Dopage - Trimétazidine, un mois de suspension, appel : l'affaire Swiatek expliquée
Publié 29/11/2024 à 12:35 GMT+1
Iga Swiatek a écopé d'une courte suspension après un contrôle positif. L'Agence internationale pour l'intégrité du tennis (ITIA) a choisi de la sanctionner d'un mois de suspension pour son contrôle à la trimétazidine. De quoi se poser quelques questions sur cette affaire.
Iga Swiatek.
Crédit: Getty Images
Après Jannik Sinner, Iga Swiatek. Après le numéro 1 mondial, la numéro 2 mondiale. Le monde du tennis vit une année mouvementée avec des contrôles positifs à une substance interdite de deux de ses principaux leaders. Et comme pour l'Italien qui n'avait pas été sanctionné, l'Agence internationale pour l'intégrité du tennis (ITIA) semble s'être montrée très clémente avec la Polonaise, avec une suspension d'un mois. Car comme pour Sinner, l'ITIA a accepté son explication d'une contamination accidentelle.
De quoi surprendre et en étonner plus d'un sur le circuit, où règne cette impression de deux poids, deux mesures. "Un mois d'interdiction, hum...", s'est étonné le Canadien Denis Shapovalov sur X alors que Simona Halep a partagé sa colère. Pour comprendre tout cela, il faut déjà se pencher sur l'origine du contrôle de la quadruple lauréate de Roland-Garros. Cette dernière a été contrôlée positive à la trimétazidine, "dans un échantillon prélevé hors compétition en août 2024". Et elle s'est défendue en expliquant avoir été contaminée après avoir pris de la mélatonine pour lutter contre le décalage horaire. Or des traces de trimétazidine ont été retrouvées dans de la mélatonine produite et vendue en Pologne.
La trimétazidine ? "Aucune étude prouve qu'il est actif sur la performance" mais…
Alors, c'est quoi la trimétazidine ? "C'est un médicament d'appoint contre l'angine de poitrine, nous explique Michel Audran, ancien directeur du laboratoire antidopage de Châtenay-Malabry et du département des analyses de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). L'angine de poitrine, c'est une douleur cardiaque qui est provoquée par une mauvaise irrigation du coeur. (…) Et ce produit-là permet au coeur de fonctionner normalement en consommant moins d'oxygène."
Les effets dopants de ce produit restent cependant incertains dans la littérature scientifique. "Il n'y a aucune étude qui prouve qu'il est actif sur la performance. On peut toutefois supposer qu'il a un effet sur la performance, en permettant par exemple de maintenir plus longtemps une fréquence cardiaque plus élevée. Mais c'est une supposition, nous confirme l'ancien patron du laboratoire antidopage de Châtenay-Malabry. J'ai aussi vu une étude assez récente qui dit qu'il augmenterait les capacités psychomotrices, en particulier le temps de réaction et les réflexes. Mais là encore, c'est une hypothèse."
Et si pour les béotiens du dopage, cela peut surprendre de le retrouver dans les produits dopants malgré ces incertitudes, ce flou scientifique n'est pas illogique. "Dans les interdictions, il y a la notion de 'potentiellement actif sur la performance', explique encore Michel Audran. Or ce médicament-là, en permettant au coeur de consommer moins d'oxygène, il serait intéressant pour maintenir des fréquences cardiaques plus élevées. Donc des efforts brefs et intenses plus longtemps. Le souci, avec ce médicament, c'est qu'il faut être idiot pour prendre ça, parce que vous détectez une dose thérapeutique unique pendant 30 jours dans les urines… Ce qui est très long."
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Iga Swiatek hat ihre Doping-Strafe akzeptiert
Crédit: Getty Images
L'Agence mondiale antidopage peut encore passer par là
Le mois de suspension semble cependant bien maigre, quand on sait que d'autres sportifs ont été sanctionnés plus lourdement pour le même produit. La patineuse russe Kamila Valieva a été par exemple suspendue quatre ans tout comme le lutteur français Zelimkhan Khadjiev, lutteur français, contrôlé positif en 2019. "Quand l'athlète arrive à prouver qu'il n'est pour rien dans la prise d'une substance qui a provoqué un contrôle positif, il a droit à des réductions de peine. Il y a d'ailleurs eu des cas où il n'y a pas eu de peine du tout. (…). Mais parfois, c'est un mois. Parfois, c'est trois ou six. Et ça dépend des agences."
Cette différence de lecture et de traitement peut évidemment créer des frustrations. Et des incompréhensions. Tout comme cette manière d'agir de l'ITIA qui attend de conclure son enquête avant d'annoncer le contrôle positif de ses champions. Mais si certains acteurs du tennis sont montés au créneau, cette affaire n'est peut-être pas finie. Car l'Agence mondiale antidopage (AMA) peut encore fait appel tout comme l'Agence polonaise antidopage (Polada). "La peine est toujours revue par l'Agence mondiale après. Les fédérations internationales possèdent leurs propres habitudes, ses règles. Mais derrière au-dessus, il y a le contrôle de l'AMA. Et c'est le cas avec Sinner", prévient l'ancien expert de l'AFLD.
Jannik Sinner a ainsi été blanchi par l'ITIA mais l'AMA a fait appel fin septembre et réclamé un à deux ans de suspension. "L'AMA va examiner attentivement cette décision et se réserve le droit de faire appel", a d'ailleurs répondu à l'AFP un porte-parole de l'instance mondiale au sujet de Swiatek. De quoi se dire que cette affaire n'est peut-être pas totalement à ranger au placard.
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