Serbie : C'est historique

La France a les moyens, à Belgrade, de remporter la dixième Coupe Davis de son histoire. Ce serait très beau sur la carte de visite. Il est possible que cela vaille une réception à l'Elysée. Il est souhaitable que cela allège un peu l'humeur du pays, mais si cela arrive, cela ne durera que quelques jours. Son adversaire se prévaut d'un moteur beaucoup plus puissant. Cela ne garantit pas la victoire, mais l'équipe de Bogdan Obradovic se sent portée par le souffle de l'histoire. Slobodan Zivojinovic, le patron de la fédération serbe, ne retient pas sa frappe : "L'importance de cette rencontre est incommensurable. Cette finale est le plus grand événement sportif de la dernière décennie en Serbie. En tant qu'ancien joueur, j'estime que le résultat réalisé par l'équipe est la réalisation d'un rêve, nous voulons organiser quelque chose qui n'a pas encore été vu."

Ancien demi-finaliste à Wimbledon (1985), membre de l'équipe yougoslave battue par la France à Pau sur la route du sacre de 1991, Zivojinovic sait tout de l'impact que pourrait avoir une victoire en Coupe Davis pour une nation jeune, indépendante du Montenegro depuis 2006, qui cherche autant à s'affirmer en Europe qu'à éclaircir une image brouillée par la violence de ses hooligans en marge de certains événements de football. "Ce n’est pas la première fois que les Balkans accueillent une finale de Coupe Davis puisque les Croates avaient gagné chez eux en 2005, mais c’est la première fois ici, témoigne Srdjan Djokovic, le père de Novak. Les sportifs sont le meilleur produit d’exportation de la Serbie. Cette finale est très importante pour l’image de notre pays qui est souvent négative. Nous voulons montrer que nous savons accueillir un tel évènement sans problème, avec une super ambiance, c’est ça le plus important. S’il y a la victoire au bout, ce sera encore mieux."

Star du handball français et mondial, né en Serbie d'un couple serbo-croate, Nikola Karabatic explicite sans tabou le lien direct entre la réussite sportive et l'impact politique d'un succès en Mondiovision. "Les pays qui ont pris leur indépendance ont envie de s’affirmer en tant que tel, dit le joueur de Montpellier. Depuis que l’ex-Yougoslavie a éclaté, ces pays ont envie de montrer au monde qu’ils existent. Et le sport est l’un des meilleurs moyens pour cela. Un sport qui réussit, que ce soit le tennis, le hand, le volley, la natation, le water polo, c’est bon pour la nation. Et en extrapolant un peu, ça l’est aussi pour la politique."

Plus attaché à la cause sportive - même s'il n'est pas toujours discret sur sa fibre patriotique - Novak Djokovic assure que la Coupe Davis est en soi "quelque chose d’énorme" en Serbie. "Tout a commencé en 2007 lorsque nous avons rencontré l’Australie en barrage pour intégrer le groupe mondial, dans la Belgrade Arena, construite pour le championnat d’Europe de basket en 2005, une formidable expérience, se souvient le N.3 mondial. Chaque jour, la salle avait fait le plein. C’était incroyable." Djokovic n'a aucun mal à imaginer l'impact d'une victoire : "Dans l’histoire du sport serbe, nous avons brillé en basket, handball et volley-ball. Remporter la Coupe Davis pourrait signifier que nous sommes l’une des plus grandes nations sportives au monde." Karabatic encore : "Il faut bien comprendre que l’amour du drapeau, la fierté nationale n’a rien à voir dans un pays comme la Serbie, par rapport à la France. C’est difficile à réaliser vu d’ici." La Serbie a envie que cela devienne très concret dès vendredi.