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Indian Wells vintage : Le jour où Rafael Nadal est tombé sur un os canadien

Maxime Battistella

Mis à jour 14/03/2020 à 12:02 GMT+1

INDIAN WELLS - Il n'y aura pas de tennis à Indian Wells cette année. Merci le coronavirus. Cela nous laisse un peu de temps pour nous replonger dans les grandes heures du tournoi. Chaque jour, retour sur une page marquante ou un match inoubliable restés dans l'histoire du Masters 1000 californien. Jeudi, cap sur 2015 quand Milos Raonic a torpillé les retrouvailles du "Big Four".

Indian Wells 2015 : Nadal - Raonic.

Crédit: Getty Images

Milos Raonic – Rafael Nadal

Edition : 2015
Tour : Quart de finale
Vainqueur : Milos Raonic (Canada)
Adversaire : Rafael Nadal (Espagne)
Score : 4-6, 7-6 (10), 7-5
S’il n’est jamais étonnant de voir Rafael Nadal impliqué dans un duel mémorable, Milos Raonic, sans lui faire injure, n’est pas le premier nom qui vient à l’esprit pour l'accompagner en pareille occasion. Pourtant, c’est bien le bombardier canadien, et son mètre 96, qui a tenu le rôle-titre d’un quart de finale à suspense dans le désert californien il y a de cela cinq ans. Et il s’est fait un malin plaisir de mettre son petit grain de sable dans les rouages d’un scénario parfaitement huilé et idéal jusqu’alors pour les organisateurs à Indian Wells.
Car avant que le duel hispano-canadien ne débute, les trois premières têtes de série du tournoi avaient validé leur billet pour les demi-finales : Novak Djokovic sur forfait de Bernard Tomic, Andy Murray tout en maîtrise contre Feliciano Lopez (6-3, 6-4) et Roger Federer en démonstration face à l’une de ses victimes préférées, Tomas Berdych (6-4, 6-0).
Dans cette journée sans histoire, Rafael Nadal doit compléter le tableau et assurer la réunion du "Big Four" dans le dernier carré d’un grand événement pour la première fois depuis la demi-finale de l’Open d’Australie 2012. En Masters 1000, cela fait même près de cinq ans qu’une telle réunion au sommet n’a pas eu lieu, la dernière datant de l’édition 2010 de la Rogers Cup à Toronto. Larry Ellison, le milliardaire fondateur d’Oracle et propriétaire du tournoi, peut donc se frotter les mains : cette fois, c’est sûr, les quatre patrons vont lui assurer un dernier week-end de feu. De quoi confirmer le statut officieux de "cinquième Grand Chelem" dont se targue l’événement organisé sur dix jours. Comment pourrait-il en être autrement ?
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Milos Raonic lors de sa demi-finale de Masters 1000, face à Rafael Nadal, à Indian Wells en 2015

