Bilan ATP - Les 10 matches de l'année 2024 : Alcaraz-Sinner, le bijou pékinois

Il y en avait pour ceux qui aiment les oppositions de styles, ceux qui raffolent des combats à rallonge (près de 5 heures, tout de même), qui goûtent le suspense et les gauchers. Adrian Mannarino et Ben Shelton ont régalé à Melbourne dans ce 16e de finale en janvier dernier. Un sacré show pyrotechnique et, à l'arrivée, une victoire notable pour le vétéran tricolore, qui signait alors son troisième succès en trois sets dans cette première semaine de l'Open d'Australie ! La suite de sa saison s'avèrera beaucoup plus compliquée, mais ce match-là reste, incontestablement.

Espérons qu'Alexander Zverev nous pardonnera et, promis, il n'y a aucun acharnement : mais si l'Allemand a beaucoup gagné en 2024, c'est pour… trois défaites que l'on va le retrouver dans ce classement. Et encore, nous n'avons pas inséré son échec en finale de Roland-Garros contre Carlos Alcaraz, le plus douloureux de tous pour lui. Mais pour un grand match, il faut être deux et Zverev a souvent été là pour ça. Comme à Miami contre Grigor Dimitrov. Le Bulgare, déjà tombeur de Carlos Alcaraz, a vécu en Floride non pas sa meilleure vie mais sa meilleure semaine de 2024. Et cette volée-réflexe d'anthologie pour le break décisif dans le dernier set est un "must see". Dire qu'il restait sur sept défaites contre Zverev…

Il faut de tout pour faire un monde et de tout pour construire ce type de classement. Même un deuxième tour de Roland-Garros entre Holger Rune et Flavio Cobolli. La saison de Rune a été compliquée, sa crise de croissance semble se prolonger, mais le Danois possède toujours cet instinct et ce goût de la baston qui, par moments, donne à ses matches un parfum assez savoureux. Mené deux sets à rien, Cobolli revient et quand il mène 5-0 dans le super tie-break, on le croit parti pour concrétiser un sacré comeback. Mais c'est Rune qui finit sur un 10-2 pour s'en sortir. Peut-être pas le match de la saison, mais le thriller de l'année, oui.

3e tourCarlos Alcaraz bat Frances Tiafoe 5-7, 6-2, 4-6, 7-6, 6-2

L'été de tous les doublés pour Carlos Alcaraz. Un doublé anglais, en conservant son titre à Wimbledon. Un doublé de la Manche, en compilant Roland-Garros puis Londres. Mais ces deux "back to back" ont failli s'évaporer dans ce troisième tour face à Frances Tiafoe sur le Centre Court. L'Américain l'avait annoncé, il se sentait capable de battre l'Espagnol. Il n'aura pas raison jusqu'au bout mais en menant deux sets à un avant de céder seulement au tie-break dans la quatrième manche, Tiafoe est passé près de l'exploit dans ce match de haute volée. Mais une fois au cinquième, Alcaraz devient presque injouable en Grand Chelem…

Si le tennis est "la boxe sans le sang", si ce sport donne sa pleine mesure quand il transforme l'opposition technique et quelque chose de plus animal et viscéral, cette finale de Hambourg entre Arthur Fils et Alexander Zverev se pose là. Au-delà de la qualité du match, réelle, c'est l'affrontement physique et plus encore psychologique qui restera. Avec une vraie tension entre les deux hommes dans la partie finale. Le jeune Fils a beaucoup grandi ce dimanche de juillet, décrochant le premier titre important de sa carrière, surtout sur les terres du grand Sascha, Hambourgeois de naissance. Elle avait de l'âme et un sacré coffre, cette finale.

Pour être honnête, il est tout à fait possible de considérer que la demi-finale entre Daniil Medvedev et Alexander Zverev a constitué le vrai sommet de cette quinzaine australienne. Mais cette finale est sans aucun doute un des matches les plus importants de l'année, annonçant l'arrivée au sommet de Jannik Sinner et marquant au fer rouge Medvedev.

