de manque de "disponibilité".
Une justification pour le moins étrange, surtout quand les fondations de cette double collaboration avaient été posées pour préparer la saison 2024. Andy Roddick s'en est d'ailleurs étonné dans son podcast "Served". "L'expertise de Becker est précieuse, comme je l'ai eue avec Jimmy (Connors, NDLR). Mais ce n'est pas quelqu'un qui va dire oui à tout. Je ne sais pas ce que Rune va faire à partir de maintenant, je ne sais pas avec qui il s'entretient en ce moment. Mais si vous êtes un grand coach en ce moment et que vous envisagez une collaboration, le fait qu'il ait eu trois ou quatre entraîneurs différents en quatre ou cinq mois montre qu'il y a quelque chose de difficile à gérer en coulisses", a estimé l'ex-champion américain.

Sinner a trouvé la clé en répartissant bien les rôles

Et pour cause, Rune avait déjà tenté une expérience à deux coaches la saison dernière, aux côtés de son entraîneur historique Lars Christensen et de Patrick Mouratoglou, avant de choisir l'un puis l'autre, puis de se séparer des deux. Dans un milieu où l'ego a une place aussi importante et où le joueur paie celui ou ceux qui l'entraîne(nt), avoir deux mentors peut aussi bien être un avantage qu'un… handicap. Cela dépend avant tout des personnalités et de leur capacité à se répartir les rôles.
Jannik Sinner a, lui, trouvé son équilibre depuis près de deux ans. "En général, la dimension technique et tactique relève plus de la responsabilité de Simone (Vagnozzi, NDLR), confiait-il en conférence de presse à Melbourne. Le côté émotionnel, me dire les bons mots avant le match, me donner de la confiance, pas seulement à moi mais à toute l'équipe d'ailleurs, c'est un petit peu plus le 'job' de Darren pour ainsi dire. La combinaison des deux est vraiment sympa. Ils ont beaucoup de respect l'un pour l'autre. Aucun ne veut prendre le dessus sur l'autre, ils sont toujours sur la même longueur d'onde."
Grâce à son état d'esprit, à son caractère et à des valeurs louées par ses entraîneurs, l'Italien a fait de sa structure à deux têtes un atout majeur. Reste que son exemple n'a pas valeur de règle générale et n'est pas à la portée de tout le monde pour une seule et bonne raison : il faut être capable de créer les conditions de l'harmonie.
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