Crédit: AFP

De victime expiatoire à funambule habité

Lors de ses cinq premiers duels face au "Taureau de Manacor", Milos Raonic n’a réussi à lui prendre qu’un set, l’année précédente à Miami, déjà sur le dur américain. En Floride, Nadal n’a d’ailleurs jamais triomphé, alors qu’à Indian Wells, il a déjà soulevé trois fois le trophée en 2007, 2009 et 2013. Bien qu’abrasive et pas idéale pour ses genoux, la surface lui convient bien mieux parce que son fameux lift de gaucher y est efficace. Dans les conditions désertiques de l’Indian Wells Tennis Garden, sa balle "vole" et rebondit haut, ce qui n’est pas sans lui rappeler sa terre battue chérie. Mais elle avantage aussi les grands serveurs et leur kick, le Majorquin sait donc à quoi s’en tenir et il n’est de toute façon pas du genre à sous-estimer son adversaire, même si celui-ci ne l’a encore jamais battu.
Très concentré et bien décidé à marquer psychologiquement Raonic le plus vite possible, Nadal a un plan clair en tête : parvenir à engager l’échange à la relance, jouer le plus long possible et toucher vite le revers adverse, coup le plus friable (et de loin) du Canadien. Et dès le troisième jeu, celui-ci cède : visiblement tendu et marqué par ses cinq échecs précédents face à l’Espagnol, il enchaîne les fautes et offre un break blanc qui scelle son destin dans le premier set. Très au clair dans sa stratégie de pilonnage avec son service slicé de gaucher, et précis avec son coup droit long de ligne, Nadal a pris ses repères et les commandes. Difficile alors de l’imaginer les lâcher. La seule question n’est pas de savoir s’il va porter l’estocade, mais quand.
D’ailleurs dès le premier jeu de la deuxième manche, son passing de coup droit signature le long de la ligne lui donne une première occasion de breaker encore. Il en aura cinq autres dans la manche, toutes écartées par un Raonic, de plus en plus clair dans son plan de jeu. Fort sur ses deux premiers coups de raquette, sa première balle canon (19 aces) et son décalage coup droit, le grand échassier a peu à peu repris confiance, s’ouvrant une voie royale vers le filet et privant par la même occasion son adversaire de rythme. Grâce à un engagement vers l’avant total, il se procure deux balles d’égalisation à un set partout à 5-4 sur le service de Nadal, avant de se retrouver à nouveau dos au mur dans le tie-break.
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Rafael Nadal à Indian Wells en 2015

Crédit: Getty Images

Bien plus qu'une simple défaite, les prémices d'une "blessure mentale" pour Nadal

Trois fois, le Canadien doit sauver une balle de match sur son service, trois fois il s’en sort, fidèle à son plan de jeu : l’attaque à outrance. "Au moment où je les ai jouées, je n’avais pas l’impression que c’était des balles de match. Je me disais juste que je devais trouver un moyen de les gagner comme n’importe quel point", confiera-t-il après le match. Car ce jeu décisif, apogée aussi bien tennistique que dramatique de ce quart de finale, en marque le tournant. Vainqueur 12 points à 10, Raonic voit ses options tactiques confortées et se lâche même côté revers dans l’ultime acte. Guerrier dans l’âme, Nadal se bat comme un lion mais subit – il frappe presque deux fois moins de coups gagnants que son adversaire, 25 contre 48 – et finit par céder son engagement pour la seule fois du match à 5 jeux partout. Une fois de trop.
D’une ultime banderille en coup droit croisé, Raonic vient finalement à bout du "Taureau de Manacor" après quasiment trois heures de mano a mano, dans une arène partagée entre l’admiration pour sa performance et le choc de la sortie de Nadal, tête basse. Le "Big Four" au complet ne sera donc pas au rendez-vous des demi-finales – il ne l’a d’ailleurs plus été depuis ni à Indian Wells ni ailleurs. Milos Raonic a gâché la fête, mais il n’en a cure. Cette première demie est le début d’une belle histoire pour lui dans le désert californien où il a atteint deux autres derniers carrés (2018 et 2019) et même une finale (2016). Un an plus tard, il passera même un cap supplémentaire en devenant le premier Canadien à jouer une finale en Grand Chelem à Wimbledon.
"Je suis heureux de mon niveau de jeu, de ma constance à ce niveau et de mon attitude sur le court. Je ne suis juste pas content d’avoir perdu, c’est tout. C’est la nature de ce sport : soit vous gagnez, soit vous perdez. J’ai perdu contre un grand adversaire, mais je me suis battu sur toutes les balles, j’étais à l’affût", commentera Nadal, dans un discours volontariste et convenu, peut-être déjà de façade. Car ce genre de matches, c'est bien lui, le plus grand combattant de l'histoire du tennis, qui les gagne d'habitude.
Suivant le principe des vases communicants, cette défaite atteint plus la confiance du champion majorquin qu’il ne veut bien l’avouer. Déjà en difficulté un mois et demi plus tôt à Melbourne où Tomas Berdych l’avait sèchement sorti en quart de finale, il entre alors dans une période de doute qui aboutira à sa deuxième défaite à Roland-Garros, contre Novak Djokovic. De quoi le plonger dans des affres inédites pour lui. Mais comme toujours, il saura rebondir.
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