Le tennis masculin a basculé dans ces dernières journées à Melbourne, avec les deux victoires capitales de l'Italien contre Djokovic (demie) puis Medvedev (finale). Puis on ne gagne pas tous les jours une finale majuscule en remontant un handicap de deux sets. Bon, Medvedev, lui, a réussi à en perdre deux en deux ans avec un tel scénario en Australie. Après Nadal 2022, Sinner 2024. Mentalement, mais plus encore physiquement, le Transalpin a été d'une solidité invraisemblable ce jour-là sur la Rod Laver Arena.

Le jour où Novak Djokovic a définitivement tué le "game", anéantissant le dernier "oui mais" sur lequel ses détracteurs ou ses "haters" pouvaient encore s'appuyer. "Oui mais il n'a pas gagné l'or olympique". Il lui manquait cela, c'est vrai. Depuis le 4 août 2024, plus rien ne lui fait défaut. Si son année a été complexe, avec des problèmes physiques et, parfois, sans doute aussi quelques petits soucis de motivation, cette médaille d'or olympique efface tout le reste. Laminé trois semaines plus tôt par Carlos Alcaraz en finale de Wimbledon, le Serbe sort cette fois son meilleur match de l'année, au meilleur moment. Ce Djoko-là reste une référence absolue. On ne l'a pas vu souvent en 2024, mais juste à temps pour s'installer, enfin, sur le toit de l'Olympe.

Il fallait être solide sur ses appuis pour tenir jusqu'au bout de ce troisième tour entre Novak Djokovic et Lorenzo Musetti, achevé à… trois heures du matin sur le court Philippe-Chatrier. Mais les courageux qui sont restés n'ont pas eu à le regretter. 4h29 d'un combat assez colossal. Il n'a manqué qu'un dénouement à la hauteur pour conférer à ce match un caractère encore plus impactant. Mais Musetti a coincé en pleine nuit et Djoko lui a infligé un "bagel" pour finir. Mais en cette année assez chiche en matches inoubliables en Grand Chelem, celui-ci fait clairement partie de ceux qui sortent du lot.

Au cœur de l'été, les Masters 1000 au Canada et à Cincinnati sont presque passés un peu inaperçus après le brutal enchainement Roland-Garros / Wimbledon / Jeux Olympiques et avant l'US Open. Pourtant, l'Ohio a offert un des sommets de la saison lors de cette demi-finale entre Jannik Sinner et Alexander Zverev, qui finiront l'année aux deux premières places du classement mondial. Un bras de fer comme on les aime, qui allait définitivement lever les doutes autour du physique de l'Italien, dont la hanche semblait grincer.

Comme souvent, Zverev a fini avec des regrets, dès la première manche perdue 11-9 au jeu décisif malgré deux balles de set. C'est encore au tie-break que l'Allemand a vu la victoire s'envoler dans le dernier set, joué sans la moindre balle de break de part et d'autre. C'était du lourd, du brutal et de l'intense pendant trois sets. "Un match extrêmement excitant à jouer" résumera Sinner. Et à regarder, aussi.

Le voilà donc LE match de l'année 2024 dans le tennis masculin. Comme les choses sont parfois bien faites, c'est un duel entre les deux joueurs qui ont dominé la saison, se partageant notamment les quatre titres du Grand Chelem. En prime, c'est une finale, même si ce n'est "que" un ATP 500. Pékin a donc été gâté en tirant le gros lot. Bataille tactique superbe, points de martiens, confirmation d'une rivalité désormais bien ancrée et un scénario épique, jusqu'à ce tie-break final.

Peut-être une des défaites le plus douloureuses de l'année pour Jannik Sinner, qui n'en a pas connu beaucoup. Mais il semblait avoir légèrement le dessus dans le dernier acte et quand on mène 3-0 dans le tie-break décisif... Si l'Italien est l'incontestable patron du circuit, Alcaraz continue de le regarder en face et même, pour tout dire, d'un peu plus haut. Derrière ses deux victoires à Roland-Garros et Wimbledon, c'est la victoire la plus savoureuse de l'année pour le Murcien. Vivement le prochain Sinner-Alcaraz.