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Lendl, tout sauf une plaisanterie

Laurent Vergne

Mis à jour 19/11/2018 à 20:14 GMT+1

Sorti de nulle part, Ivan Lendl avait permis à Andy Murray de s'émanciper de son statut de perdant magnifique en Grand Chelem. Collaborant depuis cet été avec Alexander Zverev, l'ancien numéro un mondial est peut-être en train de contribuer à une autre mue décisive. Toujours aussi peu expressif et souriant, il est efficace. C'est l'essentiel.

Alexander Zverev et Ivan Lendl

Crédit: Getty Images

"Le champion dont tout le monde se fout". En septembre 1986, après son deuxième succès consécutif à l'US Open, et au plus fort de sa domination sur le circuit, le magazine Sports Illustrated n'avait pas épargné Ivan Lendl. Cette étiquette lui avait collé à la peau jusqu'à la fin de sa carrière. On peut penser que Lendl, dont l'avis des autres en général et celui des médias en particulier lui touchait une corde de sa raquette sans réveiller l'autre, s'en moquait un peu. Aujourd'hui, le coach Lendl suscite davantage de louanges. Le champion dont tout le monde se foutait est devenu l'entraîneur qui vous change une carrière.
Totalement en dehors du circuit pendant près de vingt ans après sa retraite, Lendl avait surpris en devenant le coach d'Andy Murray fin 2011. Une union improbable sur le papier, mais qui a porté ses fruits. C'est sous la houlette de l'ancien champion tchécoslovaque devenu américain que Murray a décroché ses premiers titres majeurs en 2012, d'abord aux Jeux de Londres puis à l'US Open dans la foulée. Un an plus tard, il triomphait à Wimbledon. Après une séparation, les deux hommes ont renoué à l'été 2016, ce qui a coïncidé avec un semestre faste pour l'Ecossais, jusqu'à le propulser à la première place mondiale, même si la présence de son entraîneur était alors plus sporadique.
On a juste parlé golf tous les deux
Cette fois encore, Ivan Lendl est peut-être en passe de permettre à un autre joueur de franchir un cap décisif. Depuis la mi-août, Alexander Zverev s'est attaché ses services. Trois mois plus tard, cette collaboration a débouché sur le triomphe du jeune Allemand au Masters de Londres, où il est apparu transfiguré ce week-end contre Roger Federer puis Novak Djokovic.
Lorsqu'il a recruté" Lendl cet été, Zverev n'avait pas spécifié la nature de son rôle. Même dimanche soir, il n'a pas voulu s'épancher trop longuement. Interrogé à propos de l'apport précis de son coach dans la préparation de la finale face à Djokovic, il a répondu "aucun. On a juste parlé golf tous les deux." La boutade passée, il a estimé que Lendl avait "évidemment analysé de près mon premier match contre Novak (perdu en deux sets). Il m'a dit quelques trucs que je devais faire différemment. Etre plus agressif, essayer de prendre la balle plus tôt. Ce genre de choses."
Alors, l'ancien numéro un mondial aux huit titres du Grand Chelem est-il juste un porte-bonheur, une sorte de Didier Deschamps d'Ostrava, ou son savoir-faire a-t-il déjà porté ses fruits ? Lendl est peu prolixe sur son travail. Il est peu prolixe d'une manière générale. Mais son bilan parle pour lui. Il ne joue pas sur l'affectif, mais sait visiblement trouver les mots qu'il faut. Ce fut encore le cas à l'O² Arena.
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Alexander Zverev et Ivan Lendl, un duo qui marche déjà à plein régime.

Crédit: Getty Images

Antidote idéal au doute
Samedi, Zverev a été affecté par les sifflets du public à son encontre lors de son interview sur le court après sa victoire contre Federer, comme pour lui faire payer ce point rejoué à sa demande dans le tie-break du deuxième set. "C'était dur, parce que j'étais sensé être le gars le plus heureux sur terre après avoir battu Roger, et j'étais un peu perdu, perturbé, a expliqué l'Allemand sur Sky Sports dimanche soir. Ivan m'a parlé et m'a dit : 'écoute, oublie ça, il n'y a rien de personnel là-dedans. Ce n'est pas contre toi. Ce sont des fans de Roger, il mérite d'avoir plus de supporters que n'importe qui d'autre, c'est tout. Profite juste de cette finale.'"
Au moins psychologiquement, Lendl semble lui apporter un regard sur lui-même dont il avait besoin. Même s'il n'a encore que 21 ans, Zverev a accumulé son lot de frustrations depuis un an et demi. Si le doute a pu pointer chez lui, Lendl était sans doute l'antidote idéal. De la même manière qu'il avait su apaiser un Murray incapable de concrétiser dans les grands tournois, il rassure sans aucun doute son nouveau poulain. Comme quand il faut s'attaquer à deux monstres en 24 heures. "Ivan a une telle expérience, un tel vécu sur le court et en dehors... Ça m'aide beaucoup à pouvoir délivrer le genre de tennis que j'ai joué ces deux derniers jours", a-t-il jugé dimanche.
S'il est un partenaire de travail adéquat, c'est aussi parce que Lendl ne s'immisce pas plus qu'il ne le faut dans l'entourage de son joueur. Il était réputé pour quitter rapidement le stade après les matches, et ne pas s'éterniser avec le team du Britannique. Cela convient sans doute à Sascha Zverev, qui tient à préserver la place de ses parents, Irena et Alexander Sr, qui ont été ses premiers entraîneurs dès le plus jeune âge et l'ont accompagné vers les sommets.
Pertinence des choix
Après sa victoire au Masters, il a d'ailleurs tenu, après avoir évoqué Lendl, à souligner l'importance de son père : "Ivan m'apporte beaucoup, mais mon père est celui qui m'a donné la base. Mon père est celui qui m'a appris le tennis. Je lui en suis très reconnaissant. Tout ce que je fais sur le court, c'est grâce à mon père, parce qu'il est là depuis 21 ans. C'est comme ça. Je veux dire, il a construit mes fondations. Il a construit la personne que je suis."
Reste que s'il est allé chercher Lendl, c'est qu'il en avait besoin. Et il ne doit pas regretter son choix. Même au plan tennistique. Avec Murray, son principal apport avait constitué à rapprocher l'Ecossais de sa ligne de fond et à se montrer plus agressif. Chez Zverev, la grosse différence entre les deux derniers matches et ce qui a précédé, tient à la pertinence des choix. Oui, il s'est montré plus agressif, mais il a surtout su choisir les moments où il fallait l'être. On peut y voir la patte de Lendl.
Juste avant le début du Masters, Sascha Zverev avait demandé de la patience. "On verra sans doute l'apport d'Ivan dans mon jeu l'année prochaine, là c'est encore un peu tôt, avait-il dit, avant d'ajouter : mais j'espère qu'on commencera à le sentir dès cette semaine." C'est réussi, et pas qu'un peu. Reste à l'accompagner vers un sacre plus important, plus imposant, en Grand Chelem. Et s'il est un peu plus compliqué d'être sceptique de l'avenir de Zverev après Londres, il est plus audacieux encore de douter de son coach. Ces deux-là peuvent aller loin.
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Alexander Zverev avec son coach Ivan Lendl après sa victoire au Masters.

Crédit: Getty Images

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