Le guerrier de Séville

Travailler plus pour gagner plus? N'en parlez pas à Juan Martin Del Potro. L'Argentin a trimé pendant près de neuf heures ce week-end en l'espace de deux matches. 4h44 contre David Ferrer le vendredi. 4h03 contre Nadal le dimanche. Deux combats de titans. A l'arrivée, deux défaites. Le colosse de Tandil, véritable guerrier de Séville, ne méritait sans doute pas ça. Il a fini cette finale de Coupe Davis sur les rotules et en larmes. Parait que le travail paie... Peut-être pas tout de suite. Mais si l'évidence ne saute pas aux yeux dimanche soir, ces deux matches, et tout particulièrement celui contre Nadal, incitent plus à l'optimisme qu'au désespoir.

Une fois la déception digérée, Del Potro mesurera sans doute mieux à quel point sa performance andalouse porte en elle les fruits d'une saison 2012 prometteuse. Franchement, on a rarement vu Rafael Nadal malmené de la sorte sur terre battue. Jamais, peut-être. Il n'y a pas 36 solutions pour battre le sextuple vainqueur de Roland-Garros sur sa surface fétiche: il faut l'agresser. En permanence. A chaque frappe. C'est la seule issue. Le seul moyen de l'empêcher d'imposer son jeu. Robin Söderling, unique vainqueur du champion de Manacor sur terre dans un match en cinq sets, avait su le faire à Roland-Garros en 2009. Del Potro, à grands coups de parpaings distribués dans tous les sens, est parvenu lui aussi à étouffer Nadal.

S'il n'a pu aller au bout de ses intentions, c'est avant tout parce qu'il a connu un énorme trou physique pendant plus d'un set et demi, quand Nadal a remporté 10 jeux sur 11 à partir de 4-4 dans la deuxième manche. S'il n'avait pas joué près de cinq heures vendredi, l'issue du match aurait-elle été différente? On ne le saura jamais, mais il n'est pas interdit de le penser. "J'ai l'impression d'avoir fait un très bon match, comme contre David vendredi, a confié Del Potro. Mais face à eux, ça ne suffit pas. Ils sont quasiment intouchables sur terre battue." Pour un intouchable, Nadal a quand même été bien secoué...

Le numéro deux mondial ne l'a d'ailleurs pas caché, il a été très impressionné par la performance de son adversaire. "Ca a été un match très compliqué pour moi, a admis Nadal. Il a réussi des coups fantastiques du fond du court. Des coups que seul lui sait faire. Il a été brillant." A tel point que Rafa voit l'Argentin rejouer dans la cour des très grands en 2012. "Pour moi, c'est un candidat évident pour la place de numéro un mondial, a-t-il estimé. Il sera inarrêtable la saison prochaine si les blessures le laissent tranquille." "C'est difficile de se projeter vers 2012 pour l'instant. Il y a trop de fatigue et de déception", tempère Del Potro.

Difficile pourtant de ne pas être d'accord avec Nadal. On a beaucoup parlé du "Big Four" ces derniers mois. C'est vrai, Djokovic, Nadal, Federer et Murray ont creusé un écart avec la concurrence. Mais Del Potro y a toute sa place. Rappelons que, depuis Roland-Garros 2005, quatre joueurs seulement ont remporté des tournois du Grand Chelem. Les trois premiers du classement actuel, plus Del Potro. Rappelons aussi que l'Argentin a débuté l'année à la 485e place mondiale. C'est peu dire qu'il repartait de loin après ses nombreux pépins physiques. 2011 a été l'année de la reconstruction. Cette phase s'est achevée dimanche à Séville. Désormais, place à la reconquête.